Le lipofilling – Le système BRAVA

Le lipofilling ou lipomodelage est actuellement le traitement de référence pour la correction de séquelles modérées du traitement conservateur. Cette technique dérive de la classique liposuccion utilisée en chirurgie esthétique depuis les années 80. Il s’agit donc du transfert de graisse présente en excès dans certaines régions (abdomen, cuisses, hanches, etc) vers les seins afin de combler certains défects de volume. L’utilisation de graisse en comblement d’une perte de substance remonte à 1893, pour corriger les séquelles d’une infection au niveau du visage. De nombreux autres médecins réalisèrent avec plus ou moins de succès des transferts de graisse mais la technique n’a pas connu d’essor important en raison de la mauvaise prise de greffe (parfois nulle) et des séquelles sur le site de prélèvement de cette graisse. En 1983, avec «l’invention» de la liposuccion par le Dr Illouz, les séquelles sur le site donneur ont pu pratiquement disparaître.  La même année Illouz publie également les premiers transferts de graisse prélevée par lipoaspiration. De nombreux médecins perfectionnèrent la technique de transfert de graisse jusqu’à ce que  le Dr Coleman en 1991 mette au point une technique fiable et reproductible appliquée au début au rajeunissement facial. Il affina la technique de lipofilling, développa un matériel spécifique et nomma sa technique lipostructure. L’efficacité importante de ces transferts de graisse au niveau de la face, utilisés selon les principes modernes de préparation et de transfert atraumatique à permis l’application de cette technique au remodelage mammaire.

La Technique du lipofilling

On commence par procéder à un repérage précis des zones de prélèvement de la graisse, ainsi que des sites de réinjection. Il faut évaluer les zones qui sont à traiter sur le sein. Elles sont repérées et marquées sur la patiente. Des photographies sont systématiquement réalisées et permettent de préparer l’intervention la veille de l’opération, et servent de point de repère pour évaluer l’efficacité de l’intervention sur les zones donneuses et sur le site receveur.

L’anesthésie est le plus souvent générale du fait des quantités de graisse nécessaires. L’anesthésie locale ne se concevrait que pour de petites retouches. Une antibioprophylaxie est faite en début d’intervention. l’intervention se fait en ambulatoire.

Le site de prélèvement du tissu graisseux est le plus souvent la face antérieure de l’abdomen mais aussi la culotte de cheval ou la face interne des cuisses et des genoux. Le but est de réaliser le prélèvement graisseux de façon atraumatique de manière à éviter la destruction des dipocytes. Une infiltration de la zone de prélèvement est faite par certains opérateurs  par du sérum adrénaliné (1mg d’adrénaline dans 500cc de sérum physiologique). On utilise une canule à usage unique ou une canule de Coleman à bout mousse passées par des incisions de 4mm (lame de bistouri N° 15) et fixées à une seringue luer-lock de 10ml. L’aspiration doit être douce et modérée, donc faite uniquement à la seringue (contrairement à la liposuccion classique).  Les zones de prélèvement peuvent être ensuite régularisées par une liposuccion classique de complément. 

Prélèvement graisseux pour lipofilling

Plusieurs seringues sont ainsi remplies et obturées par un bouchon vissable. Elles sont ensuites centrifugées par lots de 6 pendant 4 minutes  à 4000 tours par minute. Cette centrifugation sépare trois composants: du sang à la partie inférieure, de l’huile à la partie supérieure et la graisse pure au milieu qui est récupérée et seule transférée.  L’huile au dessus et les résidus sanguins en dessous sont éliminés

Centrifugation

La réinjection du tissu graisseux se fait à partir d’incisions de 1 mm à l’aide de micro-canules spéciales est utilisée nécessitant une petite incision cutanée. 

Réinjection de graisse

On procède ainsi à l’injection de micro-particules de graisse comme des «spaghettis» dans différents plans et selon des directions multiples et divergentes, afin d’augmenter la surface de contact entre les cellules implantées et les tissus receveurs, ce qui assurera la survie des cellules adipeuses greffées. 

Dans la mesure où il s’agit d’une véritable prise de greffes de cellules vivantes, et sous réserve que la technique soit bonne et la prise de greffe effective, les cellules ainsi greffées 

resteront vivantes au sein de l’organisme, ce qui fait de la technique de liposculture une technique définitive puisque les cellules adipeuses ainsi greffées vivront aussi longtemps que les tissus qui se trouvent autour d’elles. On essaie de faire une «surcorrection» de volume injecté car il faut compter sur une resorption naturelle de 30% du tissu transféré. Lorsque les tissus receveurs sont saturés de graisse il faut s’arréter sous peine d’induire des foyers de cytostéatonécrose; il est alors possible de reprendre le lipofilling quelques mois plus tard.

Il existe des variantes techniques, notamment sans centrifugation où la graisse est réinjectée directement. La lipo-aspiration peut aussi être assistée par hydrojet: avec l’hydro dissection, c’est la solution qui est tumescente, donc pas besoin d’infiltrer. Le réel gain de temps est sur la récupération de graisse et sa réinjection. En effet, pendant la durée de l’intervention, la graisse est récoltée, nettoyée et tamisée dans un LipoCollector®. Elle est prête à l’emploi. Inutile de centrifuger. La graisse est récoltée avec moins de 25% de liquide. En raison des petites ouvertures sur les canules (bloquées par le capillaire d’eau) “les îlots d’adipocytes” sont plus petits et donc plus faciles à réinjecter. Le récipient n’a pas besoin d’être ouvert. Le gras est extrait par la douille entrante à l’aide d’une seringue ou canule spécifique à uage unique.

La durée de l’intervention est fonction de la quantité de graisse à réinjecter et du nombre de localisations à traiter. Elle peut varier de 30 minutes à 2 heures en cas de lipostructure isolée. Elle se fait en ambulatoire.

Les suites opératoires, sur le site de prélèvement sont celles de toute liposuccion. Sur le sein, une légère inflammation transitoire est possible ainsi que oedème et ecchymoses qui disparaissent en 2 à 4 semaines.

L’apport du système BRAVA 

Le système Brava a été initialement développé à la fin des années 90 par le Dr Roger Khouri de Miami, de façon à développer le volume des seins. Ce dispositif consiste en une paire de dômes semi-rigides en matière plastique, avec un coussinet de silicone à leur base qui sert d’interface avec la peau. Ces dômes sont reliés à une petite pompe marchant sur pile qui permet de créer une dépression aspirant ainsi le sein et permettant d’augmenter transitoirement son volume. 

Le but est ensuite de pouvoir ensuite de pouvoir greffer des quantités de graisse plus importantes dans ce sein de volume plus importan. Pour être efficace, ce système doit être porté 10 à 12 heures par jour, 4 semaines avant l’intervention de lipomodelage. La bonne motivation des patientes est donc nécessaire.

Système Brava

Ce système est efficace dans  les cas d’hypotrophies sévères ou de reconstructions difficiles, c’est-à-dire à chaque fois où il manque de tissus receveurs. Le Brava peut ainsi représenter un appoint intéressant et permettre de greffer un peu plus de tissu graisseux par séance. Les limites de cette technique sont le caractère contraignant du port du Brava. Il faut avoir des patientes très motivées pour porter le Brava 10 à 12 heures par jour, un mois avant l’intervention et un mois après l’intervention. L’autre facteur limitant est le coût de l’appareil (environ 1500euros)  qui n’est actuellement pas remboursé par l’assurance maladie.

Précautions concernant le lipofilling

Le risque de coïncidence avec un nouveau cancer du sein ou une récidive locale du premier cancer est non négligeable. Le protocole doit être très strict afin de limiter ce risque de coïncidence. Le protocole comprend un bilan d’imagerie du sein précis, avec évaluation mammographique, échographique , et IRM, par un radiologue spécialisé en imagerie mammaire. Le lipomodelage est habituellement réalisé après avoir eu l’accord du radiologue spécialisé, et également du cancérologue qui suit la patiente (qui le plus souvent nous a adressé la patiente pour la correction des séquelles esthétiques du traitement conservateur). De même, un an après l’intervention, un nouveau bilan d’imagerie du sein avec mammographie et échographie doit etre réalisé; en cas d’image  suspecte une microbiopsie est réalisée par le radiologue. Dans le cadre de la chirurgie esthétique du sein, le risque spontané de cancer du sein est évalué pour chaque patiente (globalement risque annuel de cancer du sein de 1/350 à 35 ans et 1/50 à 50 ans).  La SOFCPRE (Société française de chirurgie plastique et reconstructrice) recommande d’attendre environ 3 ans après le traitement conservateur du cancer du sein pour envisager la correction par lipomodelage ou transfert graisseux, afin de limiter le risque de coïncidence avec une récidive locale (le risque de récidive locale est moins important après 3 ans).

Conclusion

La technique du lipomodelage représente  une avancée considérable dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des séquelles modérées du traitement conservateur. Elle permet en effet de restaurer au sein un galbe et une souplesse qu’aucune autre technique chirurgicale n’apportait jusque là. L’imagerie mammaire n’est pas perturbée par cette technique et les transferts graisseux ne gênent pas la surveillance mammaire si le lipomodelage a été réalisé selon les règles de l’Art et si l’imagerie mammaire est réalisée par un radiologue ayant une bonne expérience en sénologie. 

Initialement proposé pour les séquelles modérées de traitement conservateur, il semble aujourd’hui possible d’étendre les indications de cette technique à des déformations importantes qui relevaient auparavant de l’utilisation d’un lambeau musculo-cutané comme le lambeau de grand dorsal.