Les forceps

Les forceps sont des instruments de préhension,  de flexion et de traction de la tête fœtale. Ils sont métalliques, semblables à deux grandes cuillères que l’on applique comme une pince sur la tête fœtale. Ils sont constitués de deux branches que l’on articule. Ils comportent une courbure céphalique et une courbure pelvienne.

I-Faut-il avoir peur des forceps?

Le forceps à à encore une assez mauvaise réputation auprès des patientes. le mots est d’ailleurs dans le langage courant: obtenir quelque chose au forceps c’est forcément quelque chose de très difficile et particulièrement pénible. En politique, on passe une loi au forceps…

Cette notion date de l’époque où la césarienne était une opération risquée et où le forceps était la solution à tous les accouchements difficiles. Il s’agissait d’attraper la tête du bébé très haut dans le bassin, souvent trop haut avec de fréquentes complications pour l’enfant et pour la mère.

Cela n’est plus du tout le cas aujourd’hui, mais les vieux mythes ont la vie dure, surtout ceux qui font peur… Aujourd’hui les prises hautes sont interdites et le forceps doit être considéré comme une simple «aide à l’expulsion» sur une tête bien engagée, délà descendue à la partie moyenne ou la partie basse du bassin. Dans tous les autres cas, la césarienne est préférée à des forceps acrobatiques et dangereux. L’aphorisme de Pajot doit être rapellé: «en Obstétrique mieux vaut éviter que réussir».

Et puis il y a la crainte de la douleur. Toutefois, la question se pose peu de nos jours, la majorité des accouchements se faisant sous péridurale. Mais il faut insister sur le fait qu’un  forceps, posé dans les conditions modernes siganlées ci-dessus, posé également avec délicatesse, n’est pas douloureux et peut parfaitement être utilisé sans aucune anesthésie (si, si…) et l’on ne devrait plus voir de forceps posés sous anesthésie générale, ce qui, hélas, se voit encore parfois. A l’époque où la péridurale était débutante, j’ai pour ma part posé de très nombreux forceps sans anesthésie et sans pour autant créer des «violences obstétricales». Le geste doit cependant être expliqué et dédramatisé car c’est l’angoisse et la peur du forceps qui exacerbe la douleur.

II-Les principaux forceps

    A-Le forceps de Tarnier

ll s’agit d’un forceps à branches croisées. Il est composé de deux branches et d’un tracteur. Chaque branche comporte une cuiller, une entablure et un manche. Sa longueur totale est de 41 cm. La cuiller constitue la partie essentielle du forceps. Elle est formée d’une spatule évidée appelée « fenêtre » qui mesure 4,5 cm en largeur et 11 cm de long. La fenêtre est constituée d’une branche antérieure « la jumelle antérieure » et d’une branche postérieure « la jumelle postérieure », réunies en avant au niveau du bec. L’entablure fait suite à la cuiller ; elle n’existe que dans les forceps croisés et permet l’articulation des branches. L’articulation se fait par vis que l’on serre de façon ferme mais non excessive. La branche gauche, dite mâle, est toujours la branche porteuse du pivot à vis. La branche droite, dite femelle, est porteuse de l’encoche recevant le système d’articulation. Le manche présente à son extrémité distale un crochet dirigé vers l’extérieur pour empêcher les mains de glisser et faciliter la prise lors de son introduction. Le système de traction comporte 3 parties : une tige horizontale distale terminée par une douille munie d’un curseur qui permet l’articulation avec les tigelles ; elle s’articule avec une tige verticale intermédiaire qui est articulée avec le centre d’un cylindre horizontal qu’on appelle palonnier sur lequel s’effectue la traction des deux mains. Toutes les articulations de ces pièces sont mobiles laissant le jeu des branches indépendant de la traction. L’intérêt du tracteur selon Tarnier est multiple : il permet d’appliquer la force de traction au centre géométrique de la présentation; il permet de diriger la force suivant l’axe de l’excavation et permet d’effectuer des tractions sans agir sur l’appareil préhenseur pour laisser « évoluer librement la tête » .

    B-Le forceps de Suzor

Le forceps de Suzor est un forceps à branches convergentes. Il est long de 33 cm.  Il se compose de deux branches, d’une barre d’articulation et d’une vis de pression.Les deux branches sont parfaitement symétriques et sont composées d’une cuiller et d’un manche. La cuiller est évidée, sa largeur est de 3,7 cm et sa longueur de 12,5 cm. La fenêtre est formée de deux jumelles qui se rejoignent en « U » au niveau du bec peu accentué. Elle présente une courbure céphalique de grand rayon, la courbure pelvienne est très faible et se termine dans l’axe du manche. Chaque jumelle est percée en son centre d’un œillet pour le passage de lac servant à la traction. Le manche est droit, léger et se recourbe à son extrémité vers le bas où se trouvent les vis d’articulation de la barre transversale qui solidarise les branches. La barre transversale, longue de 16 cm, s’articule aux extrémités distales des manches. Ceux-ci s’écartent plus que les cuillers d’où la convergence de l’instrument vers la tête fœtale. La double articulation de la barre avec les manches laisse les deux branches indépendantes dans le sens longitudinal ; les deux cuillers peuvent ne pas s’appliquer à la même hauteur sur la tête fœtale. La vis de pression n’a pas de place fixe ; elle peut glisser sur les manches et doit se mettre près de la vulve. Elle n’est pas destinée à produire une pression, la convergence des branches et la résistance des tissus maternels suffisent à maintenir le contact avec la tête. Son emploi, facultatif, évite cependant les risques de dérapage. Le Suzor n’a pas de tracteur métallique. On peut utiliser un système de traction par l’intermédiaire de lacs glissés dans les œillets situés au milieu de la convexité des jumelles. L’emploi des lacs (de deux mètres de longueur) permet une traction douce et souple permettant de jouer sur l’indépendance des deux branches.

    C-Autres forceps (liste non exhaustive)

        1-Forceps de Pajot

C’est un petit forceps croisé sans tracteur. Il se compose de deux branches articulées. La longueur des branches est de 35 cm. Les branches s’articulent par un pivot situé sur la branche gauche qui s’emboîte dans une encoche sur l’autre branche. La cuiller est évidée, large de 4,5 cm ; sa courbure céphalique est très prononcée alors que la courbure pelvienne est presque nulle. Le serrage des branches est maintenu par la main qui les tient et est modulé en cours d’extraction. Il est il ne permet pas de traction très puissantes et trouve son intérêt  à la partie basse, en particulier pour éviter une éventuelle déchirure périnéale grace à la moindre distension du périnée due au croisement des branches. Il est également intéressant en cas d’extractiuon difficile en cours de césarienne.

    2-Forceps de Kielland

C’est un forceps à branches croisées sans tracteur avec une articulation mobile. Le rayon de courbure pelvienne est long, l’articulation se fait au moyen d’un pivot mobile à glissière. C’est un forceps principalement utilisé par les équipes anglo-saxonnes. Au sein de mains expérimentées, il est particulièrement intéressant dans les prises asymétriques ; il est pour les Anglo-saxons le forceps dédié aux rotations.

    3-Forceps de Wrigley

Tout petit forceps donc très maniable mais ne permettant pas une forte traction.

III-Evolution des indications

Le forceps a initialement été mis au point pour résoudre les incidents dystociques de la descente de la tête dans le bassin, depuis l’engagement jusqu’à la vulve. Or, très vite, les prises trop hautes se sont avérées dangereuses pour le fœtus, parce qu’à la moitié haute du bassin il faudrait pouvoir appliquer une force de traction perpendiculaire au plan du détroit supérieur ce qui est impossible. Or, aucun forceps, même celui de Tarnier, qui est le plus perfectionné à cet égard, ne peut tirer la tête fœtale en bas et en arrière à travers le sacrum et la table d’accouchement. Il fut un temps où ces considérations n’avaient que peu d’importance, car c’était cela ou la mort de la mère. 

Or, petit à petit, au cours du XXe siècle, les progrès médicaux et, en particulier ceux de l’anesthésie, ont permis le développement de la césarienne qui est venue supplanter le forceps dans ces indications. De nos jours une dystocie d’engagement et même une dystocie sur une tête engagée bloquée à la partie haute de l’excavation n’est plus une indication de forceps : c’est une indication de césarienne. Et dans les indications où nos anciens l’utilisaient, le forceps est un très mauvais instrument.

Nous parlons des anciens, mais ne résistons pas au plaisir de citer Maurice Lacomme, qui en était déjà arrivé il y a cinquante ans à cette conclusion, faisant alors figure de novateur, à propos des divers modèles de forceps :

«Les solutions mécaniquement bâtardes, un peu moins ou un peu plus, que l’on est obligé d’accepter vous montrent que le seul usage logique — celui où les inconvénients mécaniques n’ont qu’une importance négligeable — est l’application basse, à la vulve ou presque, et sur tête tournée ; aucun forceps ne peut résoudre — bien — la difficulté mécanique de l’entraînement d’une tête encore élevée dans l’excavation et très souvent orientée en postérieure parce que la solution ne dépend pas — ou guère — de l’instrument employé. C’est la direction des tractions qui importe au plus haut point et aucun instrument ne peut faire que l’on puisse tirer à travers le périnée postérieur, voire à travers le sacrum ou les échancrures sciatiques, comme il le faudrait. Nos pères qui ont étudié sous tous ses aspects la mécanique du forceps avaient  bien vu qu’emprisonner la tête entre deux branches d’acier et ne pas pouvoir ensuite tirer dans l’axe du canal où il s’agissait de l’entraîner, était un pis-aller souvent mauvais».

Il ne faut donc plus faire de forceps… Ne plus en faire dans les indications d’autrefois, sur des têtes trop hautes ou non orientées. Le pronostic fœtal des applications de forceps à la partie haute ou des grandes rotations est mauvais. Il faut savoir prendre une décision de césarienne, même si la tête est engagée… sans craindre de passer pour un obstétricien sans expérience. L’art obstétrical n’est heureusement plus une affaire de «gros bras» ; c’est devenu l’art de faire naître un enfant en bon état et sans séquelle et non pas de le faire naître à tout prix par voie basse.

Par contre, dans des indications d’aide à l’expulsion comme définies plus haut, à la partie basse, il faut faire des forceps, seul moyen de raccourcir la phase d’expulsion.

L’obstétrique moderne actuelle ne peut qu’appliquer à la lettre les opinions émises par Lacomme :

«le forceps est à la fois le meilleur et le pire des instruments. 

Le meilleur quand il est employé dans la limite des indications qui permettent une extraction facile : sur sommet orienté en OP ou en antérieur, sur tête basse arrêtée par le releveur.

C’est un instrument médiocre lorsque le sommet est arrêté à mi-hauteur de l’excavation pour la double raison que déjà les tractions ne pourront plus être tout à fait bien dirigées, et aussi que l’arrêt de la tête à cet étage est souvent lié à une forme de bassin peu propice à sa progression. 

C’est un instrument détestable pour prendre une tête en haut de l’excavation et même quelquefois une tête orientée en postérieure. Il faut abandonner ces forceps dangereux. L’habilité de l’opérateur ne peut rien contre des impératifs mécaniques, et quelques réussites n’empêchent pas le pourcentage inacceptable de traumatismes graves». 

IV-Les indications actuelles des forceps

Les forceps sont indiqués, s’il faut réaliser une extraction fœtale en urgence et/ou dans les cas où l’action maternelle est insuffisante ou impossible. Ils ne sont applicables que sur la partie céphalique du mobile fœtal. Dans toutes les situations, la tête fœtale devra donc être d’ores et déjà engagée dans le bassin (franchissement du détroit supérieur). Les différentes indications sont :

    -anomalies du rythme cardiaque fœtal ;

    -non progression de la présentation après 30 minutes d’efforts expulsifs réguliers bien menés ;

    -fatigue maternelle intense avec efforts expulsifs insuffisants ;

    -contre-indication aux efforts expulsifs maternels ;

    -enfant fragile, prématuré notamment, pour lequel le forceps, loin d’être une agression supplémentaire protège la tête fœtale, comme un casque, des hyperpressions et réduit le risque d’hémorragie cérébro-méningée;

    -rétention de tête dernière lors des accouchements du siège ;

    -difficultés d’extraction fœtale lors d’une césarienne;

    -procidence du cordon sur tête engagée et semblant facilement accessible à l’extraction instrumentale.

V-technique de pose des forceps

    A-Conditions préalables obligatoires

        -présentation céphalique ;

        -dilatation complète ;

        -membranes rompues ;

        -orientation et flexion céphalique parfaitement identifiées : repérage du côté du dos, les fontanelles et, dans les cas difficiles, le sillon de l’oreille. L’échographie peut également être une aide ;

        -présentation engagée ; cet élément peut être difficile à évaluer en cas de bosse sérosanguine mais il est capital;

        -vessie vide.

De plus, l faut toujours tenir compte du bien être fœtal et de l’estimation échographique du poids fœtal avant de poser une indication d’extraction instrumentale. Des anomalies du rythme cardiaque et/ou une estimation de poids fœtal supérieure à la normale doivent faire reconsidérer l’indication d’extraction fœtale en fonction du calcul risques/bénéfices.

    B-Règles communes à l’ensemble des forceps

        -Préparation du forceps : il est important de contrôler le matériel, on vérifiera donc l’ensemble des pièces et leur possibilité d’assemblage ; les cuillers seront lubrifiées.

        -Mise en place des cuillers : la cuiller postérieure est posée en premier sur une variété oblique ; elle est toujours introduite primitivement dans une zone d’accès facile : la partie postérieure de la vulve où l’arcade pelvienne ne gène pas l’introduction des doigts. Elle est guidée au contact de la présentation par la main de l’accoucheur qui protège le vagin. Si la présentation est haute, l’extrémité des doigts peut prendre contact avec le bord du col pour guider l’instrument au contact de la présentation et éviter la fausse route et la déchirure du cul de sac vaginal.

        -Articulation du forceps.

        -Vérification de la prise.

        -Extraction précédée ou accompagnée de la rotation de la tête fœtale inferieure à 45°.

    C-Rotation manuelle avant pose de forceps

Chaque fois que cela est possible la rotation devrait être manuelle avant la pose du forceps. Pour cela la position de la tête doit être connue avec certitude et il est possible de s’aider d’une échographie rapidement accessible en salle de travail. La technique a été décrite par Tarnier et Chantreuil (Traité d’art des accouchements). La patiente doit être placée en position gynécologique, au mieux sur les étriers, pour faciliter l’intervention de l’opérateur. La vessie doit être vide. La main utilisée par l’opérateur varie selon la variété de présentation : la main droite prend appui en arrière de l’oreille fœtale droite pour les variétés gauches (OIGT et OIGP) et la main gauche en arrière de l’oreille gauche pour les variétés droites (OIDT et OIDP). L’opérateur place donc sa main juste derrière l’oreille fœtale et, lors d’une contraction et d’un effort de poussée, imprime un mouvement de rotation vers l’avant, en direction de la symphyse pubienne, à la tête fœtale afin d’amener l’occiput fœtal en regard de l’arc antérieur du bassin maternel. Cette manœuvre doit être réalisée « avec fermeté mais sans violence », comme décrit initialement par les auteurs. Plusieurs tentatives peuvent être réalisées au besoin, mais il semble qu’un maximum de trois rotations manuelles puisse être tenté. En effet, au-delà de ce nombre, les chances de réussite seraient nulles.

    D-Pose du forceps de Tarnier

        1-Prise en OP (Occipito-pubien)

C’est la plus simple et la plus fréquente des applications de forceps ;

            -La branche gauche tenue par la main gauche est posée en premier ; présentée verticalement ou même légèrement inclinée vers le ventre de la femme, elle suit le contact de la tête fœtale. L’introduction du bec se fait en arrière et non pas latéralement ; ce n’est qu’après, avec le mouvement d’abaissement du manche qui accompagne la pénétration, que la cuiller remonte pour trouver d’elle-même sa place.

            -La branche droite est placée ensuite de la même façon. Si la prise est bonne, l’articulation est évidente. Le pivot de la branche gauche se place aisément dans l’encoche de la branche droite. On procède alors au serrage de la vis articulation puis, après vérification de la prise, serrage modéré de la vis de pression.            

            -Pour la mise en place du tracteur, les tigelles sont détachées de leur bouton d’arrêt et placées en position médiane. La douille est présentée en regard de celles-ci. La zone des tigelles porteuse d’une encoche est placée à l’intérieur. Le curseur en avançant diminue la hauteur libre de la douille emprisonnant les tigelles retenues par leur encoche supérieure.

            -Vérification de la prise avant la mise en place du tracteur. Par le toucher uni ou bi-digital, on s’assure que la « tête est bien prise et seule prise ». 

            -L’extraction se fait par traction exercée sur le palonnier du tracteur, de préférence au cours d’une contraction utérine renforcée par un effort expulsif maternel. Les tractions seront d’abord dirigées vers le bas lorsque la tête est encore dans l’excavation. Lorsque la tête arrive au détroit inférieur, on voit les branches du forceps se redresser ; la direction de la traction doit se redresser d’autant, de sorte que la tige du tracteur reste à la même distance des branches du forceps à savoir 1 ou 2 travers de doigt.

            -La tête se dégage progressivement de l’anneau vulvaire. Le calage de l’occiput sous l’arcade pubienne marque le début de la déflexion de la tête. Il faut alors retirer le tracteur, saisir le forceps par son entablure et poursuivre la traction en redressant progressivement les manches vers le ventre de la mère.

            -Dès que le menton est accessible à travers le périnée, on désarticule de préférence le forceps. On retire doucement, par un mouvement inverse de celui de l’introduction l’une et l’autre branche du forceps.

        2-La prise en OIGA

            -La mise en place des branches débute par la mise en place de la branche gauche selon les principes déjà étudiés. La position fœtale étant oblique, la cuiller doit venir se placer à gauche et en arrière sur la région malaire postérieure du fœtus en regard du sinus sacro-iliaque gauche. La branche droite présentée verticalement par la main droite est abaissée en décrivant un large mouvement de rotation manuelle de droite à gauche et haut en bas pendant que la cuiller monte vers le sinus sacro-iliaque. Cette manœuvre est connue sous le nom de « Tour de spire de Madame Lachapelle ».

           – L’articulation se fait sur un instrument obliquement orienté.

        -Verification de la prise.

        -Si les tigelles des deux branches sont dans le vagin, il faudra se poser la question de l’engagement de la présentation et de l’opportunité du forceps dans ces conditions.

        -L’extraction comporte deux temps : un premier temps de rotation spontanée de la présentation de 45° dans le sens antihoraire ramenant la présentation en OP, puis l’extraction en OP comme précédemment.

        3-La prise en OIDA

        -Cette prise est assez rare. L’OIDA n’est qu’exceptionnellement une prise d’engagement mais plutôt la résultante de l’arrêt de la rotation manuelle ou naturelle après engagement OIDP ou OIDT.

        -La mise en place des branches débute par la branche droite. La cuiller doit venir se placer à droite et en arrière sur la région malaire postérieure en regard du sinus sacro-iliaque droit.

        -La branche gauche est ensuite introduite, la cuiller gauche doit venir se placer à gauche et en avant sur la région malaire pour un vaste mouvement spiralé.

        -L’articulation des branches n’est possible qu’après décroisement des manches, la branche droite portant l’encoche se trouvant en dessous de la branche gauche portant le pivot, par une manœuvre lente qui n’entraînera pas le déplacement des cuillers ; on fait glisser la branche droite par-dessus la gauche, les deux manches gardant toujours le contact entre eux.

        -Vérification de la prise.

        -L’extraction comporte dans un premier temps une rotation de 45° dans le sens horaire ramenant la présentation en OP, puis dans un deuxième temps une extraction en OP comme précédemment décrit.

        4-La prise en variété transverse

Elle est contre-indiquée avec un forceps aux branches croisées. Il faudra alors plutôt utiliser un forceps à branches convergentes dans des mains expérimentées ou un autre instrument.

        5-La prise en variété postérieure

     -Le forceps a été conçu pour s’appliquer et agir de façon optimale sur une présentation antérieure, si possible bien fléchie. En présentation postérieure, la tête est souvent mal fléchie et parfois asynclite.

        -La pose en droite postérieure ou gauche postérieure est possible. Une fois la pose réalisée, deux solutions sont possibles : une extraction en OS ou une grande rotation en OP.

        -La grande rotation n’est que rarement enseignée et doit être réservée à des opérateurs expérimentés compte tenu du risque de dégâts périnéaux.

        -Chaque fois que cela est possible la rotation devrait être manuelle avant la pose du forceps.

    E-Pose du forceps de Suzor

        1-La prise en OP se fait comme pour le Tarnier et ne pose en général pas de difficulté. D’une façon générale, Le forceps doit être saisi par l’opérateur de façon à pouvoir effectuer la totalité de l’extraction sans modifier le positionnement des mains : les doigts seront positionnés sur le dessus des branches avec les pousses en dessous. La position la plus adaptée, pour l’opérateur commence en position accroupie. Dans cette position, il peut contrôler la rotation et la flexion de l’ensemble tête/forceps se trouvant au plus près de l’axe de rotation et de descente. Au moment du dégagement, il lui suffit de se relever pour accompagner naturellement l’évolutionde la tête.

L’extraction commence toujours par un premier temps de flexion qui facilitera la descente –rotation du fœtus

dans la filière pelvienne. La traction exercée sur les branches du forceps se fait sans à coup, de même que

son orientation. Le calage du sous-occiput sous la symphyse marque le début de la déflexion. Des mouvements de latéralité sont interdits avec des forceps à branches parallèles.

        2-La prise en OIGA

                -La cuiller est présentée verticalement, tenue à son extrémité entre le pouce et l’index de la main gauche, la courbure céphalique appliquée sur la présentation. Elle glisse dans le sinus sacro-iliaque et le manche est alors doucement abaissé sans forcer. Le bec de la cuiller glisse vers le sacrum et dépasse légèrement le malaire.

                -La branche droite présentée verticalement par la main droite est abaissée en décrivant un large mouvement de rotation manuelle de droite à gauche et de haut en bas pendant que la cuiller monte vers le sinus sacro-iliaque. Cette manœuvre est connue sous le nom de « Tour de spire de Madame De La Chapelle ».

                -Montage du Suzor avec mise en place de la barre transversale se fixant à l’extrémité de chaque manche au moyen d’une vis. Mise en place secondairement du système de serrage entre les deux branches.

                -Vérification de la prise.

                -Un premier temps de flexion favorise la descente qui oriente la tête sur le dièdre des releveurs. L’écartement des branches étirant les chefs musculaires atténue un peu leur influence sur la progression et les mouvements devront parfois être guidés. Le calage du sous-occiput sous la symphyse marque le début de la déflexion. La traction exercée sur les branches du forceps se fait sans à coup, de même que son orientation.

                -La position de l’accoucheur doit lui permettre d’effectuer la totalité du mouvement sans avoir à modifier la position de ses mains. La position la plus adaptée, quelle que soit la situation, commence en position accroupie : dans cette position, il peut contrôler la rotation et la flexion de l’ensemble tête/forceps se trouvant au plus près de l’axe de rotation et de descente. Au moment du dégagement, il lui suffit de se relever pour accompagner naturellement l’évolution de la tête jusqu’au couronnement.

                -Le démontage de la barre d’articulation permet aux branches de se rapprocher et de minimiser le diamètre qui distend l’anneau vulvaire. L’ablation des branches se fera en fonction de chaque situation : il faudra analyser le bénéfice qu’il y a à les retirer avant de dégager le front puis à la face ou à les laisser en place. Le risque d’excoriation fœtale existe alors lors de l’ablation. Le risque de déchirure des tissus maternels existe aussi mais il est minime si le démontage de la barre a été effectué et le bec des cuillers remontés sur les malaires.

        3-La prise en OIDA

Cette prise s’effectue de façon identique à celle du Tarnier, sans décroisement des branches.

        4-La prise en variété transverse

                -Elle n’est pas contre-indiquée avec un forceps Suzor puisque la prise peut être symétrique.

                -La cuiller gauche est introduite dans le sinus sacro-iliaque gauche puis s’insinue entre la tête fœtale et le sacrum pour se placer dans l’axe occipito-mentonnier.

                -La cuiller droite, introduite dans le sinus sacro-iliaque droit, doit contourner la présentation en croisant la suture médiane et remonter le long de la ligne innominée sous la branche ischio-pubienne pour se placer finalement symétrique à la cuiller gauche.

                -Lors de l’extraction, il faudra effectuer une rotation douce de façon à amener la présentation en OP.

        5-La prise en variété postérieure

                -L’application est possible en utilisant des forceps Suzor avec lacs et semble préférable au tarnier dans cette situation. Cette manœuvre sera réservée aux praticiens expérimentés. Cependant les remarques précédentes relatives à la rotation manuelle préalable s’appliquent ici aussi.

                -Les lacs sont enfilés au niveau des œillets des jumelles postérieures, ce qui les situe au plus près du centre de rotation de la tête.

                -La pose du forceps s’effectue normalement ; l’utilisation de lacs souples permet de rendre à la tête fœtale sa liberté d’adaptation aux contraintes de la filière pelvienne tout en lui donnant une direction.

                -Après la flexion, les lacs vont être utilisés pour imprimer une contrainte en sens opposé sur chaque branche (rotation dans le sens horaire pour OIDP). Les avant-bras de l’opérateur vont se croiser et celui-ci devra incliner le buste latéralement pour terminer le mouvement jusqu’à la position occipito-pubienne.

                -Pour finir l’extraction, il faudra retirer le forceps qui retrouve sa courbure pelvienne inversée et éventuellement le reposer en OP selon la technique habituelle.

        6-Poses de forceps en situations particulières

                a-Présentation de la face

La prise avec un forceps est possible en cas d’orientation mento-pubienne. Les cuillers se placent facilement suivant le diamètre mento-occipital. Le bec des cuillers s’appuie alors sur la région pariéto-occipitale, c’est-à-dire sur la voute crânienne et non sur les malaires. Sur le plan mécanique, il s’agit d’une zone d’appui médiocre. C’est une zone d’appui dangereuse car malléable ; il est donc fondamental de ne pas avoir à exercer une traction soutenue, le risque de fracture et de parésie faciale serait important. La traction doit ramener le menton sous la symphyse, les manches du forceps sont dirigés en bas. Ensuite on relève la traction vers le haut progressivement pour dégager la tête par flexion. On choisira de préférence un forceps qui répartit sa zone d’appui comme le Suzor plus enveloppant et au bec moins accentué.

                b-Forceps sur tête dernière d’un accouchement par le siège

Le forceps peut être utile dans l’extraction de la tête dernière. L’indication est d’éviter d’extraire la tête par des tractions manuelles sur le cou qui risquent d’entraîner de graves lésions du plexus brachial ou de la moelle épinière. On repère la présentation avec la main introduite dans le vagin par la bouche et l’on doit tourner au besoin la tête en OP, si la tête reste bloquée dans un axe non sagittal. Un aide saisit le fœtus par les pieds et le relève devant le pubis, et le maintient dans cette position pour que le forceps puisse être appliqué sous le fœtus.Il faut introduire les cuillers selon la technique habituelle le long des joues du fœtus, articuler le forceps et vérifier la prise. La traction est d’abord dirigée vers le bas pour bien engager le sous-occiput sous la symphyse. L’axe de traction est progressivement relevé pour fléchir la tête. Le menton se dégage de la commissure postérieure et la bouche apparaît. On termine alors l’extraction avec le forceps, sans le retirer.

                c-Forceps lors d’une extraction par césarienne

L’extraction fœtale lors d’une césarienne doit être la moins traumatique pour le nouveau-né et en même temps doit éviter d’entraîner des déchirures de l’hystérotomie qui menaceraient les pédicules vasculaires latéro-utérins.En cas de difficultés d’extraction, il peut être indiqué d’appliquer un instrument. Si l’on choisit un forceps on privilégiera un petit forceps type Pajot ou Suzor.Si la tête est haute, l’application se fera classiquement ; la courbure « pelvienne » de la cuiller vers le haut après, si nécessaire, une rotation manuelle de l’occiput vers l’avant.Si la tête est « engagée », le forceps ne pourra être placé sur l’axe occipito-mentonnier et sera dangereux. Il faut rappeler que l’extraction instrumentale ne doit en aucun cas amener une dilatation de l’hystérotomie supérieure à celle générée par une manœuvre manuelle.

VI-Complications

Quel que soit l’instrument utilisé pour l’extraction fœtale, il semble que les présentations en variétés

transverses, postérieures ou en occipito-sacrées semblent être source de plus de complications.

    A-Complications maternelles

            1-Complications immédiates

                -Déchirures vulvo-périnéales: déchirures périnéales simples, périnée complet, périnée complet compliqué.

                -Déchirures des parois vaginales basses ou hautes.

                -Plaies du col.

                -Les déchirures du col sus-vaginales sont rares mais graves car souvent méconnues. On doit y penser en cas de syndrome hémorragique sans sang extériorisé.

                -Déchirures utérines: exceptionnelles. Il s’agit souvent de déchirures du col qui se sont prolongées

vers le corps utérin.

                -Déchirure tissulaire des espaces péri-génitaux (ou thrombus). Ces déchirures se situent au niveau para vaginal ou en région vulvaire. Il s’agit d’un clivage tissulaire associé à des plaies vasculaires provoquant des hématomes disséquants. L’apparition des hématomes peut être immédiate après l’accouchement ou quelques jours plus tard (voir le chapitre: «thrombus génitaux».

                -Lésions urinaires et digestives directement liées à l’usage du forceps avec des plaies vésicales ou de l’urètre en avant et des plaies sphinctériennes en arrière. L’absence de vidange de la vessie augmente le risque de plaies vésicales.

    2-Complications secondaires

                -Urinaires: hématurie, rétention d’urine nécessitant un sondage évacuateur, Incontinence urinaire précoce qui s’améliore dans les semaines qui suivent l’accouchement, fistule vésico-vaginale (exceptionnelle).

                -Digestives: fistule recto-vaginale

                -Cicatricielles: retard de cicatrisation, dyspareunies

                -Pathologie glandulaire : kyste vaginal, kyste de la glande de Bartholin.

    3-Complications tardives

                -Incontinence urinaire: Il s’agit d’incontinence urinaire d’effort +/- prolapsus +/- impériosités mictionnelles

                -Incontinence anale aux gaz et/ou aux solides.

                -Dyschésie.

B-Complications néonatales

                -Complications hémorragiques cérébro-méningées :

                -Hématomes du cuir chevelu ou facial. Ils se situent au niveau des points d’appui des cuillers et sont sans conséquences à long terme.

                -Blessures cutanées: elles se situent au niveau des joues, de la région malaire, des oreilles, de la mastoïde, de la nuque avec hématome.

                -Lésions neurologiques intracérébrale: elles souvent associées à des hémorragies méningées sous arachnoïdiennes ou même intra ventriculaires.

                -Fracture ou embarrure siégeant essentiellement sur le pariétal ou sur le frontal.

                -Les paralysies des nerfs crâniens:

                        -Paralysie faciale par compression du nerf à son émergence du trou stylomastoïdien par le bec de la cuillère postérieure du forceps, dans la grande majorité des cas, totalement résolutive.

                        -Paralysie du nerf VI par compression dans la partie postérieure de l’os temporal entraînant une paralysie des muscles du rictus II-IV.

                -Atteinte de l’œil: hémorragie sous conjonctivale, exophtalmie passagère. Les lésions graves observées sont: l’atteinte la chambre antérieure de l’œil, la choroïde ou l’énucléation de l’œil exceptionnellement.

Cette énumération peut faire peur mais Il est vrai que les complications traumatiques graves néonatales sont très rares et souvent dues à une erreur technique,  soit d’appréciation, soit d’utilisation de l’instrument. Même si l’expérience de l’opérateur intervient considérablement dans l’incidence de ces complications néonatales graves, il faut insister sur le respect strict des indications de l’extraction instrumentale, sur l’obstination de l’opérateur de faire un diagnostic précis de la présentation et sur le respect strict des règles d’utilisation de l’instrument choisi. Et il est des cas où il vaut mieux éviter (=s’abstenir) que réussir.