Le syndrome des antiphospholipides

Le syndrome des anti-phospholipides (SAPL) est une maladie auto-immune (liée à un trouble des défenses immunitaires) caractérisée par la formation récurrente de caillots sanguins dans les vaisseaux (thromboses artérielles et/ou veineuses), par des fausses couches répétées chez les femmes et par la présence d’anticorps particuliers dans le sang, les anticorps  anti-phospholipides. D’autres manifestations cliniques, cutanées, neurologiques, ou encore  rénales y sont souvent associées. Lorsque les thromboses et la présence d’anticorps anti-phospholipides surviennent de façon isolée, saans autre maladie auto-immune associée, on parle de syndrome primaire des antiphospholipides. Dans certains cas, ces manifestations sont associées à d’autres maladies auto-immunes (comme le lupus systémique) : on parle alors de SAPL secondaire.

Le SAPL est parfois appelé syndrome de Hughes

Le syndrome des antiphospholipides primitif est une entité clinique de connaissance récente (décrit par Huges en 1983), associant chez  ces sujets  un risque thrombotique élevé, une thrombopénie et chez la femme un certain nombre de complications obstétricales dont des avortements à répétition.  

La définition du SAPL répond aujourd’hui à des critères internationalement reconnus  qui ont été établis à l’occasion  d’un atelier qui s’est déroulé à Sapporo (Japon) en 1998. Ces critères, dits critères de Sapporo, ont été publiés en 1999. En 2006 ils ont été légèrement modifiés suite à un atelier qui eut lieu à Sidney (Australie).  Le SAPL n’est pas la simple constatation d’un taux modéré d’anticorps antiphospholipides, souvent fugace et non pathogène, mais associe des manifestations cliniques à la mise en évidence d’un anticorps antiphospholipide (APL) persistant.

Il en résulte qu’on ne peut parler se syndrome des antiphospholipides qu’en présence de l’association d’au moins un critère clinique suivants  et d’au moins un des critères biologiques suivants.

Les critères de diagnostic

Les critères cliniques

        a-Complications obstétricales

            -Au moins trois fausses couches

            -Une mort fœtale après trois mois

            -Au moins un accouchement prématuré de moins de 34 semaines d’aménorrhée d’un enfant morphologiquement normal

            -hématome rétroplacentaire ou retard de croissance intra-utérin ou pré-éclampsie.

        b-Thromboses veineuses ou artérielles pouvant toucher tous les territoires.

Les critères biologiques

        a-Des tests de coagulation

            – l’allongement spontané du temps de céphaline kaolin ou de céphaline activé (TCA). Il est dans ce cas lié à la présence d’un anticoagulant circulant  dont l’existence sera suspectée par les test complémentaires suivants :  absence de correction de ce test anormal par l’adjonction de plasma témoin, correction ou raccourcissement du test anormal par adjonction d’un excès de phospholipides et exclusion d’autre coagulopathies (facteurs VIIIc, IX, XI, XII) ou héparinothérapie en fonction du contexte.

        b-Des tests immunologiques 

            1-mettant en évidence la présence  d’ anticorps antiphospholipides. Ces derniers doivent être retrouvés à au moins deux occasions différentes séparées de 12 semaines (antérieurement 6 semaines lors des premiers critères de Sapporo). Les phospholipides sont des lipides contenant un ou plusieurs radicaux phosphate, en particulier ceux dérivant du glycérol (phosphoglycérides voir glycérophospholipides) ou de la sphingosine (sphingolipides). Ce sont des lipides polaires, organisés en double couche, qui sont d’une grande importance pour la structure et les fonctions de la membrane cellulaire. Les anticorps antiphospholipides sont des auto-anticorps capables d’exercer des effets pathogènes in-vivo en interférant avec les phospholipides membranaires des cellules endothéliales et des plaquettes ou avec les phospholipides intervenant dans la cascade de la coagulation.  La plupart des anticorps associés au syndrome des anticorps antiphospholipides sont dirigés soit contre des phospholipides, soit contre des protéines plasmatiques liées à des phospholipides anioniques et en particuliers contre deux protéines plasmatiques : la bêta2-Glycoprotéine I (b2GPI) et la prothrombine.  Les autres protéines proposées comme antigène cible des anticorps antiphospholipides sont : la protéine C, la protéine S, l’annexine V et les kininogènes (de haut et bas poids moléculaire)

Les anticorps antiphospholipides les plus importants en clinique sont l’anticoagulant de type lupique,  les anticorps anticardiolipine et les anticorps anti-β2-GPI.

            2-L’anticoagulant lupique :  Il s’agit d’un auto-anticorps, encore appelé anticoagulant circulant (du fait de son effet in vitro sur le TCA bien qu’il ait un effet thrombogène in vivo).  Il a souvent une spécificité anti-prothrombinase. Il entraîne un allongement spontané du temps de céphaline activé (TCA), test fonctionnel de coagulation qui dépend des phospholipides ; cet allongement n’est pas corrigé par l’adjonction d’un plasma normal ce qui permet d’écarter un déficit en facteur de la coagulation et de conclure à la présence d’un anticorps inhibiteur.

            3- Les anticorps anticardiolipine IgG ou IgM doivent être présents à titre ≥ 40U ou ≥ 99ème percentile (contre un titre moyen ou élevé dans les critères précédents) . Il s’agit d’auto-anticorps dirigés contre la cardiolipine, phospholipide extrait du cœur de bœuf, présent à la surface des mitochondries. Ces anticorps peuvent être de type IgM ou IgG (plus thrombogènes).

            4- Les anticorps anti-β2-GP1 IgG ou IgM apparaissent comme un nouveau critère s’ils sont présents à un titre ≥ 99ème percentile et présents au moins à 2 reprises espacées de 12 semaines.  Il s’agit d’auto-anticorps dirigés contre la β2GPI, protéine ayant une grande affinité pour les phospholipides chargés négativement. La β2GPI joue un rôle dans la coagulation et dans la réponse immune ; c’est un cofacteur associé à la cardiolipine. Les anticorps anti-β2GPI, notamment de type IgG, sont potentiellement thrombogènes. Ils sont retrouvés chez la moitié des patients avérés atteint du syndrome des anticorps antiphospholipides.

La mise en évidence d’un APL doit être interprétée avec prudence en raison des  problèmes de reproductibilité des différents tests utilisés, de la possibilité de taux d’APL transitoirement élevés et non pathogènes au cours d’i infections  virales (HIV…), de la prise de certains médicaments (Chlorpromazine, Procainamide, Hydralazine, Quinidine, Phénytoïne, certains antibiotiques…), de cancers (Lymphome, leucémie lymphoïde chronique, Waldenström…), de nombreuses maladies auto-immunes ou inflammatoires. De plus, les APL peuvent être non détectables au décours immédiat  d’un événement clinique authentiquement associé au SAPL. 

Il faut retirer de ces tests biologiques complexes que :

– il faut exiger des taux élevés d’ACL (> 20 U GPL),

– la présence d’un LA ou d’un Ac anti-b2gp1 est particulièrement associée auxthromboses,

-aucun test n’est parfaitement sensible ni spécifique,

-l’absence d’allongement du TCA n’exclut pas la présence d’APL,

-la persistance dans le temps des anticorps doit toujours être vérifiée avant deparler de SAPL (contrôle à 6 semaines).

Conduite à tenir

Devant la présence d’anticorps antiphospholipides isolés : Cette situation devrait rester exceptionnelle puisqu’en l’absence de pathologie maternelle ou d’antécédent obstétrical, il n’y a pas de raison logique à demander une recherche d’aPL. En effet, les études épidémiologiques ont montré que la prévalence des aPL au cours d’une grossesse normale était inférieure à 2 %. Dans cette situation, seule une surveillance rapprochée de la croissance fœtale devrait être recommandée sur la base des études publiées. Il est cependant habituel de proposer à ces patientes un traitement par faibles doses d’aspirine (100 mg/j) sans démonstration du bien-fondé de cette attitude.

En cas de syndrome des antiphospholipides avec antécédents obstétricaux :  La prise en charge des accidents obstétricaux n’a pas fait l’objet d’un consensus en raison du petit nombre de femmes concernées, faute d’études prospectives et comparatives. il n’y a aucun bénéfice prouvé à traiter les patientes par corticothérapie ou par immunoglobulines intraveineuses. Les antiagrégants plaquettaires seuls, en particulier l’Aspirine, semblent être efficaces mais il n’y a rien de prouvé à ce sujet . D’autres auteurs proposent un traitement anti-thrombotique par l’Héparine sous-cutanée, par analogie à la prévention des thromboses veineuses, ou l’association Aspirine-héparine. 

Le syndrome des antiphospholipides reste incompris à bien des égards. Cela inclut des concepts de base comme la pathogénie, les critères de diagnostic et les modalités de traitement optimales pour garantir un maximum d’effets bénéfiques. Afin d’élaborer des conseils relatifs aux meilleures options de traitement, il est nécessaire de mener, de façon urgente, des essais randomisés bien conçus évaluant les effets de l’héparine non fractionnée, de l’héparine de bas poids moléculaire et de l’aspirine.

Pour certains : Prise en charge des grossesses des femmes avec un syndrome des anticorps antiphospholipides : 

Faibles doses d’aspirine pendant toute la grossesse, à arrêter 15 jours avant le terme prévu. 

Si taux élevé d’anticoagulants circulants ou avortements précoces sous aspirine, héparine ou HBPM pendant toute la grossesse. 

Pour éviter les ostéoporoses sous héparine, on peut proposer le schéma thérapeutique suivant : aspirine de la semaine 1 à 12, relais par HBPM pendant 20 semaines de la semaine 13 à 32, puis retour à l’aspirine. 

En cas d’échec de ces méthodes, on peut associer à l’aspirine ou à l’héparine un corticoïde. 

Enfin, certaines grossesses à haut risque ont été menées à terme avec recours à des plasmaphérèses, des immunoglobulines, des traitements immunosuppresseurs. 

En fait, pas d’attitude systématique et codifiée, chaque obstétricien agit selon son expérience.