Fièvre et grossesse

La fièvre de la femme enceinte est le plus souvent en rapport avec une infection bénigne sans conséquence pour le foetus mais qui peut dans certains cas exposer à de graves complications obstétricales ou néonatales.

Conduite clinique

L’interrogatoire recherche les antécédents prédisposants (infection urinaire à répétition ou uropathies, maladies chroniques, immunodépression, prématurité, tabac, etc.), les traitements en cours, un contexte particulieŕ(épidémie, voyage),  et les signes d’accompagnement  , en particulier  des signes généraux:frissons, ORL, pulmonaires, digestifs, syndrome grippal, etc., urinaires : douleurs lombaires, brûlures mictionnelles, ou obstétricaux : contractions utérines, rupture des membranes ou fissuration, leucorrhées, saignements).

On vérifie les mouvements actifs fœtaux et les résultats des sérologies (toxoplasmose, rubéole, parvovirus B19, CytoMégaloVirus (CMV).
L’examen clinique comporte : une mesure de la température, du pouls, de la tension artérielle ; un examen général : ORL, cardiorespiratoire, aires ganglionnaires, état cutané, recherche d’un syndrome méningé, palpation de l’abdomen, fosses lombaires ; un examen urinaire : aspect des urines, bandelette urinaire et un examen obstétrical : hauteur utérine, contractions, rythme cardiaque fœtal et échographie pour vérifier le bien-être foetal. On termine par un examen gynécologique: vulve  (lésions herpétiques), au spéculum: rupture des membranes ? leucorrhées ? Et état du col par le toucher vaginal  et sutout par l’échographie endovaginale.

Le bilan systématique d’entrée comprend: CRP, hémoculture aérobie avec recherche de Listeria, prélèvement vaginal et uroculture, sérodiagnotic CMV, coxsackies, parvovirus (voire selon le contexte hépatites, HIV). En particulier ne pas méconnaître une hépatite virale, en particulier hépatite B, en cas d’anomalie du bilan hépatique 

La vitesse de sédimentation est sans intérêt.

La conduite à tenir  dépend de l’orientation étiologique

   Toutes les causes de fièvre sont possibles pendant la grossesse, souvent d’origine virale  les infections dites non spécifiques (angines, rhino- pharyngites, pneumopathies, gastro-entérites) qui surviennent habituellement lors d’épidémies, des infections dont la sanction est chirurgicale et qu’il serait grave de méconnaître : appendicite, cholécystite… 

 A-Sans attendre les résultats de ces examens, la prise en charge comprend : 

    -Toute femme enceinte présentant une fièvre doit avoir des hémocultures et être mise immédiatement sous antibiothérapie, ampicilline ou pénicilline, à haute dose. Certains y associent de la gentamycine du fait de l’action synergique de ces 2 classes d’antibiotiques.  En effet, cette antibiothérapie, en l’absence d’autre cause probable, doit être active  sur le Listeria   

      -un antipyrétique (type paracétamol) ;
     -une surveillance étroite : température, contractions, col utérin, enregistrement
cardiotocographique.


B-En cas de pyélonéphrite

         La pyélonéphrite est la première cause de fièvre pendant la grossesse. Les infections urinaires sont en effet plus fréquentes pendant la grossesse (compression urétérale droite par l’utérus gravide, reflux plus fréquents, stase urinaire, glycosurie physiologique et facteurs hormonaux…sont autant de facteurs favorisants). On distingue les bactériuries asymptomatiques (pas loin de 10% des grossesses) qui doivent faire l’objet d’un dépistage régulier (recherche de nitrites à la bandelette urinaire), les infections urinaires symptomatiques (brûlures mictionnelles, pollakiurie) normalement non responsables d’une fièvre, et les pyélonéphrites aiguës qui compliquent 1 à 2% des grossesses et sont principalement le fait d’infections urinaires méconnues qui s’aggravent. 

        Signes de la pyélonéphrite

Typiquement, la patiente présente brutalement une douleur lombaire à irradiation descendante (la localisation droite est la plus fréquente), associée à une fièvre atteignant 38°5, une pollakiurie, et des brûlures en urinant. La palpation de la fosse lombaire est douloureuse, mais l’interprétation est rendue difficile par l’apparition de contractions qui peuvent conduire à une réelle menace d’accouchement prématurée qui est l’une des complications de cette infection. Le tableau clinique peut être moins bruyant, progressif, la fièvre parfois plus modérée voire intermittente. La bandelette urinaire, positive (nitrites, leucocytes, voire albumine), amène à prélever correctement les urines pour faire au laboratoire un ECBU qui doit permettre de révéler une infection mono-microbienne dont la numération est > 105 germes/ml (à moins d’avoir « décapité » l’infection par une antibiothérapie intempestive), le plus souvent bacille Gram – (principalement colibacille, plus rarement Proteus, Klebsielles, enterobacter), parfois bactérie Gram + (streptocoque B, entérocoque, staphylocoque…). Les hémocultures doivent être prélevées si la température atteint 38°5 ou est en dessous de 36°5. L’élévation de la CRP et l’hyperleucocytose n’ajoutent rien au diagnostic mais seront des éléments de surveillance jusqu’à l’obtention de la guérison. 

            L’échographie rénale

Une échographie rénale peut être nécessaire si l’on suspecte un obstacle, en particulier en cas de non réponse au traitement malgré une antibiothérapie adaptée. 

            Evolution spontanée

En l’absence de traitement, l’évolution peut se faire vers l’aggravation : septicémie voire choc septique, pyélonéphrite gravido-toxique, altération de la fonction rénale par néphrite interstitielle, phlegmon périnéphrétique voire pyonéphrose dans les cas les plus sévères. Le retentissement fœtal peut être l’infection fœtale avec risque de mort périnatale, le risque d’accouchement prématuré, l’hypotrophie du fait d’une infection chronique asymptomatique secondairement révélée par l’épisode de pyélonéphrite. 

        Le traitement

La prise en charge est urgente et se fait en hospitalisation, permettant la surveillance materno-foetale et la mise en place d’une antibiothérapie par voie parentérale, une fois les prélèvements bactériologiques effectués. On indique habituellement une monothérapie par céphalosporine de troisième génération type Rocéphine 1gramme/j en première intention, avec relais, après 48 heures d’apyrexie, par une molécule par voie orale selon les données de l’antibiogramme, sur une période de 3 semaines. Dans les formes qui paraissent graves, une association avec un aminoside est recommandée. Un ECBU de contrôle doit être envoyé au laboratoire après 48 heures de traitement pour s’assurer de l’absence de germes. Il sera vérifié tous les mois jusqu’à l’accouchement et avant la sortie de la maternité. D’autres traitements peuvent être associés : antalgiques, antipyrétiques, tocolyse en l’absence de souffrance fœtale. On conseille le repos et des boissons abondantes. En cas de récidive en cours de grossesse, un bilan néphro-urologique est nécessaire 2 à 3 mois après l’accouchement, à la recherche d’une malformation ou d’une lithiase. La sortie sera autorisée après plusieurs jours d’apyrexie, stérilisation des urines et si l’état obstétrical est satisfaisant et stable. 

    C-En cas de chorio-amniotite

     La chorio-amniotite aigue est une infection materno-fœtale dont le diagnostic repose sur un critère essentiel, la fièvre, et sur l’association à d’autres signes : tachycardie fœtale, tachycardie maternelle, utérus sensible, liquide amniotique malodorant (en cas de rupture des membranes). Elle survient le plus souvent en cas de rupture des membranes et le mode de contamination est ascendant (sauf en cas de Listériose). Elle peut entraîner chez le nouveau- né des atteintes multiples (pulmonaires, cérébrales,…), une septicémie, voire le décès. De plus, sa survenue en cas d’accouchement prématuré aggrave le pronostic néonatal. 

Les principaux examens complémentaires utilisés pour le diagnostic d’infection materno- fœtale sont la CRP, la leucocytose (au moins supérieure à 16.000, en tenant compte de l’élévation physiologique chez la femme enceinte), le prélèvement vaginal et les hémocultures. Si une chorio-amniotite débutante, révélée par une élévation isolée de la CRP, est parfois accessible à une antibiothérapie, le seul traitement en général possible est l’extraction fœtale associée à une antibiothérapie. Il faut avoir en mémoire que le pronostic maternel était autrefois en jeux. Heureusement, grâce au traitement antibiotique, l’infection amniotique est devenue une cause rare de mort maternelle et l’intérêt s’est déplacé vers la réduction de la morbidité et de la mortalité du nouveau-né. 

Les germes responsables sont présents dans la filière génitale, le streptocoque de groupe B et E coli étant les plus fréquents. D’autres bacille Gram – ou cocci Gram + peuvent être en cause, ainsi que, beaucoup plus rarement, Listeria monocytogenes . Le candida albicans est aussi une cause possible de chorio-amniotite. L’antibiothérapie prescrite de première intention doit donc être ciblée sur les bacilles Gram – et cocci Gram +, puis on l’adaptera en fonction du résultat bactériologique et de l’antibiogramme. 

En pratique, les antibiotiques adoptés actuellement en première intention sont l’association ampicilline-acide clavulanique et aminoside en raison de la fréquence des souches d’E Coli résistant à l’ampicilline. En cas d’exposition antérieure de la patiente à l’ampicilline-acide clavulanique, une antibiothérapie associant une céphalosporine de 3ème génération et un aminoside peut être prescrite de première intention. Les posologies sont les suivantes : 

Ampicilline: 2g IV toutes les 6 heures
Céfoxitine: 1-2g IV toutes les 6 heures
Mezlocilline: 3-4g IV toutes les 4 heures
Pipéracilline: 3-4g IV toutes les 4 heures
Ticarcilline/acide clavulanique: 3g IV toutes les 6 heures

Ampicilline/sulbactam: 1,5-3g toutes les 6 heures 

Aminoside (+ ampicilline) : 1-1,5mg/Kg/j IV toutes les 8 heures.

Cette antibiothérapie doit être débutée dès le diagnostic. La voie de l’accouchement ne semble pas influencer le pronostic néonatal. En cas de césarienne, il a été démontré une augmentation des endométrites (plus de 40% versus environ 10% en cas d’accouchement par voie basse).

La tocolyse est formellement contre-indiquée dans ce contexte.
Il faut, au contraire, faire naître l’enfant dans les plus brefs délais, le plus souvent par césarienne.
Il y a un risque de décès périnatal et de leucomalacie périventriculaire très important. 

    D-En cas de Listeriose

Voir le chapitre la Listeriose

            -La prise en charge comprend : une antibiothérapie prolongée associant amoxicilline à forte dose et aminosides (5 j), puis amoxicilline prolongé per os pendant au minimum trois semaines, voire jusqu’à l’accouchement. 

            -Une guérison clinique rapide avec rythme cardiaque fœtal parfait chez une femme à distance du terme fait parfois discuter la poursuite de la grossesse. 

            -Dans tous les autres cas, il faut faire naître l’enfant dans les plus brefs délais. La déclaration aux autorités sanitaires est obligatoire. 

    E-Parvovirus B19

Voir le chapitre: Parvovirus et grossesse

Virus de petite taille, responsable d’infections chez le chat et le chien. Chez l’être humain sa transmission se fait par voie respiratoire ou par contact direct. L’infection est généralement inapparente, et environ un quart à la moitié de la population adulte est séropositive au parvovirus B19. Une infection par Parvovirus B19 entraîne plusieurs types de pathologie, dont la plus fréquente est l’érythème infectieux. Ce virus peut également être à l’origine d’arthropathie, c’est-à- dire de maladies des articulations de l’adulte entraînant des douleurs articulaires et des inflammations concernant les poignets mais sans entraîner de destruction de ceux-ci. Les mains et les genoux sont également concernés par ce type d’atteinte
susceptible de durer de quelques semaines à quelques mois. En ce qui concerne les infections de la femme enceinte, l’atteinte du fœtus, comme cela survient au cours de la rubéole, transmise par l’intermédiaire du placenta de la mère à l’enfant, ne provoque pas de malformations chez le fœtus, semble-t-il. Par contre cette infection survenant durant la grossesse entraîne l’apparition de l’anasarque fœto placentaire (hydrops fœtale) ou encore la naissance d’un enfant mort-né.