Colique néphrétique et grossesse

I-Fréquence

La lithiase urinaire est une pathologie fréquente touchant 2 à 3 % de la population générale. Son incidence chez la femme enceinte varie de 0,026 à 0,5 % selon les études. Cette incidence est semblable à l’incidence des lithiases urinaires chez les femmes non enceintes en âge de procréer . C’est toutefois la cause la plus fréquente de douleurs non obstétricales (sans rapport avec le déroulement de la grossesse) chez la femme enceinte.

II-Ses causes

A-La lithise urinaire

Dans la majorité des cas, la colique néphrétique est occasionnée par une lithiase urinaire. Elle est en outre favorisée chez la femme enceinte par une hypercalciurie physiologique. Le calcul bloque l’écoulement de l’urine provoquant alors une hyperpression douloureuse. Ce type de colique se voit plus volontiers à gauche.

B-Colique néphrétique gravidique sans lithiase

La grossesse constitue en elle même un facteur pouvant favoriser la colique néphrétique. Dans ce cas particulier, les calculs ne sont pas mis en cause. Le trouble est en effet induit par le fait que l’utérus, en plein développement, exerce une pression sur l’uretère et altère par conséquent l’écoulement urinaire. Ce type de colique se situe plus volontiers à droite. Autre facteur aggravant : les femmes enceintes sécrètent davantage d’urine. On parle d’hyperdiurèse. 

C-Autres causes

Il existe néanmoins d’autres causes pouvant expliquer la survenue de coliques néphrétiques : une inflammation de l’uretère, une tumeur rénale, une tumeur pelvienne, une fibrose.  Les tumeurs, les rétrécissements inflammatoires ou cicatriciels de la voie excrétrice (après calcul ou chirurgie) sont d’autres causes d’obstacle interne.

Les principales causes de compression extrinsèque sont les tumeurs (gynécologiques en particulier), les ligatures chirurgicales accidentelles, et les épanchements liquidiens abondants (hématome par exemple).

III-Aspects cliniques

Il s’agit d’une douleur lombaire intense unilatérale, droite ou gauche, irradiant vers la fosse iliaque évoquant d’emblée une colique néphrétique. Survenant brutalement, cette sensation douloureuse survient principalement la nuit ou le matin. Elle se caractérise également par des phases aiguës entrecoupées d’accalmies sans disparition totale de la douleur. La douleur est due à l’augmentation de pression dans les voies urinaires et dans le rein.  Il n’est pas rare que les patients souffrent de nausées et/ou de vomissements ainsi que d’une envie fréquente d’uriner. Lorsque la colique néphrétique est occasionnée par un calcul, la douleur évolue au fur et à mesure jusqu’à ce que le calcul soit évacué. Les crises peuvent, en effet, irradier jusqu’à l’aine et les organes génitaux.

En cas de colique néphrétique simple, il n’y a pas de fièvre. La bandelette urinaire réalisée de façon systématique peut retrouver une hématurie microscopique une fois sur deux) et parfois une leucocyturie). Des signes urinaires sont souvent associés : brûlures en urinant, besoins urgents et fréquents, présence macroscopique de sang dans les urines (souvent lorsqu’un calcul est responsable).

IV-Evolution

Dans près de 80 % des cas, l’obstacle sur les voies urinaires est un calcul le plus souvent de type calcique. Avant d’être expulsé avec l’urine, il migre jusqu’à la vessie et l’ urètre. La douleur reprend chaque fois que le calcul est coincé au cours de son trajet. Dans 68  % des cas, les calculs de moins de 5 mm sont expulsés spontanément dans les urines ; cette proportion tombe à 47 % pour des calculs de 5 à 10 mm.

V-Diagnostics différenciels

Il faut éliminer d’autres causes de douleur rénale : cancer du rein, kystes du rein (parfois douloureux lorsqu’ils sont volumineux). Il faut éliminer une cause fréquente de douleurs lombaires : l’arthrose rachidienne. Enfin, il faut écarter la possibilité d’autres causes douloureuses très diverses: appendicite, accumulation de matières dans le côlon, colique hépatique, Occlusion, pancréatite, Grossesse extra-utérine, kyste ovarien éventuellement tordu,  hématome rétroplacentaire,  HELLP syndrome, rupture d’anévrysme, crise drépanocytaire, porphyrie, etc.  

VI-Complications

Très rarement, la colique néphrétique est plus grave : c’est le cas lorsqu’elle est associée à de la fièvre, signe d’une pyélonéphrite qui en est la principale complication. La pyélonéphrite peut elle-même évoluer vers l’abcès rénal, la septicémie, voire le choc septique. La mise en tension du rein si elle était prolongée évolue progressivement vers la destruction rénale.

La colique néphrétique peut avoir des répercussions majeures sur le déroulement de la grossesse avec des risques d’avortement spontané et d’accouchement prématuré en fonction du terme de la grossesse .

VII-Conduite à tenir: diagnostic et traitement

D’emblée on réalise : bandelette urinaire, ECBU et bilan sanguin : NFS, créatinine, urée, calcémie,ionogramme.

Monitoring fœtal +/- échographie fœtale et éventuellement écho du col pour évaluation du risque d’accouchement prématuré..

L’échographie rénale est l’examen diagnostic de référence. Elle montre une dilatation pyélocalicielle d’un côté. L’interprétation de cette échographie est néanmoins souvent difficile, en particulier du coté Droit, car il existe souvent en cours de grossesse une dilatation physiologique du tractus urinaire. Cette dilatation physiologique, en général à Droite, est liée à la compression mécanique de l’uretère par l’utérus dont la taille augmente avec la progression de la grossesse et aux modifications hormonales (effet de la progestérone) qui entraîne un relâchement musculaire et diminue le péristaltisme de l’uretère.
Elle peut parfois montrer un calcul mais pas toujours et élimine une éventuelle compression extrinsèque. Mais La présence d’un calcul dans le conduit urinaire n’est retrouvé que dans un cas sur 1000 grossesses environ. C’est pourquoi l’existence d’une dilatation du rein droit au cours de la grossesse n’est pas synonyme d’obstacle par un calcul et rend difficile l’évaluation. 

Un scanner sans injection, une IRM,voire trois clichés d’urographie intraveineuse sont possibles mais réservés à des cas particulièrement difficiles.

L’hospitalisation est souvent nécessaire.

Le traitement comprend l’arrêt des boissons durant la douleur. Dès l’apaisement de la douleur, il est conseillé de boire avec abondance lorsque la cause de la colique néphrétique est un calcul.

Le traitement antalgique, par voie veineuse,  fait appel en première intention à :

-Les produits à base de paracétamol injectable type Perfalgan  jusqu’à 4 g/jour.

-Les antispamodiques type Spasfon injectable (phloroglucinol).

Par ailleurs:

-Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont contre-indiqués à partir du 6ème mois de grossesse.

-les anti-inflammatoires stéroïdiens comme la Prednisolone (Solupred) ou betamethasone (célestène) ont une efficacité modérée mais peuvent être utiles.

Dans un deuxième temps on peut recourir aux antalgiques de palier 2  comme l’association paracétamol-codéine ou le Topalgic ou le Nubain (nalbuphine : La posologie habituelle est de 10 à 20 mg par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée, pouvant être renouvelée toutes les 3 à 6 heures, selon les besoins, sans dépasser 160 mg/jour). . Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être discutés mais sans dépasser 48 heures de traitement. Enfin, l’utilisation de la morphine (palier 3) est possible.

Dans les cas les plus sévères, il est parfois indiqué de dériver les urines par la mise en place d’une sonde urétérale dite double J qui permettra à l’urine de contourner l’obstacle, déchargera le rein et évitera le risque de septicémie. Un avis urologique est alors sollicité pour décider d’avoir recours à cette dérivation qui doit parfois être réalisée en urgence. Combinée au traitement antalgique et éventuellement antibiotique, elle permettra d’attendre l’accouchement pour secondairement faire les explorations nécessaires pour visualiser le calcul et procéder à son extraction éventuelle.

L’association d’une crise de colique néphrétique avec de la fièvre fait évoquer une pyélonéphrite et impose la mise en route d’une antibiothérapie après avoir prélevé un ECBU. Les antibiotiques autorisés sont alors le plus souvent une céphalosporine de 3ème génération, remplacée par les pénicillines, furanes ou macrolides en cas d’allergie.

VIII-Prévention

Pour  prévenir la formation de calcul urinaire on conseille une élimination urinaire importante : boire 2 litres d’eau par jour, voire plus s’il fait chaud ou en cas de sport sport ; boire  régulièrement, y compris au coucher et la nuit (en cas de réveil);  adapter l’alimentation et la nature des boissons en cas de calculs connus et selon leur nature.