Fausses couches à répétition

L’élimination plus ou moins précoce de la grossesse est un phénomène d’une grande banalité, puisqu’il constitue l’évolution naturelle de plus de la moitié des œufs humains. Chaque grossesse diagnostiquée a entre 10 et 15 % de chance de se terminer de la sorte. 

Pour une patiente donnée, toutefois les choses ne se présentent pas exactement de cette manière. Les études épidémiologiques montrent en effet que si le risque d’avortement spontané est bien de 10 à 15 % chez une femme qui n’a jamais fait de fausse-couche il passe à 20  25 % chez celle qui a déjà fait une fausse-couche, et à 30 % chez une patiente qui a présenté deux fausses couches et plus. 

Par ailleurs, ce risque augmente avec l’âge de la patiente (surtout après 35 ans). C’est pourquoi, si la plupart des auteurs ne considèrent être en présence d’un problème d’avortements à répétition qu’après trois fausses couches, il convient en réalité de considérer déjà comme ayant un risque anormalement élevé de récidive, la patiente qui n’a fait qu’une fausse couche, surtout si elle est âgée de plus de 35 ans.

Lorsqu’on estime qu’une patiente présente un risque anormalement élevé de fausse couche, il convient de réunir un bilan étiologique  avant de laisser débuter une nouvelle grossesse.

Ce bilan étiologique s’oriente principalement dans cinq directions:

 Causes génétiques: 

Enquête génétique familiale, mais surtout caryotype chez les deux partenaires. Cette recherche peut mettre en évidence une anomalie chromosomique prédisposant à la mort embryonnaire, ou, en cas de grossesse évolutive, nécessitant une amniocentèse.

 Causes utérines: 

L’hystérographie peut révéler une malformation utérine congénitale (utérus double, bicorne ou cloisonné) en face de laquelle l’indication chirurgicale doit être soigneusement pesée. Elle peut également mettre en évidence des synéchies plus ou moins étendues, rarement postinfectieuses, généralement séquelles d’un curetage pour avortement spontané ou interruption volontaire de grossesse, et également justiciable de l’hystéroscopie chirurgicale.

 Causes hormonales: 

Un bilan hormonal de la phase lutéale est effectué à la recherche d’une insuffisance lutéale, pure ou associée à des anomalies de traitement plus spécifique (hyperandrogénie ou hyperprolactinémie). L’insuffisance lutéale pure, elle-même secondaire à une anomalie de la phase folliculaire, est généralement traitée soit par la progestérone, soit par les stimulateurs de l’ovulation.

 Causes masculines: 

En dehors d’une anomalie chromosomique, le mari pourrait également être impliqué dans la responsabilité de fausse scouches à répétition par la qualité de son sperme. Le spermogramme peut objectiver une oligoasthénotératospermie, associée avec une fréquence d’avortements spontanés anormalement élevée. Ce sont la tératospermie et surtout la polyzoospermie qui paraissent en cause.

 Causes infectieuses: 

Si elles peuvent être évoquées lors d’un avortement spontané avec contexte fébrile, le rôle d’une infection chronique par certains agents comme le Toxoplasme, les Listeria, les Mycoplasmes, les Chlamydia7 ou certains virus (Herpès, CMV) reste très discuté et le plus souvent hypothétique.

 Causes immunologiques: 

elles semblent susceptibles d’expliquer de nombreux cas de fausses couches spontanées à répétition. Les causes génétiques, majoritaires lors des accidents des premières semaines de grossesse, deviennent minoritaires dès la 7ème semaine pour ne plus représenter que 15 % des fausses couches spontanées du 2ème trimestre. De plus, ces chiffres ne s’appliquent que pour des fausses couches isolées; un caryotype anormal sur deux fausses-couches spontanées survenues chez la même patiente, ne se rencontre que dans 30 % des cas environ.
On sait que la grossesse représente une situation immunologique très particulière dans laquelle l’organisme féminin tolère la greffe embryonnaire puis fœtale, bien qu’elle soit porteuse d’antigènes paternels. Les facteurs précis de cette tolérance immunitaire sont mal connus et existent sans doute dès l’implantation à la fois dans l’endomètre périimplantatoire, et dans le trophoblaste embryonnaire. On conçoit facilement que des perturbations de ces mécanismes soient susceptibles d’entraver le développement de la grossesse, puis d’entraîner son élimination.
La recherche d’une cause immunitaire fait partie du bilan des fausses couches spontanées à répétition par la recherche d’anticorps antinoyaux, anticardiolipides, et antiprothrombinase dans un laboratoire qualifié. Ces autoanticorps de la famille des antiphospholipides sont facteurs de micro-thromboses placentaires. 

La thérapeutique associe généralement un médicament modifiant l’hémostase (acide acétylsalicylique) à un médicament immunosuppresseur (Prednisolone, delta cortisone). L’efficacité de ces traitement est cependant discutée et leur administration n’est pas dénuée de dangers.
La transfusion de leucocytes paternels est souvent proposée en l’absence de causes délectables à l’origine de faussescouches spontanées à répétition. Son effet bénéfique probable ne reçoit pour l’instant aucune explication bien convaincante. Il n’existe pas de critères d’inclusion caractérisés pour ce type de traitement, l’ensemble des critères ayant été successivement évoqués ayant été tour à tour récusés. La transfusion de leucocytes paternels ne sera entreprise qu’à la condition d’un bilan étiologique strictement normal, ainsi que de l’échec d’un traitement  » protecteur  » classique de type progestérone par exemple, et chez une patiente ayant présenté au moins 3 fausses couches spontanées. Cette thérapeutique est contre-indiquée chez les patientes présentant des auto-anticorps circulants de type phospholipides. 


Dans tous les cas, la reprise de rapports fécondants ne doit être conseillée que lorsque l’anomalie mise en évidence a été corrigée, et cette correction vérifiée (hystérographie postopératoire dans les malformations utérines, dosages hormonaux lors d’un cycle thérapeutique  » à blanc  » en cas d’insuffisance lutéale).
Il peut arriver qu’aucune anomalie délectable, même lors d’un bilan très complet, ne puisse être tenue pour responsable des accidents gestatifs avec une probabilité suffisante. Dans ces cas il n’y a pas d’autre solution que de tenter à nouveau la chance d’une nouvelle grossesse.