La Colposcopie

NB: les photos de ce chapitre sont tirées de l’excellent ouvrage du docteur René Cartier «Colposcopie pratique», S. Karger, 1977.

Principe de la colposcopie

La colposcopie est un examen qui consiste à regarder le col de l’utérus. Grâce à des colorants et une observation à l’aide d’un appareil grossissant appelé colposcope.  Il est possible de mettre en évidence des lésions précancéreuses et de diriger avec précision des prélèvements biopsiques.

Dans la majorité des cas, la colposcopie est faite en raison d’un frottis anormal. En aucun cas, la colposcopie ne remplace le frottis pour le dépistage du cancer du col utérin. Elle localise simplement la lésion, permettant la biopsie qui, elle, apportera le diagnostic.

Les états précancéreux ne se voient pas à l’œil nu et l’on utilise des colorants appliqués sur le col pour mettre en évidence les anomalies. Ces colorants sont :

1-L’acide acétique en solution de 2%. Ce produit coagule les protéines des cellules de l’épithélium pavimenteux et les fait blanchir. Plus il y a de protéines (on parle d’acidophilie), plus le blanchiment est important (ce qui est le cas des zones  précancéreuses).

2-Le lugol en solution (Iode métalloïque =2g, iodure de potassium =4g, eau distillée =100ml). Ce dernier provoque une coloration du glycogène en brun acajou. Il colore les muqueuses normales mais pas les zones pathologiques. On l’appelle aussi test de Schiller.

Au total, une zone précancéreuse est «acidophile» car elle blanchit à l’acide acétique et « iodo-négative » car non colorée par le lugol.
Il s’agit d’un examen totalement indolore. L’examen est pratiqué en dehors de la période des règles, de préférence quelques jours après leur fin. Chez la femme ménopausée, un traitement préalable par oestrogènes (pendant 10 jours) est souvent nécessaire afin d’optimiser les conditions de cet examen qui dure entre 5 et 10 minutes.

Histologie du col utérin

On distingue plusieurs parties :  

    1-L’endocol, qui est recouvert d’un épithélium cylindrique glandulaire en continuité avec l’épithélium glandulaire endométrial sécrétant la glaire sous l’influence des estrogènes. Il y a une couche de cellules donnant un  aspect rouge et brillant.

    2-L’exocol qui est recouvert d’un  épithélium malpighien (semblable à la peau) en continuité avec l’épithélium malpighien vaginal. Il est pluristratifié et d’aspect rose et lisse. En profondeur, se trouve du tissu conjonctif dont il est séparé par une membrane basale.

    3-Entre les deux, c’est la «jonction» de ces deux zone justement appelée zone de jonction. C’est la région d’affrontement des 2 épithéliums; elle est en remaniement permanent, et c’est là que peut apparaître le cancer

Schéma des différentes couches de l’épithélium pavimenteux
TC= tissu conjonctif
MB= membrane basale
De C1 à C5: aplatissement progressif des couches cellulaires jusqu’à leur desquamation.

Le col normal: modifications du col  après acide acétique et lugol

    1-Après acide acétique, on reconnait (en bas de la photo) l’aspect papillaire de la muqueuse glandulaire endocervicale et (en haut) le surplomb de cette muqueuse glandulaire par l’épithélium pavimenteuxblanchi par l’acide acétique. Entre les deux, le liseré blanc de la jonction.

Muqueuse glandulaire après acide acétique. Aspect en grain de raisin.

    2-Après lugol, le glycogène se colore en brun acajou, d’autant plus sombre que les cellules contiennent beaucoup de glycogène.  C’est ainsi qu’après la ménopause l’épithélium pavimenteux qui s’appauvrit en glycogène devient brun pâle ou jane chamois. A l’opposé, la muqueuse glandulaire qui ne contient pas de glycogène n’est pas colorée par le lugol.

Col après application de lugol

Ectopie et Ectropion

C’est le débordement de l’épithélium glandulaire de plus de 5 mm en périphérie. La coïncidence entre l’orifice externe et la jonction pavimento-cylindrique est rare. Lorsque cette jonction se trouve largement sur l’exocol, on parle d’ectopie ou d’ectropion de la muqueuse endocervicale. Cet aspect est favorisé par la production d’estrogènes. L’ectropion est une éversion de l’orifice externe du col, souvent majoré par l’ouverture des valves du speculum. Il est fréquent chez la multipare. On parle plutôt d’ectopie lorsque la muqueuse endocervicale occupe la majeure partie de l’exocol comme cela peut s’observer chez la jeune fille.

Ectopie de la jeune fille

La position de cette jonction est évolutive et peut devenir endocervicale en cas de privation estrogénique comme la ménopause.

Les métaplasies ou transformations atypiques de grade 1 (TAG1)

La métaplasie est le remplacement de l’épithélium glandulaire par l’épithélium pavimenteux. Cette métaplasie pavimenteuse se fait à partir des cellules de réserve situées sous les cellules glandulaires. Elle évolue, peut (rarement) revenir à la normale ou devenir une lésion à potentiel malin.  On parle de transformation atypique de grade 1 ou TAG1. On distingue:

    -La TAG1a: son origine inconnue. Elle est  est un mode de réparation de l’ectropion légèrement dévié par rapport à la transformation normale.  Elle s’ effectue à partir d’ un épithélium malpighien, sans glycogène, iodo-négatif.

La TAG 1 débute brutalement à la périphérie de l’ectopie cylindrique et se différencie de l’épithélium malpighien normal par une réaction blanche à l’acide acétique dont les contours sont bien marqués, elle ne comporte jamais d’orifice de glande. Le caractère parfaitement net du contour périphérique se précise également au test de Schiller. L’ensemble de cette transformation est iodo-négative. La progression de la TAG 1 se fait de façon centripète jusqu’à l’ orifice du col et comble sur son passage les cryptes glandulaires qu’elle rencontre. Sa finalité est de se substituer à l’épithélium cylindrique exocervical pour atteindre l’orifice externe.

Ses caractéristiques essentielles sont l’absence de glycogène et d’orifices de glandes en arrière de la zone de progression et la netteté des contours périphériques de cette zone iodo-négative. En histologie, la TAG 1 correspond le plus souvent à une métaplasie ou à une dystrophie avec des troubles de maturation de l’épithélium malpighien. Si l’analyse colposcopique de la TAG 1 est simple, ce processus particulier de réparation de l’ectropion reste mystérieux quant à sa naissance et son devenir.

    -La TAG1b: C’est le stade terminal de la transformation atypique de Grade I. La néo-jonction entre la TAG1 et l’épithélium cylindrique se situe au niveau de l’orifice externe du col, voire même déjà dans le canal endocervical. L’acidophilie s’estompe et seule persiste parfois au lugol l’image de cette transformation atypique sous la forme d’une zone iodo-négative à contours nets.

Ce schéma résume les différentes étapes du remaniement métaplasique:
EP=épithélium pavimenteux; EC=épithélium cylindrique papillaire; TC=tissu conjonctif.

Les languettes d’épithélium d’abord isolées (L1) se rapprochent (L2) et se soudent (L3). l’épithélium cylindrique reste visible dans des orifices d’abord larges (O1) et qui se retrécissent progressivement (O2, O3, O4). Puis les orifices se bouchent et les glandes, dont la secrétion continue, deviennent kystiques (K). Le mucus se concrète en strates concentriques (M), chaque strate correspondant à un cycle ovarien. les vaisseaux du tissu conjonctif sont laminés entre le kyste et l’épithélium pavimenteux (V).
Aspect colposcopique de remaniement métaplasique

Les transformations atypiques de grade 2 (TAG2)

Elle se caractérisentà l’examen sans préparation par la présence d’une zone congestive, puis d’une zone acidophile intense, à contours flous, avec présence d’orifices glandulaires et d’aspect iode négatif aux bords flous après application de Lugol. Ce complexe lésionnel présente une progression centrifuge, à la fois vers l’exocol et vers l’endocol témoignant de sa nature dysplasique. Cette TAG 2 présente plusieurs stades de gravité croissante en fonction de l’association d’images de gravité (érosions vasculaires, exulcérations, végétations, nécrose…). On parlera de : 

    -TAG2 a en l’absence de signes majeurs,
    -TAG2 b en présence de signes majeurs,
    -TAG2 c lorsque l’aspect est évocateur d’un cancer invasif. 

Pour chaque aspect colposcopique : normal, TAG1 ou TAG2, il sera précisé le niveau de la zone de jonction : vue ou non vue. 

Lorsque la zone de jonction est non vue, l’examen colposcopique est réputé alors « non satisfaisant » car la limite interne (endocervicale de la lésion) n’est pas vue ou n’est pas accessible. 

On décrit différents aspects.

    -Les dysplasies de l’épithélium pavimenteux

Qu’il s’agisse de dysplasie simple ou de carcinome intra-épithélial, le point commun est la richesse en protéines qu provoque le blanchiement après acide acétique et la pauvreté en glycogène cause de l’aspect iodonégatif.

    -Les leucoplasies

C’est une agglutination en épaisseur des cellules pavimenteuses formant une couche de kératine d’épaisseur variable et qui se détache périodiquement.  Du fait de leur épaisseur ces lésions sont visibles à l’oeil nu. En colposcopie la lésion a un aspect surélevé, blanc granité et brillant, iodonégaive. La plaque de leucoplasie peut cacher une dysplasie banale comme un carcinome pavimenteux invasif. Donc toute leucoplasie doit être biopsiée, même si le frottis était normal.

    -Les zones blanches

Pour ce que l’on appelle les zones blanches, les cellules superficielles de l’épithélium pavimenteux immature sonr riches en protéines et dépourvues de glycogène, donc blanchisent à l’acide acétique et sont iodonégatives, mais il n’y a pas de kératine en surface et l’épithélium est translucide  à l’oeil nu  laissant voir le chorion en transparence. Ces zones doivent être biopsiées.

    -Les épithélium pavimenteux riches en protéines mais contenant du glycogène

l’épithélium blanvhit aprs acide acétique; le test de Schiller montre une imprégnation iodique normale ou subnormale et les contours sont flous.

    -Les mosaïques 

Dans les mosaïques, les caractères structuraux de l’épithélium pavimenteux sont les mêmes que dans les lésions précédentes ais ses deux faces ne sont pas parallèles: l’épithélium forme des bourgeons qui s’enfoncent dans le tissu conjonctif plus ou moins ramifiés mais sans jamais se séparer de la partie superficielle de la muqueuse et sans jamais rompre la membrane basale. La coagulation blanchâtre due à l’acide acétique porte à l’endroit de chaque bourgeon, très blanc, et comme l’épithélium est mince entre les bourgeons, on voit le chorion rose entre les bourgeons; d’où l’aspect en mosaïque comme ci-dessous:

    -Les zones blanches ponctuées

Là, les deux faces de l’épithélium pavimenteux sont à peu près parallèles.  Il est épais et c’est le chorion qui remonte par endroits, en doigt de gant et qui est vu en transparence sous forme de points rouges.

Après acide acétique, c’est une zone blanche ponctuée de rouge. Cet aspect ne doit pas être confondu avec la colpite inflammatoire dont les points rouges sont plus gros et reposent sur un fond lui-même rouge.

    -Les aspects de mosaïque et de zones ponctuées. 

Zones blanches et mosaïques ne font que traduire des différences d’épaisseur de l’épithélium.

Ci-dessus: schéma expliquant les zones ponctuées: 1= points rouges visibles en colposcopie; 2= axes conjonctivo-vasculaires visibles à leur sommet car l’épithélium pavimenteux est très mince laissant apparaître les vaisseaux; 3= tissu conjonctif; 4= la face profonde de l’épithélium est plane et de place en place la dépression correspondant à chaque axe conjonctivo-vasculaire est visible.

    -Les modifications du tissu conjonctif sous-jascent sont des éléments suspects.

    -La congestion localisée du tissu conjonctif situé sous la lésion est visible avant acide acétique sous forme de zones rouges, lisses et sans contours nets. Après acide acétique l’épithélium blanchit et masque la congestion là où il est suffisamment épais.  Ces aspects de congestion localisées représentent un des principaux éléments de suspicion de malignité. Une zone rouge qui blanchit après acide acétique  et qui est iodonégative est rarement une lésion bénigne. 

    -Modifications de l’architecture vasculaire, vaisseaux en tire-bouchon pouvant former des aspects micro ou macropapillaires.

    -Les cernes blancs autour des orifices glandulaires.

    -Les différences d’épaisseur de l’épithélium pavimenteux.

    -Le caractère polymorphe des lésions avec le mélange de tous les élèments précédents.

Le schéma ci-dessus montre la congestion du tissu conjonctif et les variations d’épaisseur de l’épithélium pavimenteux dans un carcinome pavimenteux intra-épithélial.

En haut, l’épithélium pavimenteux normal (EPN) reste translucide après application d’acide acétiqe. Il recouvre un tissu conjonctif normalement vascularisé (TCN). Cette partie du col a une couleur rosée. Le carcinome intra-épithélial (CIE), coagulé par l’acide acétique, a blanchi. Il pénètre dans le collet des glandes (G). Le tissu conjonctif est congestif (TCC), les vaisseaux y sont nombreux et dilatés. Il y a une infiltration leucocytaire dense (points noirs sur le dessin). Autour de l’orifice des glandes (O), l’épithélium carcinomateux très épais masque la congestion et forme un cerne blanc.. Au sommet des axes conjonctifs, les vaisseaux (V) apparaissent sous la forme de points rouges.
Ci-dessus: cernes blancs autour des orifices glandulaires et entre les cernes, l’épithélium pavimenteux très aminci laisse transparaître la congestion.

Les cancers invasifs

Ils peuvent prendre des formes végétantes, ulcérées ou infiltrantes et sont bien sur biopsiés. 

Autres aspects colposcopiques

    -Les lésions inflammatoires-Colpites

Les colpites représentent le mode habituel de réaction des muqueuses devant une inflammation, c’est-à-dire la desquamation. Elles peuvent s’observer dans le cadre des cervico-vagintes où seul l’épithélium pavimenteux participe à l’inflammation. Avant l’acide acétique le col est masqué par la leucorrhée dont les caractéristiques évoquent souvent la cause (mycose, Trichomonas, vaginose,…) Après acide acétique le chorion congestif, recouvert par un écran épithélial aminci, apparaît rouge. Les axes vasculaires élargis forment de gros points rouges; c’est la colpite pontuée. Après lugol, la coloration dépend de la persistance ou non des couches cellulaires contenant du glycogène. Si la desquamation est fable, les cellules à glycogène ne disparaissent qu’au sommet des axes vasculaires, là où l’épithélium est le plus mince: c’est l’aspect en peau de léopard avec un semis de points jaunes sur fond marron clair. Si la desquamation est 

importante, il n’y a plus de cellules à glycogène et le col a une couleur rouge orangée.Ci-contre: en 1 : col normal; en 2: colpite; en 3: test de Schiller (aspect en peau de léopard comme sur le cliché ci-dessous)

    -Les polypes

    -Les papillomes

    -L’endométriose du col

Elle apparaît comme une tache rouge cerise que l’on peut facilement éroder au moment des règles.

    -Les condylomes du col dont l’aspect de verrues est évocateur.

Le compte rendu de colposcopie

Il comporte un schéma du col et les différentes lésions observées sont représentées  selon les conventions de dessin dues à René cartier, bien que d’autres représentations existent.  Les zones biopsiées doiveent tre indiquées. Ce schéma doit toujours comporter l’indication de l’emplacement de la zone de jonction pavimento-cylindrique et si elle n’est pas visible cela doit etre précisé.