Une inflammation du sein ou mastite est définie par un sein rouge et chaud, très souvent associé à des douleurs. Même s’il s’agit souvent d’une pathologie de type bénin, il faut toujours avoir présent à l’esprit d’éliminer un cancer. Il existe de nombreuses étiologies qui peuvent être regroupées en 3 catégories diagnostiques : malignes, infectieuses, et inflammatoires non infectieuses.
Un certain nombre de signes cliniques sont significativement associés à une pathologie maligne comme une peau d’orange, une localisation supéro-externe, les antécédents personnels et familiaux de cancer du sein, un âge plus avancé (après 50 ans) sans qu’aucun de ces signes cliniques ne soit suffisamment spécifique pour affirmer un cancer ou une lésion bénigne du sein.
L’échographie est le premier examen à réaliser. Elle permet d’apporter des signes pouvant orienter d’emblée vers un cancer inflammatoire comme une masse et la présence d’adénopathies suspectes.
La mammographie peut être différée en cas de sein très douloureux. Ellepermet de voir des signes inflammatoires suspects comme une épaisseur diffuse de la peau ou une masse et des microcalcifications, mais elle est moins spécifique que l’échographie et plus difficile à interpréter chez des patientes jeunes de moins de 30 ans (NP3). L’IRM est l’examen le plus sensible ( > 95 %) car elle apporte une combinaison de signes et de données dynamiques. Une volumineuse masse, l’infiltration du muscle grand pectoral et l’œdème périphérique, pré-pectoral et pectoral sont des signes suspects de cancer à l’IRM.
Lorsqu’il n’existe pas de signe immédiat de cancer inflammatoire, le traitement antibiotique d’épreuve est le traitement de première intention des inflammations du sein. En cas d’échec du traitement, on fera une biopsie guidée par imagerie. En cas de persistance de la mastite inflammatoire, même après biopsie ou traitement d’épreuve antibiotique, il est recommandé de réaliser une IRM si elle n’a pas été faite avant.
L’inflammation du sein dans le cadre de l’allaitement
Dans le contexte de l’allaitement, il existe une progression des problèmes caractéristique:
-L’engorgement mammaire : Le sein est douloureux, tendu, fixé. L’éjection du lait ne se fait plus. L’application de cataplasmes anti-inflammatoires, l’utilisation de médicaments anti-inflammatoires et d’ocytocine (5 unités en intramusculaire, 15 minutes avant la tétée) permettent de passer ce cap difficile. Mais il existe un geste efficace et simple qui prévient l’engorgement mammaire : c’est la vidange manuelle de chaque sein après la tétée s’il existe un «trop plein». L’engorgement est banal et régresse en 24-48 heures.
-La lymphangite : elle se traduit par un placard rouge, en général d’un quadrant supéro-externe, associé à une hyperthermie brutale. Elle est généralement consécutive à un engorgement mal géré. L’arrêt de l’allaitement ne s’impose pas. Le lait recueilli est propre sans trace de pus. Les cataplasmes (Osmogel ®), les anti-inflammatoires per os (l’Ibuprofène est autorisé), une bonne vidange des deux seins à chaque tétée feront tout rentrer dans l’ordre en 48 heures. Cette vidange est au mieux manuelle, sinon elle peut être aidée par un rire-lait. Les antibiotiques ne sont pas nécessaires.
-Différente est la galactophorite pré-suppurative. Elle survient plus tard, 10 à 15 jours après l’accouchement; son début est progressif et la fièvre est modérée à 38-38,5°C. Le sein est douloureux dans son ensemble et plus ferme que l’autre. Et surtout le lait recueilli sur un coton est mélangé à du pus. Le traitement est antibiotique, per os, par érivés de la pénicilline.
-L’abcès mammaire enfin complique une glactophorite négligée ou incomplétement traitée. Evoqué sur une courbe thermique oscillante, sur une tuméfaction fluctuante et battante, sur la présence de pus dans le lait (signe de la compresse), il justifie l’arrêt de l’allaitement du côté atteint (on tire le lait pour bien vider le sein) et le drainage chirurgical suivi d’une antibiothérapie adaptée au germe. Une variante est de faire des ponctions évacuarices avec antibiothérapie pouvant permettre d’éviter l’incision chirurgicale.
L’abcès du sein
Lorsque l’inflammation se collecte, on est en présence d’un abcès du sein dont le diagnostic est évident. Il peut être une complication de l’allaitement comme apparaitre en dehors de tout contexte d’allaitement. Le Staphyolococcus aureus est le germe le plus souvent retrouvé. La présentation initiale d’un cancer du sein sous forme d’abcès est rare. Il n’est pas recommandé de prise en charge chirurgicale d’un abcès du sein, uniquement dans un but histologique. Un abcès du sein révélant un cancer du sein sous-jacent est toujours associé à une masse. En présence d’un abcès, il ne faut réaliser une biopsie qu’en cas de masse ou de symptomatologie persistante .
En cas d’abcès du sein, La ponction-aspiration échoguidée a supplanté l’incision chirurgicale, longtemps considérée comme le gold standard thérapeutique. La chirurgie garde sa place en cas d’échec des traitements conservateurs. Compte tenu du caractère moins invasif de l’aspiration/drainage par rapport à la chirurgie, il est préférable en première intention une aspiration/lavage/drainage à l’aiguille, en y associant une antibiothérapie qui pourra être adaptée en fonction de l’antibiogramme. En cas de récidive on disutera de nouvelles ponctions ou un traitement chirurgical. Ce dernier consiste à inciser l’abcès, effondrer complètement les logettes, laver et refermer sur un drainage type lame.
La mastite granulomateuse idiopathique
La mastite granulomateuse idiopathique est une pathologie rare, représentant moins de 0,5 % à 1,8 % des mastopathies. Il s’agit d’une pathologie quasi exclusive de la femme jeune. Son diagnostic est histologique : il s’agit d’une inflammation granulomateuse épithélioïde et giganto-cellulaire du parenchyme mammaire (image ci-contre). En cas de mastite granulomateuse du sein diagnostiquée à l’histologie, il semble utile de rechercher une étiologie : infection par corynébactéries, tuberculose, maladie de système (sarcoïdose, maladie de Wegener…). En l’absence d’autre étiologie identifiée, il s’agit d’une mastite granulomateuse idiopathique. L’étiopathogénie de cette mastite idiopathique est mal définie.
Cliniquement, elle se présente généralement sous forme de nodules palpables sensibles chez un quart des patients, avec une atteinte bilatérale dans un quart des cas. L’aspect est celui d’une tumeur maligne ou suspecte dans plus de la moitié des cas (image ci-contre), c’est la forme pseudo-tumorale. L’inversion du mamelon est possible, voire de formations de fistules ou de sinus sous forme de plusieurs masses inflammatoires Une forme abcédée est également possible, avec un écoulement dans certains cas. Si l’abstention thérapeutique est parfois possible, la chirurgie permet une résolution plus rapide des symptômes mais sans toujours empêcher la récidive. Elle nécessite une exérèse large avec une technique de type oncoplastique. La corticothérapie pendant une à deux semaines (0,5 à 1mg/Kg) semble moins invasive en première intention.
La Mastite tuberculeuse (image ci-contre) est une forme parmi d’autres de mastite granulomateuse en dehors de la forme idiopathique parmi lesquelles on peut décrire la réaction granulomateuse en association avec un carcinome, la granulomatose de Wegener. La tuberculose mammaire est très rare, la plupart des cas provenant d’Afrique et d’Inde. La lésion atteint fréquemment des femmes durant la lactation ou la grossesse sous forme le plus souvent d’une masse ferme, plus rarement d’un abcès.
Cliniquement : la tuberculose se présente sous forme d’une masse avec ou sans ulcération et fistules, l’aspect histologique est classique avec des granulomes présentant une nécrose caséeuse.
Il est à noter qu’un grand nombre de pathologies infectieuses (tularémie, Syphilis, cryptococcose, actinomycose, coccidioïdomycose, histoplasmose sporotrichose) et parasitaires (cysticercose, kyste hydatique voire iatrogénique ou endogène post-traumatique) peuvent se présenter sous forme d’une mastite granulomateuse.
Un autre cas particulier de mastite granulomateuse est représenté par les lésions associées aux plasties mammaires. En effet, de nombreux agents peuvent être injectés pour augmenter le volume des seins et cela s’accompagne d’une réaction granulomateuse plus ou moins marquée et/ou douloureuse avec possibilité de fibrose associée. Les implants de silicone s’accompagnent de la formation d’une capsule. Les corps étrangers de type silicone sont ovoïdes, alors que le polyuréthane est triangulaire, capsule fibreuse avec cellules géantes multinucléées et histiocytes. De plus le silicone peut se retrouver dans les ganglions (matériel réfractile vacuolisé avec réaction granulomateuse).
La mastite à plasmocytes est définie histologiquement par un infiltrat inflammatoire à nette predominance plasmocytaire, abondant et diffus, entourant des canaux extra-lobulaires et des lobules. La mastite à plasmocytes est à rapprocher de l’ectasie canalaire et de la galactophorite ectasiante. . Les patientes avec ectasie canalaire sont plus âgées (moyenne 58 ans) que les patientes avec une mastite à plasmocytes (moyenne d’âge 33 ans). Les facteurs de risque de la mastite à plasmocytes sont l’hyperprolactinémie, le tabagisme, et les infections bactériennes. Concernant l’ectasie canalaire, aucun facteur de risque n’a été identifié. La symptomatologie de la mastite à plasmocytes correspond à des douleurs, une masse juxta-aréolaire, une rétraction du mamelon, un écoulement mamelonnaire. La mastite à plasmocytes se manifestant par des masses péri-aréolaires inflammatoires a tendance à récidiver. En cas de mastite à plasmocytes, l’antibiothérapie à large spectre semble inefficace et l’intervention chirurgicale peut se compliquer d’une infection, de récidives et d’une fistule mamelonnaire. En dehors d’une suspicion de malignité nécessitant une chirurgie, Les anti-inflammatoires non stéroïdiens semblent le meilleur traitement.