Alcool et grossesse
Boire de l’alcool pendant la grossesse est toxique pour le fœtus et peut entraîner diverses complications (retard de croissance, atteintes du système nerveux central, malformations…), dont le syndrome d’alcoolisation fœtale est la forme la plus grave. En France, l’expertise collective de l’Inserm « Alcool, effets sur la santé »2, publiée en 2001, estime que 700 à 3 000 enfants, sur les 750 000 naissances annuelles, seraient concernés par un syndrome d’alcoolisation fœtale grave, avec une incidence plus élevée sur l’île de la Réunion, dans le Nord‐Pas‐de‐Calais, en Normandie et en Bretagne. Ce risque est commun à toutes les catégories de boissons alcoolisées (vin, bière, cidre, spiritueux, etc.) et pour tous les types de consommation, ponctuelle ou régulière.
Conséquences sur la grossesse
Les consommations élevées d’alcool réduisent la fertilité. Le risque d’avortement spontané augmente à partir de 1 à 2 verres/jour. L’exposition in utero à l’alcool majore la mortinatalité, en particulier par un excès d’hématomes rétroplacentaires. Un lien significatif existe avec une durée de gestation plus courte ou un taux de prématurité plus élevé mais le facteur caractéristique social est à prendre en compte. Près de la moitié des études ont montré une diminution du poids de naissance (en moins grande proportion que le tabac) et du périmètre crânien pour des consommations de 2 ou 3 verres/jour après ajustement des consommations de tabac et de la situation sociale.
Conséquences sur l’enfant
On a décrit un syndrome d’alcoolisation fœtale associant une dysmorphie faciale, un retard de croissance et un dysfonctionnement cérébral avec consommation maternelle d’alcool connue.
Peuvent également s’observer : des anomalies congénitales (cardiaques, squelettiques, rénales, oculaires ou auditives) associées à l’exposition prénatale à l’alcool, un trouble du développement et des anomalies du système nerveux central associés à des consommations maternelles d’alcool.
Une exposition prénatale à l’alcool au cours du 1er trimestre risque plus d’entraîner des anomalies structurales et anatomiques alors qu’aux 2e et 3e trimestres, elle accroît le risque de retard de croissance et d’atteinte fonctionnelle, plus particulièrement cérébrale.
Le syndrome d’alcoolisation fœtale apparaît pour des consommations élevées. Les mères consommant de façon excessive ont 30 à 50 % de risque d’avoir un enfant atteint d’un tel syndrome. Les pics d’alcoolémie maternelle sont corrélés aux lésions fœtales. Une consommation excessive occasionnelle à un stade critique peut être plus à risque qu’une consommation régulière modérée. Les anomalies cognitives ou comportementales peuvent apparaître moins dramatiques mais les troubles qu’elles entraînent (déficit de l’attention, insuffisance d’élaboration du jugement, compréhension réduite, hyperactivité et attitude rebelle) vont encore se manifester à l’âge adulte et réduire de façon importante les capacités d’adaptation et la qualité de vie de l’individu.
La femme alcoolodépendante enceinte nécessite une prise en charge pluridisciplinaire soutenue. Il est nécessaire de mettre en place un suivi obstétrical (grossesse à risque), pédiatrique (préparation de la prise en charge d’un enfant atteint), et alcoologique (travail motivationnel avec la patiente). L’objectif n’est pas de résoudre l’alcoolodépendance maternelle dans l’immédiat, mais de limiter le plus possible l’exposition de l’enfant à l’alcool. L’arrêt de la consommation est recommandé à tout moment de la grossesse. Le sevrage doit être médicalement accompagné.
Quelles doses ?
S’il n’y a aucun doute sur le potentiel tératogène de l’alcool à forte dose, les effets d’une consommation à faible dose sur l’embryon et le foetus sont beaucoup moins bien appréhendés. Un risque d’atteinte persistante du système nerveux central a été démontré lors d’une consommation régulière de plus de deux verres d’alcool par jour ou une consommation aigüe occasionnelle de cinq verres. A ce jour, il est impossible de déterminer ce qu’est uneconsommation d’alcool sans risque pour l’enfant à naître. La prudence est de renoncer à toute consommation d’alcool (vin, bière, champagne,…) dès le début de la grossesse. Cette recommandation vaut pour toutes les occasions de consommation, qu’elles soient quotidiennes ou ponctuelles, même festives.
Tabac et grossesse
Conséquences sur la grossesse
Le risque de développer une complication obstétricale est augmenté en fonction de la durée d’exposition, le degré d’intoxication et l’association à d’autres toxiques (alcool, cannabis). Il s’agit de :
-troubles de la fertilité : le délai de conception est allongé de 9 à 12mois ;
-fausses couches spontanées : le risque relatif moyen est multiplié par deux et l’association tabac/avortement augmente avec le nombre de cigarettes fumées par jour ;
-grossesse extra-utérine : le risque relatif moyen de 1,5 à 3, augmente avec le nombre de cigarettes ;
– rupture prématurée des membranes : le risque moyen est deux fois plus grand et trois fois plus grand avant 34 SA ;
-insertion basse du placenta : le risque relatif moyen est de 2 à 3 ;
– hématome rétroplacentaire : il est attribuable au tabagisme dans 20 % des cas ;
-hypertension artérielle : les femmes à la fois hypertendues et fumeuses ont un risque particulièrement élevé d’hypotrophie sévère : le taux est deux fois plus élevé chez les mères fumeuses que chez les non-fumeuses ;
-mort fœtale in utero : le risque est dose-dépendant chez la primipare et augmenté de 30 % chez la multipare après 35ans. Globalement, le risque pour les fumeuses de mettre au monde un enfant mort-né est doublé par rapport aux non-fumeuses.
Conséquences sur le fœtus
Le passage fœtoplacentaire s’effectue par simple diffusion. L’affinité du monoxide de carbone pour l’hémoglobine fœtale est près de 2fois plus élevée que celle pour l’hémoglobine adulte et la décarboxylation fœtale plus lente, le taux d’HbCO étant supérieur de 10 à 15 % chez le fœtus par rapport au taux maternel. Or la croissance du fœtus est directement corrélée à son degré d’oxygénation. La diminution du poids de naissance est caractéristique d’un retard de développement d’origine toxique, dose-dépendant de la concentration du monoxyde de carbone et de la durée d’exposition. In utero, 60 % de l’oxygène consommé pour la croissance sert directement au métabolisme du système nerveux central du fœtus. La diminution significative du périmètre crânien également retrouvée est corrélée à la diminution du poids du cerveau puisque celui-ci représente 10 % du poids de naissance. Cette diminution significative de ces indicateurs biométriques montre ainsi l’incidence directe de l’hypoxie sur le développement du cerveau. La mesure du CO expiré est le seul examen objectif, non invasif, rapide, permettant d’évaluer le niveau d’exposition du tabagisme actif et/ou passif, le risque éventuel d’intoxication oxycarbonée en relation avec les conditions de chauffage ou de pollution atmosphérique, l’oxygénation du fœtus et ses risques d’hypoxie. Pour cela Il suffit de disposer d’un analyseur de CO et de demander à la femme de prendre une inspiration modérée, de la retenir pendant 10s afin d’équilibrer le taux de CO sanguin et alvéolaire. Ensuite, elle expire lentement, en une seule fois et le plus longtemps possible dans l’embout à usage unique. L’appareil équipé d’une électrode électrochimique sensible au CO évalue la teneur en CO de l’air alvéolaire expiré et affiche le résultat en ppm. Le taux de CO expiré quantifie le tabagisme actif et/ou passif.
Conséquences sur le nouveau-né
Ce sont: hypoxie, lésions cérébrales, infirmité motrice d’origine cérébrale Hyperactivité, troubles cognitivo-comportementaux.
Effets bénéfiques du sevrage tabagique
L’arrêt de l’exposition est toujours bénéfique même en cas de consommation très faible de cigarettes ou de tabagisme passif. Les bénéfices de l’arrêt du tabac sont rapides avec, en moins de 24 heures, la normalisation du CO expiré et des échanges gazeux en moins de 48 heures. Le bénéfice du sevrage tabagique est encore important sur la récupération de la croissance fœtale et du poids de naissance ainsi que sur la diminution des complications obstétricales. L’arrêt de l’exposition tend alors à ramener les risques au niveau de ceux d’une femme enceinte non fumeuse.
Méthodes thérapeutiques
Elles peuvent faire appel :
-aux substituts nicotiniques ;
-et a des thérapies cognitivo-comportementales.
Autres substances
Les opiacés
Il s’agit des produits suivants : héroïne, morphine (Skénan, Moscontin), codéine (Néo-Codion), pholcodine, buprénorphine (Subutex, Buprénorphine, Temgésic), méthadone et autres opiacés de synthèse. Il n’a pas été décrit de malformation liée à l’usage des opiacés. Un sevrage aux opiacés comporte un risque de mort fœtale. L’alternance intoxication-sevrage est un stress pour le fœtus. Chez les femmes consommatrices d’héroïne, on retrouvait, avant que la substitution ne soit la règle, une augmentation du risque de fausse couche spontanée (15 à 30 %), du risque d’accouchement prématuré (20 et 56 %), un retard de croissance (entre 25 et 30 %). Le sevrage intra-utérin est un stress sévère pour le fœtus (augmentation des catécholamines dans le liquide amniotique, émission de méconium et parfois mort fœtale). Le temps de l’hospitalisation et de l’accouchement était marqué par une forte demande de psychotropes, on assistait souvent à un syndrome de sevrage chez la femme, avec son corollaire d’angoisse ingérable. On constatait également une augmentation de la mortalité périnatale, atteignant près de 3 %. On préfère actuellement une mise en place dans le cadre d’un centre spécialisé (CSAPA: Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), de façon à ce que la femme bénéficie d’un accompagnement addicto-psychosocial. L’utilisation de la méthadone gélule a l’avantage de ne pas contenir d’alcool. Elle évite la phase de manque fréquente lors de l’initiation de la buprénorphine. L’objectif est d’arriver rapidement, sans déclencher de signe de sevrage, au palier de stabilisation. La substitution est maintenue tout au long de la grossesse. La buprénorphine est un agoniste et antagoniste des récepteurs opiacés. Il est donc susceptible de déclencher un syndrome de sevrage chez une personne dépendante s’il est pris moins de 4 heures après un agoniste. Il doit être absorbé en sublingual car l’effet de premier passage hépatique est très important. Comme pour la méthadone, il est nécessaire d’augmenter la posologie en fin de grossesse. Il faut penser à réajuster la posologie du traitement de substitution après l’accouchement, surtout si elle a été augmentée pendant la gestation. Le traitement de la douleur repose sur les antalgiques périphériques. En cas de nécessité d’action centrale, on préfère alors augmenter la posologie du traitement de substitution.
Chez le nourrisson, un syndrome de sevrage survient généralement dans les 3 jours qui suivent la naissance mais il peut débuter plus tard, jusqu’à 10 jours, voire 4 semaines pour certains auteurs avec la méthadone. Il est plus tardif et moins sévère chez le prématuré. Cliniquement, c’est un syndrome de sevrage des opiacés. Dans un premier temps, le cri est strident (douleur majorée par la stimulation extérieure), on note une hypersensibilité, une hyperréactivité, une rhinorrhée (encombrement nasal, éternuements), des bâillements, un larmoiement, une sudation. Ensuite apparaissent polypnée, trémulations, fièvre, troubles de la succion, rejets, diarrhée, convulsions. Le syndrome de sevrage est déclenché par le stress. On s’efforce de mettre le nourrisson dans des conditions de calme, de pénombre, de portage et d’alimentation à la demande. En cas d’échec le traitement repose sur une solution orale de chlorhydrate de morphine. L’allaitement est conseillé et encouragé, en l’absence de pathologie infectieuse type VIH.
La cocaïne
Les problèmes sont essentiellement dus à son fort effet vasoconstricteur (HTA paroxystique) et à l’éventuelle dénutrition (effet anorexigène). Le risque d’hématome rétroplacentaire est multiplié par 4 à 5, celui de retard de croissance intra-utérin par 2 (diminution du poids de naissance de 500g en moyenne). La rupture prématurée des membranes est 4 à 5fois plus fréquente. Les hydramnios sont plus souvent rencontrés. Des anomalies du rythme cardiaque fœtal peuvent survenir (tachycardie, variabilité diminuée, absence d’accélérations). Des cas isolés de malformations mises sur le compte de l’effet vasoconstricteur puissant de la cocaïne sont rapportés : atrésies intestinales, entérocolite ulcéronécrosante, anomalies du système urinaire, réductions de segments de membres, lésions d’ischémie ou d’hémorragie cérébrale fœtale, etc. Le sevrage est recommandé. Dans les cas difficiles, il comporte 8 à 10 jours de fébrilité intense alternant avec des phases d’apathie, puis 4 à 8 semaines de syndrome amotivationnel. En cas de prise de cocaïne en fin de grossesse et avant l’accouchement, le nourrisson peut présenter, pendant 3 à 5 jours, une hypertonie, des réflexes vifs, une hyperexcitabilité, des trémulations, des convulsions. Ces symptômes étant là encore déclenchés par le stress, calme, pénombre et portage sont recommandés. Le traitement médicamenteux n’est pas utilisé à l’heure actuelle. Les données sont contradictoires en ce qui concerne les effets à distance sur l’enfant. L’allaitement est contre-indiqué en cas de prise concomitante.
Le cannabis
Les risques sont liés à la fumée et à ses constituants, notamment au monoxyde de carbone, dont les taux sont souvent bien plus importants qu’avec le tabac consommé seul (bronchodilatation majeure). Tous les risques liés au tabac sont retrouvés avec le cannabis. Aucune malformation n’a été décrite à ce jour. Chez le nouveau-né on retrouve un syndrome de sevrage a minima: trémulations, irritabilité, troubles du sommeil, pleurs faibles, diminution de la réponse visuelle aux stimuli lumineux. Il n’y a pas de traitement proposé en dehors de « calme, pénombre, portage ». Ces symptômes peuvent durer quelques jours à un mois. Il y a un passage dans le lait maternel, avec concentration jusqu’à 8fois plus que dans le sérum maternel. L’allaitement est donc déconseillé.
À l’âge scolaire on a noté des déficits de l’ attention, de la mémoire, une hyperactivité, la perturbation de certains tests cognitifs (raisonnement verbal). L’impact sur les apprentissages scolaires est fort probable.
Pendant la grossesse l’arrêt de la consommation est recommandé, en tenant compte de l’interrelation avec le tabac. Selon l’expérience de la patiente, elle choisira la diminution progressive (possible, du fait de la demi-vie du THC [tétrahydrocannabinol]) ou l’arrêt brutal. Le sevrage est généralement facile. Il peut cependant être bruyant et comporter : agitation, anxiété majeure, irritabilité, troubles du sommeil, céphalées. Déclenché et aggravé par le stress, il peut être difficile à gérer en salle de naissance. Il laisse place à un syndrome amotivationnel pouvant durer plusieurs mois. Il peut ainsi altérer la relation maman/bébé. Ceci est une raison supplémentaire pour que le sevrage ait lieu le plus tôt possible.