Les infirmités motrices cérébrales surviennent chez 1-2% des enfants nés à terme. Dans 10 à 20% des cas, elles font suite à une asphyxie per partum. L’analyse des gaz du sang au cordon ombilical après l’accouchement permet de diagnostiquer ou d’infirmer une éventuelle asphyxie fœtale et d’établir un lien avec les événements survenus en cours de travail.
Au cours du travail, l’osbtétricien dispose de différents outils pour s’assurer de la bonne vitalité du fœtus, le rythme cardiaque fœtal (RCF) constitue la méthode de surveillance de référence, une altération de ses paramètres permettra de dépister une situation à risque d’acidose fœtale sans permettre, toutefois, de l’établir formellement. D’autres techniques comme l’électrocardiogramme (ECG) fœtal et l’oxymétrie de pouls fœtal ont été mises au point mais ne sont pas actuellement validées. L’analyse du pH et des lactates au scalp peut donner dans l’urgence une idée du statut acido-basique fœtal. Ces techniques présentent l’avantage d’être extrêmement rapides et de ne nécessiter qu’un prélèvement réduit. Elles sont néanmoins invasives et leur réalisation tout comme leur interprétation ne sont pas toujours aisées.
Le diagnostic de certitude d’acidose fœtale et de son type repose donc sur l’analyse des gaz du sang artériel au cordon du nouveau-né principalement le pH, pCO2 et déficit de bases.
Dans les conditions normales, le métabolisme énergétique fœtal est essentiellement aérobie. En cas d’altération aiguë des échanges materno-fœtaux, le CO2et les ions H+ s’accumulent, d’où une baisse rapide du pH. Il s’agit d’une acidose gazeuse ou respiratoire. Elle régressera en quelques minutes après la naissance, le nouveau-né en respirant éliminant le CO2 accumulé. Ce type d’acidose ne s’accompagne pas de séquelles neurologiques à long terme. En cas d’hypoxie fœtale prolongée, le métabolisme devient anaérobié avec production d’acide lactique. Ceci aboutit à la consommation de bases tampon et à une baisse du pH. Il s’agit alors d’une acidose métabolique ou mixte qui, elle, peut s’accompagner de séquelles. La mise en évidence d’une acidose métabolique (pH artériel au cordon <7,00 et un déficit de base (DB) >12 mmol/L) est un des critères indispensables pour pouvoir imputer une infirmité motrice cérébrale à une asphyxie fœtale. Il faut, par ailleurs, savoir que la valeur du DB fournie par les pH-mètres n’est pas mesurée, mais calculée à partir de la valeur du pH et de la pCO2. De ce fait, toute erreur dans la mesure de la pCO2 va fausser la valeur du DB calculée (exposition à l’air, par exemple). Enfin, chaque marque de pH-mètre a établi son propre algorithme pour le calculer et les algorithmes sont établis selon un taux fixe d’hémoglobine, de saturation d’oxygène et de température, d’où une source d’erreur systématique.
Selon le pH-mètre dont on dispose, on s’intéressera au pH, à la pCO2, au DB et/ou au lactate.
Le pH sera abaissé dans tous les cas d’acidose . En cas d’acidose gazeuse, la pCO2est élevée mais le déficit de bases est normal. En revanche, dans l’acidose métabolique, la pCO2 est normale mais le déficit de bases est important voir profond (supérieur à 12 mmol/L). Enfin les acidoses mixtes associent les deux phénomènes : déficit de bases et pCO2élevée.
L’analyse des gaz du sang au cordon ( artère ombilicale ) est donc particulièrement importante pour diagnostiquer l’acidose métabolique ou pour l’éliminer formellement. Une mesure isolée du pH est nécessaire pour établir l’acidose mais elle n’est pas suffisante pour en établir la nature (gazeuse, métabolique ou mixte), même si une acidose profonde inférieure à 7,00 correspond très souvent à une acidose métabolique ou mixte. Déficit de base et mesure des lactates au cordon permettent d’authentifier l’acidose lactique. Un pH bas et un taux de lactates élevé témoignent toujours d’une acidose métabolique. Ces paramètres ne sont pas influencés de façon significative par le degré de prématurité ni la voie d’accouchement.
Idéalement, la mesure simultanée des gaz du sang à l’artère et à la veine du cordon apporte un argument supplémentaire pour l’analyse des perturbations observées. Ainsi, plus la différence artério-veineuse du pH et de la pCO2 est élevée et plus le phénomène a de chances d’être aigu et d’être survenu de manière brutale (compression du cordon, procidence…). En revanche, une différence artério-veineuse faible évoquera un processus plus durable, survenu progressivement au cours du travail, voire préexistant parfois au travail. Et, en fait, on estime qu’environ 10 à 15 % seulement sont secondaires à un événement survenu dans la période du travail et de l’accouchement.
Technique de prélèvement
Il est essentiel que le cordon soit clampé précocement après l’accouchement avant la première inspiration du nouveau-né. C’est un double clampage isolant un segment de cordon. Le prélèvement par seringue héparinée doit porter sur une des deux artères et ne pas contenir de bulles d’air. Le prélèvement peut être conservé à température ambiante et analysé dans l’heure qui suit. Un second prélèvement veineux est, on l’a vu, utile.
Interprétation
Il est essentiel de distinguer
-les acidoses respiratoires où l’on observe un pH faible avec une pCO2 élevée alors que DB et lactates sont normaux
-les acidoses métaboliques où le pH faible sera associé à un DB et/ou un taux de lactates élevé.
De plus, la comparaison des gaz du sang en artériel et en veineux permettent de distinguer deux situations
-celle où pH et DB sont altérés dans le sang artériel, mais non dans le sang veineux ; ceci témoigne d’un accident bref et récent, la lenteur du transfert des ions H+ vers la mère expliquant l’absence d’acidose dans le sang veineux ;
-celle où les anomalies sont observées dans le sang artériel et veineux ; il s’agit alors plutôt d’une acidose ancienne avec épuisement des possibilités de tamponnement par le placenta, ce qui est en faveur d’une acidose métabolique potentiellement grave.