I-Anomalies des voies excrétrices
La dilatation pyélique ou pyélectasie est le signe le plus fréquent. Elle est évaluée par la mesure du diamètre antéropostérieur du bassinet sur une coupe transversale. La limite supérieure de la normale est en centimètres égale au nombre de mois de grossesse. La pyélectasie est dite modérée pour un diamètre compris entre 4 et 10 mm et on parle d’hydronéphrose si le diamètre est supérieur à 10 mm.
A-Les obstacles à l’écoulement des urines
1-Les anomalies de la jonction pyélo-urétérale
On l’évoque devant une dilatation isolée des cavités pyélo-calicielles. Elle peut être uni ou bilatérale. En cas d’atteinte bilatérale, il faut estimer la quantité de liquide amniotique, la morphologie du parenchyme rénal afin d’évaluer échographiquement le retentissement de l’uropathie sur la fonction rénale.
Les principaux diagnostics différentiels sont le reflux vésico-urétéral, l’hypotonie pyélique et la dysplasie multikystique : en faveur d’un reflux vésico-urétéral, on retient la variabilité des mesures du bassinet dans le temps ou l’existence d’une dilatation à bascule. En cas d’hypotonie pyélique, la dilatation des bassinets est peu marquée (mesurant souvent moins de 10 mm en antéropostérieur), et n’évolue pas au cours de la grossesse mais peut représenter un signe d’appel mineur de trisomie 21. Enfin, la dysplasie rénale multikystique se distingue de l’hydronéphrose par son diagnostic plus précoce et par la présence de plusieurs images kystiques de taille variable, ne communiquant pas entre elles, sans cortex identifiable, alors que l’hydronéphrose se caractérise par la présence d’une communication entre les calices en boule et le bassinet avec cortex périphérique visible.
2-Les obstacles urétéro-vésicaux
Ils créent des urétéro-hydronéphroses, les uretères devenant bien visibles. Les causes sont : le méga-uretère primitif, le méga-uretère par reflux, la dilatation d’un uretère en amont d’une urétérocèle.
3-Les obstacles sous-vésicaux
Il s’agit de valves de l’urètre postérieur observées eulement chez les garçons.. Elles correspondent à des replis valvulaires développés au pied du veru montanum entraînant un obstacle à la miction qui va se traduire par une dilatation de l’urètre postérieur sus-jacent et une vessie de grande taille qui peut présenter des signes de lutte d’importance variable selon que l’obstacle est complet ou partiel (vidange possible), selon l’existence d’un reflux et selon l’ancienneté de la maladie. La vessie de lutte entraine un épaississement pariétal secondaire à une hypertrophie musculaire du trigone et du dôme vésical.
Les valves complètes sont visibles dès le premier trimestre et entraînent un anamnios quasi-total dès 18-20 SA. Les valves partielles ou incomplètes ont une sémiologie plus larvée : installation progressive de la mégavessie, des dilatations urétérales puis pyélocalicielles, et enfin de l’oligo-anamnios. Mais la sémiologie peut être plus trompeuse avec simplement une vessie se vidant mal chez un garçon, une urétérohydronéphrose modeste uni ou bilatérale, une quantité de liquide amniotique à peine diminuée : tous ces petits signes doivent évoquer les valves de l’urètre postérieur jusqu’à preuve du contraire et la surveillance doit donc être poursuivie avec toujours cette hypothèse diagnostique.
Les conséquences sur le rein font tout le pronostic de cette anomalie. L’augmentation de l’échogénicité du parenchyme rénal est en faveur d’une mégavessie d’origine obstructive et constitue un facteur de mauvais pronostic, de même que la mise en évidence de kystes au sein du parenchyme rénal suggérant une dysplasie secondaire. Le pronostic est d’autant plus réservé que le diagnostic est précoce, que la dilatation est importante, que les reins présentent des signes de dysplasie, que le liquide amniotique est peu abondant.
L’évaluation du retentissement peut être obtenue par ponction de l’urine fœtale au niveau de la vessie et/ou des voies excrétrices urinaires, avec analyse de la natriurèse (normal si inférieur à 75 mEq/l) et de la bêta2-micro globuline (normal si inférieur à 2 mg/ l), mais son interprétation doit demeurer prudente. Une natriurèse supérieure à 75 meq/l est un signe d’atteinte sévère du rein avec un risque de mort périnatale quand le taux est supérieur à 100 mEq/l. La natriurèse n’est cependant pas un bon indicateur de la fonction rénale future que l’on évalue mieux sur le dosage de la β2-microglobuline : un taux supérieur à à 2 mg/l évoque une altération de la fonction rénale, sévère quand supérieure à 12 mg/l.
B-Les dysplasies rénales obstructives
Ce sont des altérations du parenchyme rénal secondaires à une obstruction sévère, associant des kystes, volontiers sous-corticaux, et une fibrose.
C-Les dysplasies rénales multikystiques
La dysplasie multikystique, ou rein polykystique, résulte de l’apparition très précoce d’un obstacle au cours du développement, conduisant à une dilatation kystique des tubules et à la formation de kystes. En général unilatérale elle se traduit par des kystes de taille variable d’un à plusieurs centimètres, en nombre non communiquant entre eux, répartis anarchiquement au sein du rein dont les contours sont bosselés. Le parenchyme rénal résiduel central est échogène. Une anomalie échographique de la voie excrétrice controlatérale est présente dans la moitié des cas. En cas de malformations associées (cardiaques, système nerveux, appareil digestif, fente labio-palatine, membres, rein controlatéral…), la réalisation d’un caryotype est justifiée. Les formes bilatérales se traduisent par un oligoamnios sévère précoce, évoluant vers l’anamnios, et justifient une proposition d’une interruption médicale de grossesse.
II-Les anomalies du parenchyme rénal
La mise en évidence d’une pathologie du parenchyme rénal impose une évaluation de la vessie et de la quantité de liquide amniotique. Si celle-ci est normale, une simple surveillance peut être proposée, alors qu’un oligoamnios ou un anamnios, surtout précoces, sont de très mauvais pronostic (hypoplasie pulmonaire et séquence de Potter) : l’interruption médicale de grossesse est acceptée.
A-Les hypoplasies rénales
Elles se caractérisent par une diminution du nombre des néphrons au sein du tissu rénal normal. À l’échographie, les reins sont petits et plus ou moins bien différenciés. Des kystes peuvent être présents réalisant une hypodysplasie. Le pronostic est péjoratif lorsque la fonction rénale est altérée dès la naissance.
B- Gros reins hyperéchogènes et maladies kystiques rénales
1-Les polykystoses rénales de formes récessives
D’une fréquence de 1/40 000 naissances, la polykystose rénale récessive de type infantile, transmise sur le mode autosomique récessif (taux de récurrence : 25 %) est la forme habituellement observée en période anténatale, même si sa révélation peut être plus tardive. Cette affection touche les deux reins de façon symétrique et aussi de façon constante le foie (fibrose péri-portale) qui peut être responsable de la symptomatologie révélatrice en postnatal. Elle se traduit par une néphromégalie bilatérale importante se majorant au cours de la grossesse. Les reins apparaissent globalement hyperéchogènes avec une absence de différenciation cortico-médullaire.Une de leurs caractéristiques est la présence d’images en « motte » à la pointe des pyramides qui inverse la différentiation (pyramides plus brillantes que les colonnes), ce signe apparaissant souvent en fin de deuxième trimestre. Des kystes sont visibles in utero dans un tiers des cas, de petite taille (millimétriques), de localisation corticale ou médullaire. L’oligoamnios est pratiquement constant, sévère et précoce dans 25 % des cas, sinon modéré mais se majorant au cours de la grossesse. Le pronostic est lié à l’apparition d’une insuffisance rénale. La quantité de liquide amniotique peut être normale : sa diminution traduit la dégradation de la fonction rénale. Il n’est pas possible de prédire l’évolutivité de la maladie dont l’issue peut être fatale car il n’existe pas de corrélation entre la date du diagnostic et la survenue d’une insuffisance rénale.
2-Les polykystoses rénales de forme dominante
Elles concernent 1 nouveau-né sur 750. Le diagnostic de la polykystose rénale dominante se fait en général à l’âge adulte. En cas de polykystose rénale familiale connue, une échographie anténatale normale ne permet pas d’éliminer la transmission. Le pronostic est lié au développement d’une insuffisance rénale dont la survenue est très variable.
3- Le syndrome de Meckel-Gruber
Gros reins dans contexte malformatif (encéphalocèle, polydactylie) et éventuellement familial.
4-Kystes dans les gros reins hyperéchogènes
La mise en évidence de kystes rénaux peut être associée à de nombreuses pathologies malformatives ou géniques. Un bilan complet est donc nécessaire associant une enquête familiale et un bilan échographique complet. Un caryotype s’avère également nécessaire afin d’éliminer une anomalie chromosomique, et notamment la trisomie 13.
5-Le kyste solitaire du rein est très rare.
C-Les tumeurs solides du rein
Elles sont rares. Devant une masse rénale solide (échogène et homogène), bien limitée, hypervascularisée en Doppler couleur, le diagnostic à proposer est celui de néphrome mésoblastique ou tumeur de Bolande. Cette tumeur peut être compressive en cas de volume important et il peut exister un hydramnios par polyurie fœtale. Le diagnostic différentiel anténatal doit être évoqué avec d’autres tumeurs rénales tel qu’un nephroblastome ou tumeur de Wilms qui peut être retrouvée dans le syndrome de Beckwith-Wiedeman, de Drash (ambiguité sexuelle, glomérulopathie hypertensive), de WAGR (délétion du chromosome 11, aniridie, anomalies génitales), un hamartome ou une tumeur rhabdoïde.
D-Les anomalies vasculaires
La thrombose de la veine rénale est la plus fréquente. Elle est favorisée par le diabète maternel. L’aspect échographique associe un gros rein, un défaut de visualisation du bassinet, des pyramides hypoéchogènes séparées par des stries vasculaires hyperéchogènes le long du trajet des veines interlobulaires contrastant avec un halo vasculaire périphérique. L’existence d’une hémorragie surrénalienne associée est possible.
III-Les malformations rénales
A-Agénésie rénale
1-Bilatérale. Elle est non viable et peut s’associer à d’autres malformations. Le diagnostic anténatal repose sur la non-visualisation des reins associée à un oligo-anamnios, une vessie non vue et, en théorie, une hypoplasie pulmonaire (séquence de Potter).
2-Unilatérale, à ne pas confondre avec un rein ectopique. Il n’y a qu’un pédicule au Doppler couleur.
B-Les duplications urétérales
Elles sont assez fréquentes et pas toujours pathologiques. Souvent difficiles à voir, on les suspecte devant la mise en évidence d’une disparité de dilatation calicielle entre le pyélon supérieur et le pyélon inférieur souvent moins dilaté, mais aussi sur la visualisation d’une bande de parenchyme rénal séparant les deux pyélons et sur l’individualisation de deux uretères .
C-Le rein en fer à cheval
Le rein en fer à cheval est fréquent (1/500 naissances), touchant plus les garçons que les filles, et correspond à la fusion des reins généralement au niveau de leur pôle inférieur avec pour conséquence la présence d’un pont parenchymateux pré vertébral et l’orientation particulière en bas et en dedans des reins.
D-Les ectopies croisées
Le rein et l’uretère croisent la ligne médiane et se situent du côté opposé à l’orifice urétéro-vésical.
IV-Les anomalies de la surrénale
A-l’hématome de la surrénale
Il se traduit par l’apparition d’une masse sus-rénale, respectant le parenchyme rénal, dont l’échostructure peut être échogène plus ou moins hétérogène à la phase initiale, mais qui deviendra anéchogène.
B-Les tumeurs surrénaliennes
Le neuroblastome siège le plus souvent au niveau abdominal et au niveau surrénalien. Il peut se présenter sous la forme d’une masse « solide » ou prendre un aspect kystique en cas de phénomènes de nécrose et d’hémorragie au troisième trimestre. Dans deux tiers des cas, la tumeur est localisée à la glande elle-même, mais une dissémination hépatique est observée dans 20 % des cas, réalisant le syndrome de Pepper. Le pronostic de ces formes anténatales est bon dans 90 % des cas
V-Les anomalies vésicales
A-Mégavessie
Il s’agit de vessie trop grande. L’estimatio est subjective mais on définit les seuils suivants :
– au 1er trimestre, mégavessie si H > 7 mm
– au 2e trimestre, vessie normale si H < ou = nb de semaines en mm grande vessie si H = nb de semaines + 2 à 12 mm et mégavessie si H > nb de semaines + 12 mm
Les causes sont :
1-Les valves de l’urètre postérieur
2-L’atrésie urétrale
3-Le syndrome de prune belly : association d’une mégavessie à paroi fine, d’une dilatation urétérale volumineuse contrastant avec une dilatation pyélocalicielle modeste, d’une hypoplasie des muscles grands droits et d’une cryptorchidie (chez le garçon, plus fréquemment atteint que la fille), sans obstacle urétral. Le diagnostic peut être porté très tôt dès la fin du premier trimestre devant une image liquidienne qui occupe une large partie de la cavité abdominale). L’aspect ondulé de la paroi abdominale, lorsqu’il est visible, peut aider au diagnostic, de même que la mise en évidence d’une cryptorchidie au troisième trimestre. Le pronostic est fonction du degré de l’atteinte rénale qui peut survenir plus ou moins tôt. Cette entité, facilement reconnue en postnatal, est un diagnostic d’élimination (éliminer les autres causes de mégavessie).
4-Le syndrome mégavessie-microcolon : iié à une anomalie de l’innervation intrinsèque urinaire et digestive conduisant à un hypopéristaltisme, il touche surtout les filles. Il se traduit au niveau urinaire par une vessie de grande taille à paroi fine et une dilatation bilatérale de la voie excrétrice. Au niveau digestif, on note un estomac toujours bien rempli avec une tendance à l’excès de liquide amniotique. L’association d’une mégavessie et d’un excès de liquide chez la fille est évocatrice. À distance, le pronostic fonctionnel est mauvais avec 80 % de décès la première année.
5-Mégavessie par reflux
6-Vessie neurologique : en cas notamment de spina-bifida on peut avoir des peut avoir des perturbations vésico-sphinctériennes avec développement d’une grande vessie.
7-Le cloaque : il résultant d’une segmentation incomplète du sinus urogénital et de l’intestin postérieur. C’est une image kystique pelvienne, associée ou non à une ascite. Cette image correspond à la dilatation kystique de la filière utéro-vaginale chez la fille ou, dans les deux sexes, à la présence de liquide dans l’ampoule rectale. L’IRM fœtale est alors indiquée pour préciser la nature de la malformation. Le cloaque peut s’associer à l’exstrophie vésicale.
B-Les cas où la vessie est non visible
La non-visibilité de la vessie sur la durée normale d’un examen échographique et avec un liquide amniotique normal doit être vérifiée par un examen ultérieur. L’absence de vessie peut être observée dans différentes malformations :
1-L’exstrophie vésicale : ouverture de la paroi abdominale sous-ombilicale, muqueuse vésicale saillante sous la forme d’une masse bombante, échogène et irrégulière se continuant avec les plans cutanés, urines se drainant directement dans la cavité amniotique, diastasis de la symphyse pubienne, insertion basse du cordon, anomalie des organes génitaux externes.
2-L’exstrophie cloacale : entrant dans une association malformative (OEIS complex : association d’une exstrophie « vésicale », d’une omphalocèle, d’une imperforation anale et d’un spina-bifida) .
3- la maladie des brides amniotiques qui peut également être responsable d’anomalies de la paroi antérieure dans le cadre d’un Limb Body Wall Syndrome avec exstrophie vésicale, laparoschisis, anomalie rachidienne, anomalie des membres, cordon court.
C-Les anomalies de l’ouraque
Les anomalies de fermeture du canal de l’ouraque peuvent se traduire par une image de type kystique médiane sus-vésicale, au contact de la base du cordon ombilical. Il peut alors s’agir soit d’un kyste de l’ouraque, se prolongeant parfois dans le cordon, soit d’un diverticule de l’ouraque s’il communique avec la vessie. En cas de fistule, la vessie n’est jamais vue en forte réplétion, mais elle n’est pas en règle complètement vide.