Contrairement au forceps, les leviers des anciens accoucheurs remplacés actuellement par les spatules sont des instruments d’orientation et de propulsion et non de préhension et de traction.
Elles ne sont utilisées qu’en France.
Lors des troubles politiques à la suite desquels le roi d’Angleterre Jacques II dut partir en exil et fut forcé d’abdiquer, Hugh Chamberlain (voir le chapitre «Histoire du forceps») a été accusé par le Collège des médecins de pratiquer la médecine sans autorisation et dut fuir en Hollande où il a passé les cinq années suivantes. Là, à court d’argent, il semble qu’il ait vendu son secret, qui était son forceps, à Amsterdam en 1693 à un obstétricien hollandais renommé de l’époque Roger Van Ronhyusen. Mais le secret est resté secret car, ne voulant sans doute pas qu’un autre puisse briller à sa place, il n’aurait vendu qu’une seule cuiller avec laquelle, bien sûr, on ne peut faire aucune traction !
Après s’être interrogé sur le moyen d’utiliser cette cuiller unique, Van Ronhyusen finit par l’utiliser comme un levier. Et c’’est probablement à la suite de cette escroquerie que l’école obstétricale hollandaise développa l’usage des leviers pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Par ailleurs, Van Roonhuyze, insatisfait de l’instrument, l’aurait confié à, Jean Palfyn qui eut l’idée d’associer une seconde cuillère : les « mains de fer » de Palfyn furent présentées à l’Académie Royale des Sciences en France en 1721. Mais cela n’avait rien à voir avec le vrai forceps des Chamberlen.
Ce principe du levier à été le modèle de l’utilisation des actuelles spatules de Thierry.
L’idée des spatules remonte à Jean PALFYN, qui en 1721 envoya à l’Académie des sciences de Paris, la description d’un instrument auquel il avait donné le nom de « mains de fer ».
En 1950 THIERRY propose à la communauté scientifique de remplacer le forceps articulé par un nstrument non articulé appelé « spatules ».
En 1971, Teissier à proposé des spatules très proches de celles de Thierry mais plus petites. Les spatules de Teissier ont une diffusion plus confidentielle. Ces spatules ont comme caractéristiques: des manches courts, une surface active large et une courbure périnéale accentuée. Il en existe également deux modèles : les spatules de Teissier « longues » mesurant 37 cm et « courtes » mesurant 31 cm. Leur maniement et leurs propriétés mécaniques sont proches des spatules de Thierry, dont elles constituent une variante..
Les spatules de Thierry sont composées de deux leviers indépendants, sans perforation, sans moyens de serrage. Chaque levier est constitué d’un manche et d’une cuillère formant la spatule proprement dite. Les spatules actuellement utilisées sont plus courtes, elles mesurent 36 cm.
I-Principe de l’action des spatules
Sur le plan mécanique, les spatules constituent un levier du premier genre caractérisé par :
-un point d’appui distal sur l’os malaire fœtal, par la face interne concave des spatules (2/3 distaux). La région malaire est la partie la plus résistante de la face fœtale ;
-un point d’appui moyen au niveau de la paroi pelvienne, par la face externe des spatules (1/3 moyen). Cet appui n’est pas fixe et suit la progression de la tête fœtale dans sa descente et dans sa rotation.
Une traction modérée et parallèle sur les spatules tend à les écarter. La force de traction appliquée sur le manche est ainsi transformée par l’intermédiaire du point d’appui pelvien en une force de propulsion permettant la progression du mobile fœtal. Cette force explique également la rareté des dérapages de l’instrument lors d’une utilisation correcte. Les spatules agissent ainsi par un double mécanisme de propulsion de la tête fœtale et de diminution des résistances du canal pelvien.
Compte-tenu du grand rayon de courbure des cuillers, les spatules prennent appui sur la face fœtale par leur partie distale (bec) et s’écartent du crâne fœtal sur leur partie plus proximale, assurant ainsi un effet, non formellement démontré, de protection du crâne fœtal en écartant les parois pelviennes devant la présentation. Les mouvements de rotation, flexion et dans une moindre mesure d’asynclitisme, sont possibles entre les spatules, permettant l’accommodation et la progression de la présentation dans la filière génitale. Cette mobilité respectée de la tête fœtale entre les cuillers des spatules peut surprendre au début l’opérateur habitué au forceps.
Les particularités mécaniques de cet instrument peuvent donc être résumées comme suit : instrument de propulsion et d’orientation et non de préhension-traction, appui fœtal malaire protégeant théoriquement le crâne fœtal, évolution libre de la tête fœtale dans les cuillers (flexion et rotation), maniement indépendant des spatules, rotation instrumentale possible, mise en place et pulsion selon l’axe fœtal sous-occipito-mentonnier. Il s’agit d’un mauvais instrument de flexion.
II-Utilisation des spatules
Les spatules étant comme la « prolongation des mains de l’accoucheur », à ce titre la spatule droite prolonge
la main droite de l’opérateur et la spatule gauche prolonge sa main gauche. (C’est l’inverse avec les forceps à branches croisées). La technique de pose des spatules est la même que les forceps. Pendant la pose les becs ne doivent pas perdre le contact avec la tête fœtale. Il est primordial que les deux spatules soient parallèles et symétriques par rapport à la suture sagittale.
La spatule postérieure doit être introduite en premier. Sa mise en place ne doit rencontrer aucune résistance. Il suffit de pousser légèrement le bord postérieur de la spatule pour qu’elle suive l’espace céphalo-pelvien, le bec des spatules ne devant jamais perdre le contact avec la tête fœtale. Leur mise en place peut être difficile sur une présentation engagée à la partie haute de l’excavation, en raison de la faible courbure pelvienne de l’instrument. Elle ne se fera jamais par torsion des poignées. L’impossibilité de mise en place des spatules doit faire renoncer à l’extraction par voie basse.
Lorsque leur mise en place est correcte, les spatules sont rigoureusement parallèles et en position symétrique par rapport à la suture sagittale de la tête fœtale. Le parallélisme strict du plan des poignées et de leur axe constitue un gage de qualité de la prise instrumentale. Il doit être maintenu durant la manœuvre d’extraction, excepté lorsque l’on effectue la manœuvre du toboggan. Lors de leur maniement, les spatules doivent rester indépendantes. Le mécanisme de levier se met en œuvre spontanément dès le début de la traction. Cette traction doit être modérée et contemporaine des efforts expulsifs ou des contractions utérines. L’extraction par spatules est grandement facilitée par la participation maternelle aux efforts de poussée. Il convient de combiner un mouvement d’écartement modéré et progressif à une traction douce lors des efforts expulsifs. De petits mouvements alternés d’écartement/rapprochement des mains, initialement décrits par Thierry comme la manœuvre des « toboggans esquissés », permettent de laisser la tête évoluer entre les spatules lorsque la présentation progresse. Il est important de laisser les spatules se repositionner sur la tête fœtale entre chaque effort de traction. L’extraction se fait selon l’axe fœtal sous-occipito-mentonnier, ce qui limite le risque de déflexion de la tête fœtale. Cet axe reste parallèle à celui de l’excavation ; il se modifie avec la progression de la présentation : initialement oblique vers le bas, il s’horizontalise lorsque la tête progresse .
La manœuvre du toboggan est utlilisée pour les positions transverses. Elle consiste à tenir une spatule fixe (en principe la postérieure), tandis que l’autre appuie sur la tête fœtale qui glisse sur la spatule fixe comme un « toboggan ». La spatule postérieure, placée horizontalement, sert de plan de glissement et c’est la spatule antérieure qui est active. C’est dans cette situation que les spatules doivent être dissociées. Le manche de la spatule antérieure doit être légèrement écarté vers l’extérieur (mouvement de « croisement » des spatules), du côté du lambda fœtal, puis être prudemment redressé vers la verticale, la spatule postérieure restant immobile. Ce mouvement va entraîner la mobilisation de la région malaire vers le bas et donc un début de rotation de la tête (Fig. 6). La spatule postérieure est remise en parallèle avec l’antérieure. Le mouvement est répété plusieurs fois (1/8e de tour à chaque mouvement) de manière à amener progressivement la présentation en OP. Les mouvements doivent être effectués sans force et ne doivent jamais avoir une grande amplitude. Il est à noter que la mise en place de la spatule postérieure, sur laquelle on exerce un mouvement antérieur doux, permet souvent de transformer la variété transverse en une variété antérieure (comme le ferait une rotation manuelle), rendant alors inutile la manœuvre du toboggan.
En cas de présentation en OS, après échec de rotation manuelle, il semble peu oportun d’utiliser les spatules.
Sur tête dernière , en cas de siège, le forceps semble préfrable.
Par contre, dans les présentations de la face, les spatules sont un des seuls instruments facilement utilisables. Les cuillers sont mises en place directement sur une présentation en orientation mento-pubienne. L’axe d’application des spatules doit être initialement dirigé vers le bas (pour amener la présentation sous la symphyse) puis ramené vers le haut afin de fléchir la présentation et permettre son dégagement.
III-Complications
Toutes les complications décrites pour les forceps peuvent s’observer avec les spatules. Néanmoins, certaines complications plus spécifiques à l’utilisation des spatules doivent être mentionnées : sur le plan maternel, il est à noter un taux qui semble très important de réalisation d’épisiotomies, et un taux de plaies vaginales plus important qu’avec les forceps.
Sur le plan fœtal, il a été décrit des lésions spécifiques du plexus brachial par l’utilisation des grandes spatules chez le prématuré. Ces lésions paraissent être directement en rapport avec l’extrémité des spatules comprimant la région sus-claviculaire. Les spatules emblent toutefois être moins agressives pour le foetus que les forceps.
Le problème est qu’il n’existe pas d’essais comparant les spatules à un autre mode d’extraction et que n’étant utilisées qu’en France il n’existe aucune publication internationale sur le sujet. Le meilleur instrument étant celui dont on a l’habitude, ceux qui utilisent les spatules en sont satisfaits, tout comme ceux qui utilisent les forceps ou les ventouses.