La Fécondation in vitro en cycle naturel ou semi-naturel

La fécondation in vitro classique suppose, on l’a vu tout au long des chapitres de cet ouvrage, une stimulation des ovaires, dite multifolliculaire, afin d’obtenir un certain nombre d’ovocytes dans le but d’aboutir à l’obtention de plusieurs embryons. Or dans certains cas, les ovaires sont incapables de répondre de manière adéquate à cette stimulation et cela peut aboutir à l’échec ou à l’annulation des cycles, alors qu’il s’agit de femmes qui ont des cycles réguliers, et qui ovulent normalement en dehors de toute stimulation. Ce sont ce qu’il est convenu d’appeler  des « mauvaises répondeuses », mauvaises répondeuses… à la stimulation. Devant cet aspect néfaste de la stimulation classique, il a été peu à peu introduit la notion de stimulation « douce » dite « mild stimulation »  ou « friendly IVF » puis pour certains cas, l’absence complète de stimulation. Il s’agit dans ce dernier cas d’essayer de récupérer, par ponction,  l’ovocyte, en général unique, produit lors d’un cycle « naturel», c’est-à-dire non stimulé, de le féconder par technique ICSI et de transférer ensuite un embryon qui sera par définition unique, mais dont les chances d’implantation ne sont pas nulles.

Les premières grossesses en fécondation in vitro (FIV) furent d’ailleurs obtenues à partir d’ovocytes issus de cycles naturels. Depuis l’avènement des protocoles de stimulation de l’ovulation, le cycle naturel a été rapidement abandonné au profit du cycle stimulé afin d’obtenir un nombre important d’ovocytes par cycle.

Les principaux inconvénients de la fécondation in vitro en cycle naturel (FIVn) sont la fréquence des annulations et des ponctions blanches. Toutefois, la FIVn permet d’éviter les principaux écueils de la FIV en cycle stimulé : l’hyperstimulation, des taux élevés de grossesses multiples et des coûts importants. De plus, même si les taux de grossesse par cycle sont inférieurs à la FIV classique, les femmes tolèrent mieux la FIVn.

Les antagonistes du GnRH ont révolutionné la FIVn en évitant bon nombre d’annulations et d’ovulation prématurée. La sélection des patientes particulières est fondamentale.

La FIVn peut être une alternative intéressante pour certaines patientes en échec d’implantation et pour d’autres patientes ayant un mauvais pronostic en FIV classique, et ce, alors même qu’on ne replace qu’un seul embryon. Les résultats restent très mauvais après 38 ans.

A qui s’adresse la FIV en cycle naturel ?

Ce type de traitement est donc parfois proposé aux « mauvaises répondeuses ».  

Une première difficulté réside dans le fait qu’il n’existe pas dans la littérature médicale de définition consensuelle de ce qu’est une mauvaise répondeuse. Il s’agit donc d’une analyse comportant nécessairement une part de subjectivité, qui prend en compte les éléments suivants :

-l’âge de la patiente : des femmes jeunes peuvent s’avérer de mauvaises répondeuses. Pour certains c’est un âge à partir de 40 ans qui serait la définition. En fait l’âge, même si l’on doit en tenir compte, ne doit pas constituer la seule définition des mauvaises répondeuses.

-La réserve ovarienne : elle est estimée sur le compte des follicules ovariens en échographie (moins de 5)et sur le taux de l’hormone anti-mullerienne (AMH). Un taux d’AMH bas (particulièrement inférieur à 1) est actuellement considéré comme très prédictif d’une mauvaise réponse aux stimulations ; prédictif d’une mauvaise réponse, mais pas nécessairement des chances de grossesse. D’une manière générale, Il a récemment été montré que l’AMH était meilleur marqueur que l’âge chronologique pour prédire le degré de vieillissement ovarien, soulevant l’hypothèse de la possibilité d’utiliser ce dosage comme prédictif de l’âge de début de la ménopause. De plus, chez les femmes ayant des degrés variés d’hypergonadotrophisme, comme l’insuffisance ovarienne prématurée, l’AMH semble être le meilleur paramètre d’estimation de la déplétion du pool des follicules ovariens et peut être le meilleur marqueur pour diagnostiquer l’insuffisance ovarienne précoce

-le taux de FSH : supérieur à 8, 10,12 ?

-La façon dont se sont déroulées les précédentes tentatives de FIV : doses de gonadotrophines ayant été nécessaires (supérieures à 300 UI/jour ?), durée de la stimulation, nombre de follicules et d’ovocytes obtenus (moins de 4 ?),  taux d’estradiol maximum obtenu (inférieur à 600pg/ml ?)etc.  Mais là encore, aucun chiffre précis n’est consensuel.

Toutes les mauvaises répondeuses ne sont pas de bonnes candidates pour un cycle naturel. Un âge élevé est associé systématiquement à des résultats plus péjoratifs ; une déficience ovarienne avérée avec cycle court et recrutement prématuré d’un follicule de 12 mm à j3 sera certainement associé à un asynchronisme de maturation endométriale, même si grâce à l’antagoniste le risque de pic de LH prématuré est réduit. La présence de lésions d’endométriose ovarienne gênera la lisibilité du monitorage et compliquera une ponction déjà difficile en elle-même.

La candidate idéale serait donc peut-être une femme ayant eu des antécédents d’annulation ou des marqueurs de déficience ovarienne à condition qu’elle ait moins de 38 ans et que ses cycles soient conservés. 

Que proposer en cas de mauvaise répondeuse ?

Plusieurs types de protocoles de stimulation testés ont pu être proposés dans le cadre des mauvaises répondeuses :

-Doses fortes d’emblée de gonadotrophines (entre 300 et 450UI/jour). Une telle stratégie, bien sûr, possible et logique, n’a néanmoins pas donné les résultats escomptés. Il ne semble pas qu’il y ait de bénéfice évident à l’augmentation d’emblée, lors du début de la stimulation ovarienne, des doses de gonadotrophines jusqu’à 450UI./jour. La réponse n’en reste néanmoins pas meilleure. Plusieurs étude controversées sont parues sur le sujet, certaines en faveur, d’autres en désaccord avec le principe de la dose forte d’emblée. En tout état de cause, la majorité des auteurs s’accorde pour dire qu’il est inutile de dépasser la dose de 450UI par jour.

-Adjonction de GH ou GH-RH (Growth Hormon = hormone de croissance; GH-RH= Growth hormone releasing hormone): Passé une période d’engouement sur l’espoir d’une amélioration de la stimulation ovarienne dans le cadre des mauvaises répondeuses par l’adjonction de GH ou de GH-RH, la majorité des auteurs ayant travaillé le sujet, confirme l’absence d’amélioration de la réponse ovarienne à l’aide de tels protocoles. Par ailleurs, la qualité ovocytaire et le taux de grossesse ne sont pas non plus améliorés, ce qui semble confirmer l’inefficacité de ces protocoles.

-Protocoles longs Gn-RH agoniste : Plusieurs types de protocoles longs à l’aide de GnRH agoniste ont été utilisés dans le cadre des mauvaises réponses à la stimulation ovarienne. Tous ont montré un rendement médiocre. Pour certains, il est judicieux de commencer l’agoniste en phase lutéale et la stimulation ovarienne en début de phase folliculaire après désensibilisation hypophysaire. Pour d’autres, l’agoniste de la Gn-RH est débuté en phase lutéale donné pendant sept jours uniquement puis la stimulation forte est démarrée. Le même protocole peut être proposé mais en diminuant l’agoniste de moitié pendant la stimulation. Tous ces protocoles ont montré une mauvaise efficacité et ont été progressivement abandonnés. 

-Protocoles courts flare-up de stimulation. Ces protocoles dits courts ont, cependant, un inconvénient qui est d’augmenter le nombre de follicules atrétiques.

Suite aux résultats décevants de ces diverses techniques, il apparait aujourd’hui que la FIV en cycle naturel est la méthode de choix à proposer.

Cycle naturel ou semi-naturel ?

Il est intéressant de rappeler que Les premières grossesses en fécondation in vitro furent obtenues à partir d’ovocytes issus de cycles naturels. La stimulation des cycles n’a été introduite qu’ensuite.

Le cycle naturel  ou spontané sous-entend donc l’absence de stimulation ovarienne, mais pas nécessairement l’absence de tout traitement.  En effet la difficulté au cours d’un cycle totalement spontané et de saisir le moment exact favorable pour ponctionner le follicule mûr afin que ce ne soit pas trop tôt,  ni trop tard après une ovulation spontanée.  Une telle procédure nécessiterait une surveillance très rapprochée, notamment toutes les trois heures du taux de LH. On notera que ce fut la méthode utilisée par Edward et Steptoe lors de la première FIV historique. Actuellement nous disposons de médicaments capables d’empêcher l’ovulation spontanée de se produire (les antagonistes du GnRH) et de déclencher l’ovulation « à la demande » permettant une ponction folliculaires dans de bonnes conditions 36heures après. Il est donc plus exact de parler de cycle semi-naturel, le point important restant l’absence de stimulation ovarienne.

Avantages théoriques de la FIV en cycle naturel

C’est d’abord une relative simplicité du fait de l’absence de stimulation, évitant par là même les risques de l’hyperstimulation ovarienne. Cela permet de répéter les tentatives et l’on considère que 4 tentatives sont raisonnables et permettent d’optimiser les résultats.

Le coût d’une FIV en cycle naturel est évidemment inférieur à celui d’une FIV classique.

La qualité du follicule dominant obtenue en l’absence de stimulation pourrait être aussi bonne sinon meilleure qu’après stimulation car il est le produit d’une sélection naturelle survenue après la phase de recrutement intercycle.

Mais surtout, il semble que le principal intérêt de cette technique repose sur l’amélioration de la réceptivité endométriale.  Le cycle naturel supprimerait les effets délétères de l’hyperstimulation ovarienne contrôlée, actuellement parfois critiquée.  En hyperstimulation ovarienne contrôlée, les taux supraphysiologiques d’estradiol et de progestérone provoquent, en effet, une avance de maturation endométriale et  freinent par rétrocontrôle négatif la production hypophysaire de LH altérant ainsi la durée de vie du corps jaune. L’endomètre d’un cycle naturel serait donc plus propice à l’implantation qu’en cas d’hyperstimulation ovarienne contrôlée.

Donc outre les mauvaises répondeuses les échecs successifs d’implantation semblent une bonne indication à la FIV en cycle naturel.

Déroulement de la FIV en cycle naturel

Divers protocoles ont pu être proposés. Nous décrivons ici celui que nous utilisons en routine.

La prise en charge comporte : un monitorage échographique, l’adjonction d’antagoniste et de gonadotrophine, un dosage d’estradiol, un déclenchement de l’ovulation par hCG, une ponction folliculaire en générale sous anesthésie locale, une ICSI systématique et un éventuel soutient de la phase lutéale.

Lorsque le follicule atteint 14mm, on adjoint l’antagoniste afin de prévenir une ovulation spontanée. La chute transitoire de gonadotrophines et d’estradiol provoquée par l’introduction de l’antagoniste peut être compensée par l’administration concomitante de petites doses de gonadotrophines exogènes (Puregon® par exemple). La dose minimale quotidienne semble être 75 UI mais la plupart des équipes administre 150 UI/jour. Lorsque le follicule paraît mûr (taille si possible supérieure à 18mm et estradiol au moins à 250pg/ml), la ponction est programmée sous anesthésie locale simple. Cette ponction, réalisée comme d’habitude sous contrôle échographique aspire le liquide folliculaire et est immédiatement suivie d’un lavage-re-aspiration du follicule. L’examen du liquide d’aspiration est également immédiatement réalisé par l’embryologiste. Si un ovocyte a été récupéré, la fécondation est exclusivement réalisée par ICSI. L’administration de progestérone en phase lutéale n’est peut-être pas nécessaire mais est généralement effectué. 

Le transfert embryonnaire est généralement effectué vers J2 ou J3 après la ponction. Une alternative peut être de congeler l’embryon et de renouveler la FIV en cycle naturel afin d’essayer d’obtenir plusieurs embryons permettant des transferts de deux embryons ou des doubles transferts…

Les résultats

Les patientes doivent être prévenues des inconvénients suivants :

-risque d’annulation du cycle si le développement folliculaire ne se fait pas naturellement normalement ou si l’image échographique obtenue correspond manifestement à un kyste et non pas à un follicule ;

-risque de ponction blanche, c’est-à dire absence d’ovocyte dans le liquide de ponction. Ce risque doit bien être pris en compte car il concerne environ 25% des cas  pour le protocoles avec antagonistes que nous avons décrit. ;

-risque d’échec du développement embryonnaire précoce ;

-et bien sûr comme dans toute FIV, risque d’absence d’implantation embryonnaire d’autant plus qu’il n’y a ici qu’un seul embryon.

Malgré ces inconvénients, il apparaît que chez ce type de patientes,  cette méthode donne des résultats au moins identiques à la stimulation que l’on peut estimer autour de 15% de grossesse par transfert.  Il semble même que le taux d’implantation est meilleur en cas de FIV en cycle naturel qu’en cas de FIV stimulée.  Enfin, globalement, si l’on considère  les taux de grossesse cumulés après trois tentatives, ils approchent celui des femmes  normorépondeuses pour peu que la FIV naturelle ait permis d’obtenir un ovocyte et un embryon. Il est cependant possible d’envisager la congélation de l’embryon obtenu, d’essayer d’en obtenir  un ou deux supplémentaire, afin d’obtenir la congélation de deux ou trois embryons et ensuite de proposer un transfert de deux embryons décongelés tout en renouvelant les ponctions en cycle naturel. Cela peut permettre de réaliser plusieurs transferts dans de bonnes conditions. On peut ainsi rattraper les chances qui existeraient en FIV classique, mais pour cela les patientes doivent être prévenues que pour optimiser l’efficacité de la FIVn il faut se préparer à plusieurs tentatives, peut-être entre 3 et 10.

Les résultats parfois décevants au premier abord, méritent d’être interprétés avec attention, car la simplicité relative du cycle spontané permet sa répétition sur des cycles itératifs.

Enfin, l’âge reste un élément capital à prendre en compte car il est apparu qu’à partir de 38 ans les résultats en terme de grossesse s’effondrent et sont proche de zéro à partir de 40 ans. Cette barrière d’âge devrait faire renoncer à la FIV en cycle naturel et faire proposer d’autres solutions (don d’ovocyte, adoption…)

Conclusion

Il y a donc un regain d’intérêt pour la FIVn. Avec le perfectionnement des milieux de culture, les progrès des techniques et de l’équipement des laboratoires, les résultats ont eu tendance à s’améliorer et ce, probablement grâce à une qualité embryonnaire meilleure. Les antagonistes du GnRH ont par ailleurs révolutionné la FIVn. La sélection des patientes reste fondamentale, ainsi les résultats sont très mauvais après 38 ans.

La FIVn peut être une alternative intéressante pour certaines patientes en échec d’implantation et pour d’autres patientes ayant un mauvais pronostic en FIV classique.

Cependant, il faut impérativement prévoir une série de tentatives chaque fois que l’indication est posée, seul moyen d’améliorer statistiquement les résultats.