La grossesse extra-utérine

La grossesse extra-utérine (GEU) se définit comme la nidation de l’œuf hors de la cavité utérine. 

Le diagnostic et le traitement des grossesses extra-utérines ont bénéficié ces dernières années d’importants progrès autorisant une découverte de plus en plus précoce et la réalisation d’actes chirurgicaux plus conservateurs et beaucoup moins invasifs. Encore plus récemment sont apparus des possibilités, dans certains cas, de traitement médical sans chirurgie. Le risque de récidive et de stérilité ultérieure reste cependant important et surtout, fait trop souvent oublié, la grossesse extra-utérine reste la première cause de décès maternels lors du premier trimestre de la grossesse.

Fréquence

Phénomène mondial, l’incidence de la GEU augmente régulièrement. Elle a été en France estimée à une pour 76 naissances en 1981 (enquête du Collège National des Gynécologues Obstétriciens français).

Facteurs favorisants

La grossesse ectopique peut être le résultat : 

— d’un ralentissement de la migration ovulaire, soit par trouble de la motricité tubaire soit par anomalie de l’endothélium  tubaire;

— d’un retard d’ovulation avec insuffisance du corps jaune et reflux menstruel ;

— ou d’une association des deux.

On connaît certains facteurs favorisants :

-les antécédents d’infection utéro-annexielle. L’accroissement du nombre des GEU est vraisemblablement parallèle à celui des maladies sexuellement transmissibles ;

-certains traitements hormonaux tels qu’œstrogènes, progestatifs et inducteurs de l’ovulation agissent selon des mécanismes non univoques ; 

– les antécédents de chirurgie tubaire ; 

-la fécondation in vitro: 5% des grossesses obtenues après FIV sont extra-utérines;

-les anomalies congénitales de l’appareil tubaire ;

-l’endométriose ne serait que rarement en cause ;

-reste la contraception par dispositif intra-utérin. Il semble que la présence d’un stérilet, même à la progestérone, ne favorise pas la survenue d’une grossesse ectopique. Il ne l’empêche par contre pas (contrairement aux œstroprogestatifs) et si une femme ayant un stérilet a un risque de grossesse de 0,5 à 1 %, en cas de grossesse le risque qu’elle soit extra-utérine est de 15 %.

Localisations des implantations ectopiques

Les grossesses tubaires sont les plus fréquentes mais il existe aussi des grossesses ovariennes, cervicales, abdominales, dans une corne utérine, dans le ligament large, voire des implantations multiples…

Grossesse isthmique non rompue
Grossesse tubaire non rompue

Modes évolutifs

Bien qu’il semble que quelques GEU puissent précocement s’interrompre et guérir spontanément, le plus souvent deux types d’évolution sont possibles : l’avortement tubaire et la rupture tubaire.

L’avortement tubaire représente l’issue la plus fréquente des grossesses ampullaires et infundibulaires. L’œuf est expulsé par le pavillon dans la cavité abdominale. Le sang accumulé dans la trompe peut constituer une hématosalpinx. 

Si les caillots entourent la trompe, on parle d’hématocèle péritubaire; s’ils se collectent dans le cul de sac de Douglas, on parle d’hématocèle rétro-utérine.

La rupture de la trompe peut être redoutable. Elle complique le plus souvent les grossesses interstitielles et isthmiques. Elle peut se produire dans l’abdomen et être responsable d’une hémorragie souvent massive, mais aussi dans le ligament large. Une hématocèle péritubaire peut également se constituer.

Une grossesse abdominale secondaire peut arriver de manière exceptionnelle après l’expulsion du fœtus dans l’abdomen, alors que ce dernier continue d’évoluer.  Il n’est pas impossible qu’une telle grossesse parvienne à maturité. Dans un tel cas, en l’absence d’extraction chirurgicale par voie abdominale le fœtus meurt et peut ensuite se calcifier constituant un lithopédion.

Les aspects cliniques

    A-La forme la plus fréquente est aujourd’hui représentée par les accidents hémorragiques subaigus

Dans la forme typique complète, les métrorragies sont habituellement précoces pouvant masquer le retard de règles. Elles sont abondantes intermittentes, volontiers noirâtres bien que parfois rouges avec des caillots. Il y a des  douleurs pelviennes. Parfois apparaissent des troubles généraux:  vertiges, lipothymies, tachycardie, légère hypotension. L’examen clinique retrouve essentiellement une vive douleur lors de la pression sur le cul de sac de Douglas, parfois latéralisée (la réaction de la patiente constitue ce que l’on appelle « le cri du Douglas ». La formule sanguine peut montrer une anémie avec une leucocyte modérée dépassant rarement 15 000 à la différence d’un phénomène infectieux collecté.

Le dosage des bêta-hCG plasmatiques doit être un véritable réflexe devant tout signe clinique susceptible d’évoquer une grossesse ectopique.  Un simple test de grossesse positif n’est que de peu d’intêret et un dosage des bêta-hCG est absolument nécessaire.  L’échographie doit être systématiquement pratiquée devant la notion d’une grossesse accompagnée (ou non) de signes anormaux. Elle doit être réalisée par voie endovaginale car l’échographie transabdominale n’est qu’exceptionnellement capable de détecter un sac ovulaire extra-utérin et ne peut qu’apporter des signes indirects de suspicion sous la forme d’une masse latéro-utérine imprécise, d’un épanchement liquidien dans le cul de sac de Douglas et de l’absence de sac gestationnel intra-utérin alors que les bêta-hCG sont positifs. 

L’échographie endovaginale permet généralement d’affirmer la vacuité utérine qui doit être considérée comme anormale à partir d’un taux d’hCG supérieur à 1 000 UI. De plus, elle permet assez souvent de visualiser directement la grossesse tubaire sous la forme d’un sac trophoblastique situé en dehors de l’utérus, contenant ou non une structure embryonnaire, voire une activité cardiaque. Un piège diagnostique classique faussement rassurant peut être la détection en position intra-utérine d’un «pseudo-sac» gestationnel artificiellement crée par l’épaississement de la caduque. Inversement une image de corps jaune peut parfaitement simuler un sac trophoblastique intra-tubaire, bien que théoriquement le corps jaune doit paraître solidaire du reste de l’ovaire. Enfin, la vacuité de la cavité utérine peut correspondre à une fausse couche spontanée dont l’expulsion complète a eu lieu.  

Le véritable progrès diagnostique est représenté par l’étude de l’association bêta-hCG et échographie. Ces deux examens doivent être considérés comme les deux parties d’un même examen dont la lecture et l’interprétation doivent être globales et comparées à la clinique. Les éléments qui doivent faire fortement évoquer le diagnostic sont en effet :

    -l’association d’un utérus vide d’écho avec un taux de bêta-hCG supérieur à 1 000 UI ;

    -par contre un taux de bêta-hCG faible, inférieur à 1 000 UI ne permet pas de faire la différence avec une fausse couche ou une grossesse au tout début non encore visible en échographie. C’est alors l’épreuve du temps avec une évolution particulière des bêta-hCG, inférieure à la normale, et l’absence d’apparition du sac ovulaire à l’échographie qui emporteront la conviction. Il faut renouveler le dosage au bout de 48 heures, ce qui correspond au temps moyen de doublement de l’hormone jusqu’à 10 semaines de  grossesse.

De nos jours la coelioscopie n’a plus d’intérêt diagnostic, sauf cas particuliers, car le diagnostic est généralement fait par les examens précédents, pourvu que l’on pense à les demander!

B-Variantes cliniques

Elles sont innombrables et font que le diagnostic est parfois porté tardivement.

— Formes incomplètes : chacun des symptômes décrits ci-dessus peut manquer et aucun n’est caractéristique. Le plus important est simplement de penser à la possibilité d’un tel diagnostic devant n’importe lequel de ces troubles.

— Formes pseudo-abortives : l’examen anatomo-pathologique du produit d’aspiration  prend alors tout son intérêt révélant l’absence de villosités.

— Formes pseudo-salpingiennes : mais la cœlioscopie y est indiquée et redressera le diagnostic.

— Formes pseudo-appendiculaires.

— Formes spontanément résolutives. Lorsque les bêta-hCG sont inférieurs à 300 UI, l’abstention thérapeutique est licite, la cœlioscopie pouvant être évitée, à la condition d’être en mesure de surveiller régulièrement les bêta-hCG jusqu’à leur négativation complète.

Le problème est donc d’y penser. Et en gynécologie, il est classique de répéter l’aphorisme de Henri Mondor: « la grossesse extra-utérine, y penser toujours, c’est ne pas y penser assez »  car, bien qu’avec les moyens actuels de finesse des dosage et de performance des échographes, le simple fait  «d’y penser» amène en général au diagnostic il arrive encore parfois de passer à côté du diagnostic.

— Toute différente est l’hémorragie cataclysmique par rupture d’une grossesse tubaire qui provoque une inondation péritonéale et réalise une urgence des plus impérieuses qui est alors évidente et indique une intervention chirurgicale en urgence.

Le traitement

La grossesse extra-utérine peut être, on l’a vu, une urgence chirurgicale et l’intervention s’impose souvent dès que le diagnostic est posé. Elle est réalisée en général par coelioscopie. En cas de rupture avec état de choc, une réanimation dont l’importance est fonction de celle de l’hémorragie doit immédiatement précéder l’intervention. Une transfusion de sang iso-groupe iso-rhésus est nécessaire dans les cas graves.

Il faudra, chez les femmes rhésus négatif, assurer dans les 24 heures l’injection d’immunoglobulines anti-D pour éviter une immunisation dans le système rhésus.  

Il est enfin utile de réaliser systématiquement des prélèvements bactériologiques avec recherches de chlamydiae et de mycoplasmes compte-tenu de la fréquence des étiologies infectieuses. Un traitement antibiotique par cyclines devrait être systématique. Un traitement corticoïde complémentaire peut prévenir la  formation d’adhérences.

L’intervention peut être soit radicale, c’est la salpingectomie, soit conservatrice.

-La salpingectomie c’est-àdire l’ablation de la trompe

Elle est nécessaire si la trompe est trop abimée, éclatée. Cela se décide souvent pendant l’opération, au vu de la situation, et c’est le chirurgien qui prend la décision.

Les interventions conservatrices

Elles exposent théoriquement à un risque de récidive plus élevé qu’en cas de traitement radical. En fait, il semble que le risque de récidive existe surtout chez les patientes ayant des facteurs de risque de GEU avec généralement des antécédents de stérilité.

Le choix entre les deux méthodes va dépendre de l’état de la trompe (surtout), de l’âge de la femme, de l’état de la trompe opposée, du désir ultérieur de grossesse, et de l’opinion de la femme.

Le traitement conservateur est indiqué dans les petites GEU, lorsque la trompe utérine n’est pas trop abîmée et lorsque le geste est réalisable chirurgicalement. L’âge de la patiente et son désir de grossesse interviennent dans le choix du traitement : chez une femme jeune, n’ayant pas d’enfants, tout est fait afin de conserver les trompes utérines.

Un traitement conservateur nécessite une surveillance étroite de la douleur et du taux des β-HCG plasmatiques, à commencer 48 heures après l’intervention, jusqu’à négativation. La persistance de cellules trophoblastiques dans la trompe conservée peut provoquer la réascension du taux des β-HCG plasmatiques et justifier alors un traitement médical par Methotrexate ou une deuxième intervention chirurgicale.

Après la grossesse extra-utérine on recommande:

   -une ontraception orale pendant 2 à 3 mois après la négativation des β-HCG plasmatiques pour les femmes qui désirent une autre grossesse. 

  -Les rapports sexuels sont déconseillés pendant la période de surveillance car ils risquent de provoquer la rupture de la GEU.

Dans certains cas le traitement peut ne pas être chirurgical :

— soit par abstention thérapeutique complète si les bêta-hCG sont inférieurs à 300 UI, à la condition de les surveiller jusqu’à négativation complète ;

—  soit grâce à l’administration  de Methotrexate ® qui peut permettre de provoquer la disparition de la grossesse mais qui n’est applicable que dans des cas bien particuliers.

Information sur le traitement médical de la grossesse extra-utérine par Methotrexate ®

Madame,

Votre gynécologue  vient de faire le diagnostic de grossesse extra-utérine.

Il s’agit d’une grossesse dont la position est anormale, généralement dans l’une des trompes. Cette anomalie comporte un risque d’hémorragie par le vagin, mais surtout dans votre abdomen. Ce risque hémorragique a fait qu’il est devenu une règle médicale de  poser dans ces cas une indication opératoire urgente, généralement par laparoscopie, afin de réaliser soit une ablation de la trompe, soit une incision de la trompe permettant l’ablation de la grossesse tout en conservant la trompe.

Or depuis ces dernières années une alternative médicale s’est développée.  Ce traitement médical qui permet d’éviter une opération repose sur un médicament, le Methotrexate ®. Cependant, ce traitement n’est pas indiqué dans tous les cas et c’est votre gynécologue qui seul pourra vous proposer ce traitement dans les cas où il est possible. Dans tous les autres cas, la chirurgie sera obligatoire.

Vous aurez donc, dans certains cas, la possibilité de choisir entre le traitement médical et le traitement chirurgical.

Le Methotrexate ® est un médicament cytostatique connu depuis longtemps qui détruit les cellules placentaires qui sont des cellules jeunes en multiplication rapide.  Il n’a aucun effet néfaste sur l’appareil génital, ni sur la fertilité ultérieure.

Le protocole de traitement et de surveillance

Après un bilan sanguin préalable, une injection intramusculaire de Methotrexate ® vous est administrée (1mg/Kg). Vous pouvez repartir chez vous, il n’y a pas d’hospitalisation.

Il y a ensuite une surveillance à laquelle vous avez l’obligation de vous soumettre. Elle repose sur le dosage des bêta-hCG aux 4ème et 7èmes jours après l’injection.  A J7, le taux doit baisser de 15% par rapport à J4 ; si non, une deuxième injection est réalisée (suivie d’un nouveau dosage 4 jours après).

Ensuite un dosage de  bêta-hCG devra être fait une fois par semaine jusqu’à négativation complète. Cette surveillance peut durer quelques semaines (4 à 6 en moyenne). Il vous faudra donc faire preuve de patience. Un contrôle échographique et clinique en consultation sera fait toutes les semaines. Si une deuxième injection a été nécessaire,  nous réaliserons un contrôle sanguin des transaminases et créatinine.

Certains effets secondaires peuvent apparaître  comme les stomatites, les nausées et les diarrhées. Ils apparaissent essentiellement en cas de 2ème injection. Ces effets sont transitoires et spontanément réversibles. Il faut aussi savoir que des douleurs pelviennes sont fréquentes  dans la semaine qui suit l’injection.  Elles correspondent à la destruction de tissus placentaire à l’intérieur de la trompe, mais elles posent le délicat problème d’un éventuel début de rupture de la trompe. 

Si tout se passe normalement vous pourrez ainsi éviter une opération. Par contre vous devez savoir qu’il peut arriver à tout moment, soit que le taux d’hCG se remette à monter, soit que des signes d’hémorragie abdominale apparaissent, et une intervention coelioscopique pourra alors être décidée.