Le double don de gamètes

Le double don (DD) deg amètes est untraitement de PMA où les embryons proviennent de deux dons de gamètes, et l’embryon est généré de manière à être transféré à une patiente spécifique. Ils’agit d’un traitement efficace en cas d’infertilité durable qui a augmenté au cours des10dernières années, dû à l’augmentation de l’âge des femmes ayant accès à la PMA et à l’augmentation du nombre de femmes célibataires et de couples lesbiens traités contre l’insuffisance ovarienne. Le double don de gamètes est un exemple de traitement relativement nouveau, qui a permis à des centaines de femmes de devenir mères au cours des dernières années. 

Définition du double don de gamètes

Il s’agit d’obtenir un ou des embryons à partir d’un don d’ovocytes ET d’un don de sperme. L’embryon obtenu est transféré à une patiente spécifique ayant besoin de ce traitement. Cette méthode est bien évidemment différente du don d’embryons qui proviennent en général des gamètes de couples infertiles voire du don de l’un des gamètes.

En France, le double don n’est pas autorisé et, à défaut, ces couples se voient proposer un accueil d’embryon.

Indications du double don

– l’absence de partenaire masculin associée au besoin de don d’ovocyte, par exemple à cause d’une insuffisance ovarienne précoce ou d’une contre- indication médicale liée à l’utilisation des propres ovocytes (maladies géné-tiques telles que le syndrome de Turner ou le syndrome de l’X fragile) ; 

– déficit masculin sévère (azoospermie liée à une chimiothérapie) ou une contre-indication liée à l’utilisation des propres spermatozoïdes (maladies génétiques telles que la dystrophie de Duchenne ou fibrose kystique) ; 

– infertilité idiopathique après plu-sieurs cycles de FIV infructueux avec les propres gamètes des patients. Dans ces cas, habituellement, le DD est réalisé s’il y a une modification séquentielle de l’un ou des deux gamètes du couple. 

PROTOCOLES

Pour les donneuses

La stimulation des donneuses dans le cadre d’un DO se doit d’être sûre, satisfaisante et simple. Nous décrivons ici la technique de la clinique Eugin de barcelone.

• Les donneuses ont en pratique entre 18 et 35 ans.

• Avant toute tentative, elles sont évaluées par différents professionnels de santé.

• Une analyse exhaustive de leurs antécédents personnels et familiaux est requise.

• Elles se soumettent, entre autres, à un dépistage des maladies infectieuses et à une étude génétique, afin de limiter tout risque de transmission à la descendance.

• Le suivi des enfants issus de don est ensuite de la responsabilité de chaque centre.

Le protocole de stimulation ovarienne des donneuses est, dans la grande majorité des cas, de type de antagoniste avec un déclenchement par agoniste afin de limiter au maximum le risque d’hyperstimulation. L’objectif de la stimulation est d’obtenir un nombre suffisant d’ovocytes pour donner le maximum de chances de grossesse à la patiente receveuse, sans prendre de risque pour la donneuse. Par ailleurs, il a été prouvé que ce type de traitement permet de diminuer le nombre total d’injections tout en obtenant d’excellents résultats.

Le risque de complications pour la donneuse est de 0,35 %. Indépendamment de la compensation du préjudice inhérent à la donation, la donneuse en tire un réel bénéfice secondaire : elle a un accès immédiat à un médecin gynécologue ; elle profite d’une consultation de spécialiste, gratuite, de prévention et de dépistage (IST, frottis, vaccination),ainsi que d’information sur son état de santé général, son risque de transmission d’affections génétiques, ainsi que de conseils sur sa sexualité, sa fertilité et sa contraception.

Pour les receveuses

Les indications du don d’ovocytes sont variables. Dans un tiers des cas, il s’explique par l’âge avancé de la patiente. Les échecs de fécondation in vitro et les mauvaises réponses occupent un autre tiers des indications. L’insuffisance ovarienne prématurée, les fausses couches à répétition, les causes génétiques et l’endométriose représentent les autres raisons du recours au DO.

De manière intéressante, on observe que, quelle qu’en soit l’indication, les chances de grossesse sont similaires, ce qui renforce le rôle prépondérant de la qualité de l’ovocyte jeune dans le succès de l’AMP. Considérant l’activité de la clinique Eugin dans ses dix premières années d’existence, entre 2000 et 2010, 12 529 transferts ont été réalisés, avec en moyenne 2 embryons par transfert, soit exactement 24728 embryons transférés.

Le taux de bêta-hCG est positif dans 60 % des cas, avec un taux de grossesses cliniques de 40 % et un taux d’accouchements de 37,3 %. Il faut environ 4 embryons pour un enfant. D’après la loi espagnole, le DO peut être proposé jusqu’à un âge « adéquat ». Compte tenu de l’augmentation des risques obstétricaux avec l’âge, la plupart des centres espagnols le pratiquent jusqu’à 50 ans, si l’état de santé de la patiente le permet, bien sûr, avec des examens complémentaires, notamment cardiovasculaires, à l’appui.

La préparation endométriale pour la patiente est très simple et apparentée à un traitement hormonal substitutif ou à un transfert d’embryons congelés. Afin d’augmenter la durée de la fenêtre d’implantation et de faciliter l’organisation des patientes, un blocage du cycle précédent par agoniste retard peut être proposé. Il a alors été démontré que les chances de grossesse restent identiques jusqu’à 7-8 semaines de préparation estrogénique. Le traitement peut être administré par voie orale ou transdermique. Il semblerait que les résultats soient très sensiblement meilleurs si l’on utilise une posologie d’emblée élevée sans modification de dose. Sans que nos résultats soient significatifs, cette tendance nous permet en tout cas de proposer un traitement très simple avec une meilleure observance.

Modèle espagnol de l’attribution des donneuses

D’après la loi en vigueur en Espagne, il faut faciliter l’intégration de l’enfant à naître. La donneuse est donc choisie selon les strictes caractéristiques phénotypiques, voire immunologiques, de la receveuse. Dans certaines circonstances spécifiques, des recherches plus exhaustives, notamment génétiques, peuvent être réalisées chez la donneuse. C’est le cas, par exemple, quand le conjoint de la patiente se sait porteur d’un gène de maladie récessive. Une donneuse non transmettrice est alors attribuée au couple pour éviter tout risque à la descendance. La gestion d’un programme de don dans un centre qui réalise des milliers de cycles par an nécessite une organisation rigoureuse. Il existe, en pratique, trois façons de procéder à l’appariement.

• Dans l’exemple précédent, où une donneuse est spécifiquement choisie pour une receveuse, l’appariement est dit « synchrone », c’est-à-dire que donneuse et receveuse font leur traitement respectif de manière simultanée afin d’être prêtes en même temps. Cette méthode présente un inconvénient non négligeable en cas d’annulation : le cycle de la patiente receveuse est tributaire du succès de la ponction de cette donneuse. De la même manière, l’annulation inopinée du cycle par la receveuse contraint la donneuse à une stimulation pour rien.

• Pour éviter l’interdépendance de la donneuse et de la receveuse, on procède, hors cas particulier, à un appariement dit « semi-synchrone » : plusieurs donneuses présentent les mêmes caractéristiques physiques que les receveuses, toutes sont stimulées en même temps, ce qui permet de parer les préjudices respectifs en cas d’annulations. Bien évidemment, ce type d’appariement n’est possible qu’en cas de programme de don sans pénurie de donneuses.

Enfin, ce problème d’interdépendance temporelle des donneuses et des receveuses ne devrait bientôt plus exister, grâce à la vitrification ovocytaire. Le cycle de la donneuse peut être réalisé à tout moment, ses ovocytes étant congelés et conservés dans d’excellentes conditions de préservation jusqu’à utilisation ultérieure. Il semble logique de constituer à partir de maintenant des banques d’ovocytes comme il existe déjà des banques de sperme.

Cas particulier du double don

Les circonstances du double don de gamètes (sperme et ovocytes) associent finalement les indications du don d’ovocytes (insuffisance ovarienne prématurée ou non, échec de FIV, causes génétiques) à celles du don de sperme. Le DD est une solution qui offre les chances de succès d’un transfert d’embryons frais et non congelés, créés par ailleurs selon les caractéristiques physiques de chacun de membres du couple. Dans les pays autorisant le don de sperme aux femmes seules ou en couple homosexuel, le DD est aussi une alternative en cas d’indication de DO. La littérature médicale est quasi inexistante sur le sujet et sa pratique est, si ce n’est fréquente, à tout le moins courante. Les DD réalisés à la clinique Eugin entre janvier 2001 et août 2010 : 1 139 cycles ont été dénombrés. Ce type de traitement bénéficie :

–  dans 50 % des cas aux femmes seules ;

–  dans 40 % des cas aux couples hétérosexuels ; dans moins de 10 % des cas aux couples homosexuels. Le tableau reprend les résultats de la population. Les patientes ont en moyenne 42 ans. Les femmes seules sont significativement plus âgées que celles en couple (homo ou hétérosexuel).

Les couples hétérosexuels ont une plus longue durée d’infertilité préalable, en moyenne de 5 ans contre 2 ans chez la femme seule ou avec une conjointe. Logiquement, plus de 4 couples hétérosexuels sur 5 ont déjà eu recours à des traitements d’AMP. Dans 80 % des cas, 2embryons ont été transférés. Sur les 1 139 cycles réalisés, 100 ont été perdus de vue. Le taux de grossesses évolutives est de 50 % et celui d’accouchements au-delà de 37 se maines d’aménorrhée de 40 %, et ce, quelle que soit la situation de couple de la patiente.

Plus de 400 femmes ont ainsi pu réaliser leur projet parental. Un quart d’entre elles ont accouché par césarienne. Le taux de grossesses gémellaires était de 20 % dans le groupe de femmes seules et de 30 % chez les femmes en couple. Pour conclure, en 10 ans, plus d’un millier de patientes ont bénéficié d’un double don de gamètes. Il s’agit d’une démarche de couple dans 90 % des cas. Les résultats en termes de grossesse sont équivalents à ceux du don d’ovocytes. Il reste à évaluer le bien-être de ces enfants, mais cette technique est sûre et efficace.

Résultats du double don

L’âge de la maternité reculant, le DD est pour de nombreuses femmes célibataires et homosexuelles la seule option pour devenir mères. Et pour certains couples hétérosexuels, c’est le traitement de PMA le plus adapté. Pour la clinique Eugin de Barcelone, sur plus de 1100 cycles de DD ont été obtenus  un taux moyen de grossesse de 60 % et un taux de femmes rentrant chez elles avec un bébé de 40 %. Le taux de grossesse semble indépendant des cas de DD et de l’historique d’infertilité. Les résultats en termes de grossesse sont équivalents à ceux du don d’ovocytes. Il reste à évaluer le bien-être de ces enfants, mais cette technique est sûre et efficace.

Aspects éthiques

L’accès au DD nourrit le débat éthique, en particulier lorsque l’on est confronté à la possibilité de transférer un embryon donné par un couple après qu’il soit arrivé au bout de son parcours procréatif. Le DD implique, pour la donneuse d’ovocytes, une stimulation ovarienne et un prélèvement d’ovocytes, qui pourraient être évités par l’utilisation de dons d’embryons exis- tants. En outre, le nombre d’embryons cryopréservés augmente dans le monde entier [9], et les questions éthiques, religieuses, et médicales entourant le stockage des embryons font l’objet d’un débat justifié. Si l’embryon donné provient d’un couple qui répond aux critères de donneurs d’ovocytes et de sperme, alors donner une destination à cet embryon déjà créé semble une bonne option. 

Cependant, le DD présente deux avantages majeurs : d’un côté, les donneurs de gamètes sont sélectionnés spécifiquement pour le couple receveur, et la similitude spécifique du phénotype peut faciliter l’acceptation de l’enfant au sein de son environnement social. Ce qui compte peut-être encore plus, c’est que les donneurs de gamètes sont, dans la plupart des pays, jeunes et fertiles. 

Selon les lois en vigueur dans chaque pays, il se peut que les patients à partir desquels l’embryon donné est généré répondent aux critères requis pour être donneurs de gamètes. Cependant, dans de nombreux cas, l’origine de l’infertilité n’est pas clairement identifiée, et l’embryon donné peut être porteur des problèmes des parents. De plus, on ne sait toujours pas avec certitude si certaines des complications obstétricales ou périnatales potentielles observées chez les patients de FIV sont dues à la procédure de la FIV en elle-même ou à l’infertilité sous-jacente des patients. Dans de nombreux pays, aucune loi particulière n’encadre l’âge du couple donnant les embryons. Ces couples ont alors tendance à être plus âgés que les donneurs de gamètes, ce qui augmente le risque d’altérations chromosomiques de l’embryon .

Les changements sociodémographiques et en matière de comportement reproductif au sein des populations dévelop- pées, ainsi que le manque d’alternatives convenables à une plus large échelle, laissent à penser que les traitements par double don vont augmenter au cours des prochaines années.