La PMA Chez les couples sérodifférents

Le problème des couples sérodifférents pour le VHC ou le VIH et demandant l’aide de la médecine est une question parfois difficile. Il faut savoir qu’il existe des différences fondamentales entre ces deux maladies virales, différences liées à la gravité de la maladie ainsi qu’au risque de transmission intraconjugale et à l’enfant à naître. 

On considère aujourd’hui que l’on peut accepter en AMP les couples chez lesquels l’un des 2 membres est virémique pour le VHC mais qu’en ce qui concerne le VIH, seuls les hommes virémiques peuvent être acceptés, les risques pour l’enfant à naître étant pour l’instant trop élevé lorsque la femme est infectée. 

Trois techniques permettent de prendre ces couples en charge en AMP, soit pour remédier à leur infertilité, soit pour diminuer les risques de contamination intraconjugale :

    -l’insémination intra-utérine 

    -la fécondation in vitro (FIV) 

    -la microinjection d’un spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI) 

La problématique de la prise en charge de ces couples au laboratoire d’AMP comprend le risque de manipulation de produits biologiques infectés (risques pour le personnel et les autres patientes) et la nécessité de diminuer (si possible annuler) la charge virale de ces produits biologiques avant leur utilisation. Pour ce qui concerne le premier point , la rédaction d’un protocole extrêmement précis pour la manipulation de ces fluides contaminés au laboratoire est indispensable. 

En bref, les mesures générales comprennent la protection du personnel (port de gants, lunettes et masque, éviter l’utilisation d’objets piquants ou tranchants, travailler sous hotte à flux laminaire horizontal…) ainsi que la protection des gamètes et embryons de couples indemnes en cours de traitement au laboratoire pendant la même période (dissociation des prélèvements dans le temps, ne traiter qu’un patient à la fois, utiliser si possible une étuve indépendante…). 

Pour ce qui concerne la manipulation des liquides biologiques, gamètes ou embryons potentiellement infectés : traiter les prélèvements un par un, désinfecter les surfaces et appareils selon des protocoles spécifiques appropriés, éviter les liquides folliculaires sanglants, effectuer des rinçages multiples, travailler si possible sous huile, congeler en paillettes haute sécurité, etc. Ces précautions spécifiques s’ajoutent aux précautions universelles de sécurité devant être respectées dans tout laboratoire d’AMP, car tout patient doit être considéré comme porteur potentiel d’une affection virale asymptomatique. 

Dans le cas de l’insémination intra-utérine, seul le sperme est préparé au laboratoire. 

Ainsi, dans le cas du VHC, lorsque la femme est virémique, le sperme est normal et la réalisation de l’insémination ne pose aucun problème technique. Lorsque l’homme est virémique, le sperme peut être infecté et doit donc être préparé avant l’AMP. La préparation du sperme en vue de diminuer la charge virale comprend une centrifugation sur gradient de densité suivie d’une migration ascendante. 

Habituellement, l’une ou l’autre de ces techniques est utilisée pour la préparation du sperme en vue de sélectionner les spermatozoïdes les plus mobiles, éliminant ainsi les spermatozoïdes morts, les cellules rondes, les débris, les bactéries, etc.

Dans la centrifugation sur gradient de densité, les spermatozoïdes sont centrifugés dans une solution comprenant plusieurs concentrations de silice colloïdale; les spermatozoïdes lavés sont recueillis au fond du tube. Puis cette suspension de spermatozoïdes est déposée au fond d’un tube dans lequel est ajouté du milieu de culture. 

Les spermatozoïdes mobiles colonisent alors le milieu de culture par migration ascendante et ceux parvenus dans la couche supérieure seront utilisés pour l’AMP. Ces 2 techniques , appliquées dans cet ordre conduisent à une diminution de la charge virale du sperme qui devient inférieure à 200 copies (seuil de détection) dans plus de 90% des échantillons testés. Dans le cadre de l’IIU, l’insémination est réalisée avec 1 à 10 millions de spermatozoïdes lavés.

Dans le cas de la FIV, liquide folliculaire et sperme sont traités au laboratoire. Si la femme est virémique pour le VHC, le liquide folliculaire (le plus souvent sanglant) est infecté. Aujourd’hui, aucune étude ne permet de montrer que les ovocytes et les cellules folliculaires qui les entourent peuvent être débarrassés du virus. Il est vraisemblable cependant que la décoronisation (retrait enzymatique des cellules péri-ovocytaires) et des lavages successifs dans du milieu de culture pourraient diminuer considérablement le risque viral. 

Par ailleurs, le sérum de la patiente ne doit pas être utilisé comme additif au milieu de culture ou de congélation embryonnaire ; il est recommandé d’utiliser dans ce cas des substituts de sérum commercialisés. Si l’homme est virémique, le sperme est préparé comme précédemment. L’insémination est réalisée in vitro avec environ 60 000 spermatozoïdes / ml. L’insémination en microgouttes (50µl) permet de réduire à environ 5000 le nombre de spermatozoïdes en contact avec l’ovocyte.

Dans le cas de l’ICSI, un seul spermatozoïde est injecté dans l’ovocyte et il n’y a aucun contact entre les spermatozoïdes potentiellement infectés et le tractus génital féminin. C’est donc à priori la technique de choix. Cependant, si la présence de virus dans le spermatozoïde est conflictuelle, les risques liés au fait que des virus peuvent être collés sur le spermatozoïde et pénétrer dans l’ovocyte au moment de l’injection n’a pas encore été évalué. D’après P. Jouannet, le risque d’infection des embryons n’est que de 1/200 000 après préparation des spermatozoïdes et contrôle viral.

Dans tous les cas, l’AMP n’est réalisée que lorsque la charge virale est inférieure à un seuil variable selon les équipes : 800 copies pour l’équipe italienne ( Semprini et coll, 1992) ou 200 copies pour les équipes espagnoles (Marina et coll, 1998 ; Coll et coll, 1999). L’absence de contamination des conjointes sur plus de 2000 cycles d’IIU, de FIV ou d’ICSI montre, soit que le sperme est complètement débarrassé du virus, soit que l’inoculum est trop faible pour être infectant.

Le cas du VHC

On estime que 600 000 personnes sont porteuses du virus en France, avec une prévalence de 1% dans la population générale, soit 2% parmi les couples. Trois grands modes de contamination sont connus : la transmission sanguine (aujourd’hui interrompue), la toxicomanie et la transmission nosocomiale. La transmission sexuelle semble extrêmement faible, inférieure à 3%. Comme pour le reste de la population, 15% de ces couples sont stériles, et ont besoin de l’AMP pour procréer. 

Deux études françaises récentes montrent la présence de virus dans le sperme et celui-ci doit être manipulé au laboratoire de FIV avec les plus grandes précautions. Après préparation, l’AMP peut être réalisée avec un risque minimal , voire nul d’infection. 

Le cas du VIH

Dès 1989, Semprini proposait de réaliser des inséminations intraconjugales avec le sperme préparé par lavage, centrifugations successives et migration ascendante afin de diminuer la charge virale spermatique et par voie de conséquence, les risques d’infection. La suspension de spermatozoïdes était testée par PCR à la recherche d’ ARN viral avec une sensibilité de 800 copies/ml. Seuls les spermes préparés négatifs en PCR étaient utilisés pour l’insémination. 

Les couples étaient informés du risque résiduel lié à la sensibilité de la technique. Il est important de signaler que les seules alternatives à l’AMP pour ces couples sont le don de sperme et les rapports programmés. Sur les 103 grossesses rapportées après rapports programmés, 17 sont survenues après un seul rapport sexuel, aucune contamination n’est survenue au décours du rapport fécondant, mais 2 contaminations ont eu lieu en fin de grossesse et 2 autres après l’accouchement chez des couples qui n’utilisaient pas régulièrement le préservatif. 

Dans l’ensemble, très peu de centres prennent en charge l’AMP pour les couples sérodifférents pour le VIH. Les laboratoires devraient répondre à des normes de locaux et d’équipement spécifiques pour cette activité (hotte à flux laminaire vertical, cuve d’azote liquide indépendante…). Le personnel devrait avoir bénéficié d’une formation spécifique.

Des techniques permettent actuellement de détecter la présence du VIH dans les différentes fractions du sperme avec une excellente sensibilité (moins de 5 copies pour 4 millions de spermatozoïdes mobiles après sélection). La technique d’AMP mise en œuvre est l’ICSI et l’IAC. 

Le suivi psychologique des couples avant, pendant et après ne doit pas être négligé.

Il est donc possible aujourd’hui pour ces couples sérodifférents de procréer avec un risque minime de contamination pour la conjointe et pour l’enfant à naître et c’est du devoir des équipes médicales de les informer de ces possibilités et de les aider dans leur démarche.