Histoire et évolution du forceps

Les forceps sont des instruments de préhension,  de flexion et de traction de la tête fœtale. Ils sont métalliques, semblables à deux grandes cuillères que l’on applique comme une pince sur la tête fœtale. Ils sont constitués de deux branches que l’on articule. Ils comportent une courbure céphalique et une courbure pelvienne. Leur découverte et leur évolution jusqu’à nos jours est particulièrement intéressante à considérer.

L’extraction de fœtus par les voies naturelles à l’aide d’instruments métalliques est très ancienne mais ne se pratiquait que sur des fœtus morts et pendant très longtemps, pareille opération resta incompatible avec la survie de l’enfant, que l’on considérait comme inévitablement voué à la mort, quand on devait employer  un tel outillage. Il est possible que les praticiens de l’Antiquité égyptienne savaient peut-être se servir d’une pince, introduite dans les voies génitales féminines pour aider à la naissance des enfants. A l’époque romaine, le même type de pratique existait peut-être : un bas-relief a été exhumé dans les environs de Rome au début du siècle et décrit et authentifié par Baglioni en 1937. Il montre une scène d’accouchement dans laquelle un enfant vivant paraît avoir été extrait d’une femme vivante par l’usage d’un instrument que tient encore en main l’officiant et qui ressemble fortement à un forceps à branches croisées avec une courbure céphalique marquée. Toutefois la preuve de l’authenticité de ce bas-relief n’a jamais été apportée. 

La question est surtout de savoir si ces instruments antiques disposaient de la caractéristique principale du forceps « moderne » : la possibilité d’une articulation extemporanée après introduction des cuillères dans les voies génitales féminines, l’une après l’autre. Il semble que cette innovation soit due à une famille d’origine française, la famille Chamberlain, anglicisé par la suite en Chamberlen. 

I-La fulgurante ascension de la famille Chamberlen

    A-Peter Chamberlen (au départ Pierre), connu plus tard sous le nom de « l’aîné », est né à Paris en 1560,  premier fils d’un chirurgien huguenot, William Chamberlen et de son épouse Geneviève Vignon. Forcée de fuir à cause de la persécution religieuse, la famille atteignit Southampton en 1569 où un second fils, également nommé Peter, naquit en 1572 (on rappelle qu’henri IV a signé l’Edit de Nantes en 1598). Les deux fils suivirent la profession de leur père, devenant des chirurgiens barbiers et des praticiens bien connus dans l’art des accouchements.

Peter l’aîné déménagea à Londres en 1596 et, signe d’une certaine réputation,  devint chirurgien et accoucheur de la reine Anne (Anne de Danemark), épouse de Jacques 1er.  Son frère cadet le suivit à Londres en 1600. Tous deux avaient rejoint la Barber Surgeons Company, fondée en 1461 sous le règne d’Edouard IV mais eurent  des ennuis fréquents avec la Société pour des infractions mineures telles que ne pas assister à des conférences. Peter l’aîné est également entré en conflit sérieux avec le College of Physicians pour prescrire des médicaments contraires à la règle du Collège. En 1612, il fut envoyé à la prison de Newgate pour cette infraction et ne fut relâché qu’après l’intercession du lord-maire de Londres et de l’archevêque de Canterbury. En 1620, c’était au tour de Peter le jeune d’être poursuivi par le Collège, mais put se disculper.

En 1616, les deux frères  militairent pour que les sage-femmes soient incorporées au Collège et forment une Société savante. La pétition était adressée à Sir Francis Bacon, membre du Conseil Privé et au roi, qui l’a ensuite référé au Collège des médecins pour avis. Le Collège reconnut « la nécessité d’améliorer la compétence des sages-femmes, qui étaient pour la plupart très ignorantes, mais rejeta la requête en déclarant: « Néanmoins, ils ne pensent ni nécessaire ni convenable qu’elles fassent une Société pour gouverner en eux-mêmes une chose. Le Collège a ajouté que ses membres les plus âgés seraient heureux d’instruire les sages-femmes dans leur art et de conseiller l’évêque sur ce qui devrait être approuvé pour pratiquer la profession de sage-femme. Ils ont également réprimandé Pierre le plus jeune pour avoir «défendu impudemment la cause de ces femmes» et pour avoir laissé entendre que lui, son frère ou tout autre chirurgien obstétricien pouvait en savoir plus sur la profession de sage-femme que les médecins ».

En 1628, Peter, l’ainé, assista la nouvelle reine, Henriette Marie de France (fille de henri IV et sœur de Louis XIII) et qui était l’épouse du roi d’Angleterre Charles 1er a l’occasion d’une fausse couche à Greenwich. Peter l’ainé mourut  en 1631 à l’âge de 71 ans.

    B-Son frère, Peter  le Jeune épousa Sara de Laune, fille d’un pasteur protestant français, dont le frère Gideon de Laune contribua à fonder la Worshipful Society of Apothecaries de Londres. Ils ont eu huit enfants, dont l’un, aussi appelé Peter, est devenu un célèbre médecin accoucheur. Peter le jeune est mort à Londres en 1626 à l’âge de 57 ans et a été enterré à Downe dans le Kent.

    C-Peter, fils de Peter le plus jeune, et connu sous le nom de Dr Peter Chamberlen, est né en 1601. Il a étudié à la Merchant Taylor’s School et est entré en 1615 au Emmanuel College de Cambridge. Des études suivirent aux universités de Heidelberg puis de Padoue où il obtint le grade de docteur en médecine en 1619 à l’âge de 18 ans. Sur la base de ce diplôme, il fut incorporé à Oxford en 1619 et à Cambridge en 1620. En 1629, il fut un membre du Collège des médecins et l’année suivante a assisté à son tour  la reine Henriette Marie pour la naissance du futur roi Charles II. Après la mort de son oncle en 1631, sa nomination comme médecin-accoucheur de la cour fut confirmée en 1632. Dr Peter avait une haute opinion de lui-même et était flamboyant dans sa tenue pour laquelle il fut un jour réprimandé par les autorités du Collège. Il a beaucoup voyagé et parlait la plupart des langues européennes. Sa réputation de praticien devait être considérable, car le tsar de Russie écrivait à Charles Ier pour lui demander s’il pouvait entrer à son service, ce que le roi d’Angleterre refusa. 

Dr Peter a été largement engagé dans la pratique des sage-femmes et a donné des conférences aux chirurgiens-barbiers sur l’anatomie. En 1634, il demanda aussi au roi la permission de créer une corporation des sages-femmes de Londres avec lui-même comme président et examinateur afin que l’ordre puisse être réglé par l’État pour leurs instructions et leur gouvernement. Dans cette entreprise, pourtant si nécessaire, il fut une fois de plus contrarié par le Collège des médecins et par les sages-femmes elles-mêmes qui défendirent leur indépendance en argumentant que le Dr Chamberlen ne pouvait enseigner l’art des accouchements par manque d’expérience car il ne brillait en fait que par l’usage d’instruments extraordinairement violents dans des occasions désespérées.

À l’époque du Commonwealth, Peter se retira à Woodham Mortimer Hall, un domaine qu’il avait acheté à Malden dans l’Essex. Là, il est devenu de plus en plus excentrique, écrivant des brochures sur des sujets religieux, politiques et économiques. Ses projets comprenaient des suggestions pour la création d’une banque publique et la création d’une union des Églises. En 1649, il parvint à obtenir des Lords une ordonnance lui conférant le monopole de la fabrication des bains et des poêles pour la baignoire pendant 14 ans. Une fois de plus, il fut contré par le Collège des médecins et, quand il ne tint pas compte d’une assignation à comparaître au Collège, il en fut destitué en 1649.

Après la restauration de la monarchie, le Dr Peter a rappelé à Charles II qu’il était le seul survivant médecin à Leurs Majestés « avant la mauvaise administration ». En 1661, il a été renommé médecin ordinaire du roi et a eu l’occasion de soigner la reine Catherine (de Bragance).

Dr Peter avait d’abord épousé Jane Myddelton par qui il avait deux filles et 11 fils, dont trois, Hugh, Paul et John tous pratiquaient la profession de sage-femme. Après la mort de Jane, Peter a épousé Ann Harrison par qui il a eu cinq autres enfants. Il mourut en 1683 à l’âge de 82 ans et fut enterré dans le cimetière de Woodham Mortimer.

    D-Le fils aîné du Dr Peter, connu sous le nom de Hugh l’aîné, est né en 1630 et pratiquait également la profession des accouchements, appelée à l’époque profession de sage-femmes, bien qu’il n’y ait aucune trace de l’endroit ou du moment où il a été qualifié comme médecin. On rappelle que l’expression «sage-femme» ne signifie pas qu’il s’agit de femmes et qui seraient  pleines de sagesse, mais de personnes, hommes ou femmes, qui connaissent les problèmes spécifiques des femmes, donc relatifs à la grossesse et l’accouchement (sage venant du latin sapiens signifiant la science, la connaissance).

On dit que Hugh a vécu jusqu’à l’âge de 90 ans, mais aucun détail sur sa mort n’est connu. 

En 1670, Hugh Chamberlen senior, neveu de Peter, l’inventeur de l’instrument, vint à Paris, sans doute suite à quelque revers de fortune,  dans l’intention de vendre son secret et d’en retirer un maximum d’agent (on parle de 10000 écus). La mésaventure qu’il eut avec une malade de Mauriceau, la grande autorité parisienne de ce temps, fut retentissante. « Le 19 août 1670, dit Mauriceau, j’ai vu une petite femme de 38 ans, qui avait le passage tellement étroit et les os qui le fermaient si serrés et proches l’un de l’autre et l’os du croupion si recourbé en dedans, qu’il me fut impossible d’y introduire une main pour l’accoucher. Il survint aussitôt un médecin anglais, nommé Chamberlen, qui était alors à Paris et qui, de père en fils, faisait une profession ordinaire des accouchements en Angleterre, dans la ville de Londres, où il a acquis depuis ce temps-là le suprême degré de réputation. Il était venu à Paris dans l’espérance d’y faire fortune, faisant courir le bruit qu’il avait un secret tout particulier pour les accouchements de cette nature. Ce médecin, voyant cette femme et ayant appris que je n’avais pas trouvé aucune possibilité de l’accoucher, témoigna être étonné de ce que je n’en avais pas pu venir à bout, moi, qu’il disait et assurait être le plus habile homme de cette profession qui fût à Paris; nonobstant quoi, il promit d’abord de l’accoucher très assurément en moins d’un demi quart d’heure, quelque difficulté qu’il pût y trouver. Il se mit aussitôt en besogne et au lieu d’un demi quart d’heure, il travailla durant plus de trois heures entières sans discontinuer que pour reprendre haleine. Mais ayant épuisé inutilement toutes ses forces aussi bien que toute son industrie, et voyant que la pauvre femme était près d’expirer entre ses mains, il fut contraint d’y renoncer et d’avouer qu’il n’était pas possible d’en venir à bout. Cette pauvre femme mourut avec son enfant dans le ventre, vingt-quatre heures après les extrêmes violences qui lui avaient été faites. »

Ayant ainsi échoué, Hugh retourna à Londres avec ses forceps invendus, mais aussi avec une copie d’un ouvrage  récent de Mauriceau intitulée «Observations sur la grossesse et l’accouchement » parue en  en 1668. Il le traduisit et publia en Angleterre en 1672 sous le titre « The Accomplish’t Midwife ». Dans la préface Hugh fait référence au secret de famille: « Mon père, mes frères et moi-même (je ne connais personne d’autre en Europe) ont, par la bénédiction de Dieu et notre travail, obtenu et pratiqué depuis  longtemps un moyen d’accoucher des femmes dans de tels cas (travail dystocique), sans aucun préjudice pour elles ou pour leurs enfants: tous les autres étant obligés faute d’un tel expédient d’utiliser la méthode habituelle en mettant en danger, l’un ou les deux avec des crochets … Je vais maintenant m’excuser de ne pas publier ce secret  qui nous permet d’extraire des enfants sans crochets, car mon père et mes deux frères pratiquant cet art, je ne je ne m’y sent pas autorisé sans leur assentiment ».

Le livre de Mauriceau eut un impact immédiat et durable sur l’obstétrique britannique et a connu de nombreuses éditions au cours des 100 années suivantes. Il a également permis à  Hugh d’atteindre une grande notoriété. L’année suivante, en 1673, il fut nommé médecin ordinaire du roi Charles II et, par la suite, il assista également la femme du roi Jacques II, Marie (Marie Béatrice Éléonore Anne Marguerite Isabelle d’Este), et à la future reine Anne, deuxième fille de Jacques II. En 1685, il fut élu membre de la Royal Society.

Mais dans cette Angleterre instable, le vent allait tourner. Lors des troubles politiques à la suite desquels jacques II dut s’enfuir  d’Angleterre et fut forcé d’abdiquer, Hugh a été accusé par le Collège des médecins de pratiquer la médecine sans autorisation. Il s’enfuit alors en Hollande  où il a passé les cinq années suivantes. Là, à court d’argent, il semble qu’il ait vendu son secret à Amsterdam en 1693 à un obstétricien hollandais renommé de l’époque Roger Van Ronhyusen. Mais le secret est resté secret car, ne voulant sans doute pas qu’un autre puisse briller à sa place, il n’aurait vendu qu’une seule cuiller avec laquelle, bien sûr, on ne peut faire aucune traction ! 

Après s’être interrogé sur le moyen d’utiliser cette cuiller unique, Van Ronhyusen  finit par l’utiliser comme un levier. Et c’’est probablement à la suite de cette escroquerie que l’école obstétricale hollandaise développa l’usage des leviers pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Ce principe du levier à été le modèle de l’utilisation des actuelles spatules de Thierry. Par ailleurs, Van Roonhuyze, insatisfait de l’instrument, l’aurait confié à, Jean Palfyn qui eut l’idée d’associer une seconde cuillère : les « mains de fer » de Palfyn furent présentées à l’Académie Royale des Sciences en France en 1721. Mais cela n’avait rien à voir avec le vrai forceps des Chamberlen.

    E-Hugh le plus jeune, né en 1664, était le fils aîné de Hugh l’aîné et de sa femme Dorothy Brett. Formé au Trinity College de Cambridge, où il obtint son diplôme en 1683, Hugh termina sa formation médicale à Leydon avant de recevoir le grade de docteur en médecine de Cambridge en 1689 à l’âge de 25 ans. Il devint membre du Collège des médecins en 1694 et fut très bien considéré, devenant un Censeur à trois reprises. Il s’est marié trois fois, ayant trois filles par sa première femme. Dans ses dernières années Hugh était en relation intime avec la duchesse de Buckingham (après la mort du duc), et après la mort de Hugh en 1728, le jeune duc a érigé un monument à sa mémoire dans l’abbaye de Westminster.

N’ayant pas d’héritier mâle, il est probable que Hugh le plus jeune ait laissé s’échapper le secret familial au cours des dernières années de sa vie. C’était en effet le point de vue de son jeune contemporain, William Smellie. On a en effet la connaissance de forceps obstétricaux très semblables à ceux des Chamberlen utilés couramment après qu’Edmund Chapman ait rendu public son dessein en 1733 et que la modification de William Gifford ait été publiée en 1734.

    F-Le forceps fit la fortune des Chamberlen

On ne sait pas exactement lequel de ces Peter inventa la fameuse pince obstétricale qui devait rester un secret de famille pendant plus de 100 ans. Il semblerait que ce soit Peter l’ainé, ce qui permit à toute la famille de profiter de l’invention, c’est-à-dire de s’enrichir fortement et d’acquérir une réputation qui les propulsa jusqu’à la famille royale. 

L’instrument attribué à Peter Chamberlen, l’aîné, avait la forme d’une pince (forceps, en anglais, veut dire pince) dont les mors étaient courbés de manière à s’adapter à la tête fœtale. C’est cette courbure céphalique qui caractérise les mors ou cuillers du forceps primitif.
Mais le véritable trait de génie de Chamberlen fut de séparer complètement les deux branches de la pince pour pouvoir les introduire isolément dans lesvoies génitales et les articuler ensuite. C’est en cela que Chamberlen fut vraiment l’inventeur du forceps; car, ainsi qu’on l’a vu plus haut, l’idée d’extraire l’enfant avec des mors métalliques avait germé bien longtemps auparavant.

La trouvaille était en effet efficace, et de ce fait tellement rentable que la famille Chamberlen décida de la garder secrète et de ce fait, les forceps sont restés inconnus pendant plus d’un siècle. Elle leur permit de résoudre des situations obstétricale qui aboutissaient habituellement à la mort de l’enfant  voire de la mère.

Lors des accouchements qu’ils pratiquaient, ils apposaient un long drap sur la mère et interdisaient la présence de tierces personnes  

Les Chamberlen firent tout pour garder leur secret. On les a décrit arrivant au domicile de la femme en couches dans un wagon spécial.  accompagnés d’une énorme boîte en bois ornée de sculptures dorées. Il a toujours fallu deux d’entre eux pour porter la boîte d’instruments pour que tout le monde pense  qu’elle  contenait une machine massive et très compliquée. La femme qui accouchait avait les yeux bandés pour qu’elle ne voit pas  le «secret». Seuls les Chamberlen étaient autorisés à entrer dans la pièce fermée où les parents terrifiés entendaient des bruits particuliers, des cloches et d’autres sons sinistres alors que le «secret» travailait. 

En 1813, les instruments d’obstétrique du Dr Peter Chamberlen, dont cinq paires de forceps, ont été découverts sous le plancher dans le grenier dans son ancienne maison, Woodham Mortimer Hall, où ils avaient été cachés par sa femme Ann à sa mort 130 ans plus tôt. Les lames des forceps étaient en métal, fenestrées et remarquablement bien formées. Vu de profil, chaque lame était droite mais avait une courbe crânienne pour saisir la tête. Les bords des lames étaient arrondis. Et surtout chaque lame était séparée pour permettre une application indépendante. La serrure était un pivot fixe sur une lame qui s’insérait dans un trou de l’autre. Dans une paire il y avait simplement un trou dans chaque serrure à travers lequel une corde pourrait être passée et ensuite enroulée autour des tiges des lames pour les attacher ensemble. Ces instruments sont maintenant en possession du Royal College of Obstetricians and Gynecologists à Londres.

Les instruments obstétriques du Dr Peter Chamberlen retrouvés sous les planchers dans le grenier de Woodham Mortimer Hall en 1813.

II-Les « mains de fer » de Jean Palfyn

Jean Palfyn, né à Courtrai en 1650, était professeur de chirurgie à Gand, et envoya, comme on vient de le voir, en 1721 à l’Académie des sciences de Paris, la description d’un instrument auquel il avait donné le nom de mains de fer. Palfyn n’a certainement pas connu le forceps des Chamberlen.  Il suffit pour s’en convaincre de mettre en regard les deux instruments. Le forceps des Chamberlen est déjà perfectionné ; les branches sont croisées, les cuillers sont fenêtrées. Le forceps de Palfyn est assez primitif, les cuillers sont pleines, les branches sont réunies par un lien.On les  introduisait dans les voies génitales à la manière des branches du forceps mais ces deux pièces restaient parallèles l’une à l’autre au lieu de se croiser ; leur jonction se faisait mal. Les cuillers de Palfyn, étaient pleines ; Mesnard les fit perforer et ce fut le premier forceps à branches parallèles muni de fenêtres.
Mais la vraie différence est que Palfyn n’était pas un escroc et qu’en scientifique honnète il a fait connaître  à tous l’instrument qu’il avait trouvé. Cela a d’ailleurs peut-être contribué  à obliger les derniers Chamberlen  à divulguer leur secret. C’est seulement en 1733 que Chapman donna la description du forceps des Chamberlen.

    III-Le forceps de Levret

Les forceps de Chamberlen et de Palfyn, s’ils possédaient une courbure céphalique, ils n’’étaient pas porteur d’une courbure pelvienne, ce qui limitait leur efficacité. Or, au début du XVIIIe siècle, les curés de campagne disposaient, en France, d’une invention due à Mauriceau : la seringue de Mauriceau qui permettait de baptiser in utero les enfants susceptibles de décéder avant de pouvoir bénéficier, sur terre, du sacrement. Or  cette seringue était courbe, adaptée aux voies génitales féminines permettant d’atteindre ces enfants in utero.  Il semble que le français André Levret (1703-1780) s’en soit inspiré pour donner au forceps, en 1747, sa courbure pelvienne ((dans Observations sur les causes et accidents de plusieurs accouchements laborieux)).  Peu après, en 1751, un anglais . Smellie, préoccupé de saisir la tête élevée au détroit supérieur ou au-dessus de lui, arriva au même résultat que Levret (A Treatise on the theory and practice of midwifery). Cette modification, capitale, permettait de saisir des fœtus bloqués haut dans l’excavation.

Depuis Levret, de nombreux accoucheurs ont modifié le forceps ; les uns cherchèrent à le rendre moins encombrant (forceps démontable de Pajot) ou plus facilement articulable.

Jusqu’en 1877, le forceps le plus communément utilisé fut celui de Levret avec ses longues cuillers. Un certain nombre d’opérateurs se servaient, pour les applications de forceps les plus fréquentes (tête au détroit inférieur), du petit forceps de Pajot.

    IV-Le forceps de Tarnier 

En 1877, Stéphane Etienne Tarnier publie un mémoire, «Description de deux nouveaux forceps» où il souligne les inconvénients du forceps classique (difficulté de tirer dans l’axe du bassin, ne pas laisser à la tête fœtale une mobilité suffisante, ne pas avoir de guide pour la traction de la tête fœtale). Utilisant les expérimentations de ses prédécesseurs et après différents tâtonnements, il fit construire un modèle avec tracteur qui est encore employé par certains.  Ce système particulièrement ingénieux permet enfin d’exercer les tractions sur la tête de l’enfant suivantl’axe de l’excavation pelvienne maternelle, ce qui n’avait jamais été possible antérieurement.

Ce forceps est toujours présent dans les maternités mais est de moins en moins utilsé. Il peut tout faire, y compris ds choses dangereuses et je pense qu’il s’agit d’un trop bon forceps pour le mettre entre toutes les mains

V-Forceps de Demelin et forceps de Suzor

Demelin (1861-1948) a ensuite imaginé un forceps atténuant les effets de la compression sur les parois pelviennes et sur la tête fœtale. Pour cela, Demelin a donné aux cuillers de son forceps une courbure céphalique de grand rayon grâce à laquelle elles ont une zone de contact plus étendue avec la tête. Il a pensé rendre ainsi moins dangereuse la compression qu’elles pourraient exercer sur la tête. Comme un tel forceps risquait de lâcher prise pendant les tractions si les branches étaient divergentes ou même parallèles, Demelin a articulé les branches à leur extrémité manuelle par une traverse plus longue que les grands diamètres pelviens afin d’obtenir un forceps à branches convergentes pour éviter tout risque de dérapage. Plusieurs tailles de Demelin ont été réalisées en fonction de la longueur des manches, le

 N°8 est le forceps de Suzor actuel qui est aujourd’hui l’un des plus utilisés. Il possède des limites, ce qui en fait un instrument moins dangereux que le Tarnier.