Anomalies du squelette

La découverte d’une anomalie des membres ou des extrémités impose la recherche de pathologies associées. Quelle que soit la pathologie des membres dépistée, elle doit faire bénéficier les parents d’un conseil génétique. 

I-Agénésies et hypoplasies

Le taux de détection global des agénésies est de l’ordre de 10 %.

Agénésies transverses

Elles correspondent à l’amputation, totale ou partielle d’un ou plusieurs membres. Les formes distales sont plus volontiers d’origine génétique lorsqu’elles sont bilatérales et sont plus souvent associées à d’autres pathologies quand elles touchent les membres inférieurs plutôt que les membres supérieurs.

L’amélie correspond à l’absence complète d’un ou de plusieurs membres ; unique, elle a plutôt un caractère isolé ; quadruple, elle est plutôt d’origine médicamenteuse ou infectieuse, par exemple par la varicelle survenue avant la fin du premier trimestre de gestation. La choriocentèses pourrait être en cause seulement si elle est réalisée avant la 10e semaine. La maladie des brides amniotiques peut amputer les membres transversalement de façon extrêmement variable. En faveur de cette étiologie, on retient l’œdème des membres atteints et la présence d’un anneau de striction. Il faut penser au Doppler couleur pour évaluer le degré de striction par absence ou diminution du flux vasculaire sous ce niveau.

L’hémimélie correspond à l’absence distale des membres, en dessous du coude ou du genou. Elle peut être partielle ou totale et appartenir à des syndromes comme l’aglossie-adactylie (rétrognathisme, aglossie, hydramnios, amputation de membres à des degrés divers Parmi les agénésies des extrémités celle des mains (acheirie) ou des pieds (apodie), est habituellement isolée.

Les adactylies (absence de doigts et d’orteils) sont d’une grande variété et d’un grand polymorphisme. Isolées ou entrant dans des syndromes divers incluant essentiellement une pathologie buccale. Il existe des formes familiales d’ectrodactylie (absence d’un ou de plusieurs doigts centraux) isolée, de caractère dominant autosomique. Les formes isolées, sans antécédent familial, sont réellement difficiles d’accès à l’échographie.

Les phocomélies sont des agénésies transverses d’un segment moyen ou proximal, préservant la main et le pied. La thalidomide est à l’origine des phocomélies complètes et il existe des formes isolées sporadiques. Ces agénésies peuvent s’inscrire dans quelques syndromes rares et complexes : •

-le syndrome de Roberts, ou pseudo-thalidomide syndrome, associe un retard de croissance constant et sévère, des anomalies cranio-faciales à type de fente labio-maxillaire et de microcéphalie, et des malformations des membres allant de la phocomélie partielle à la tétraphocomélie. Le pronostic est le plus souvent létal en période périnatale. Le retard mental est constant. La transmission est récessive autosomique ; •

-le syndrome de Cornelia de Lange peut comporter des phocomélies et une oligodactylie.

Agénésies longitudinales

Au niveau des membres supérieurs, elles sont soit radiales, soit cubitales. Celles des membres inférieurs sont externes, touchant le péroné, ou internes, touchant le tibia. Dans tous les cas, les agénésies longitudinales sont associées à des anomalies de position des extrémités.

Hypoplasies

Elles sont longitudinales, d’importance et de siège variable, sur un ou plusieurs membres. Elles peuvent intégrer différents syndromes. •

Le CHILD syndrome (acronyme pour Congenital Hemidysplasia Ichtyosis Limb Defect) est une entité exceptionnelle comportant une atteinte unilatérale des extrémités, pouvant aller d’une simple hypoplasie des phalanges jusqu’à l’absence d’un membre, une alopécie et une atteinte cutanée ipsilatérales, un érythème, une hyperkératose. L’atteinte viscérale siège sur les reins sous forme d’une hydronéphrose ou d’une agénésie rénale, ou s’exprime par une cardiopathie. Le sex-ratio, de 19 filles pour 1 garçon, fait suspecter une transmission dominante liée à l’X.

Le syndrome de régression caudale se manifeste à des degrés variables, allant de l’agénésie lombosacrée à la sirénomélie. 

L’hypoplasie fémorale, totale ou partielle, peut être associée à un faciès particulier, petit nez avec hypoplasie des ailes du nez, philtrum long, rétrognathisme et fente palatine. L’aspect de la face est un important élément d’orientation. Un diabète maternel est souvent retrouvé. La majorité des cas sont sporadiques. Il en est de même pour les hypoplasies humérales, de nature strictement isolée. L’hypoplasie fémorale peut aussi être isolée, unilatérale dans 90 % des cas et relativement fréquente (1/800 naissances). Le diagnostic ne sera posé par échographie qu’en cas d’asymétrie évidente de taille des fémurs. Elle résulte d’une anomalie de développement de la partie sous-trochantérienne du fémur entraînant un raccourcissement à des degrés variables de l’extrémité supérieure du fémur.

II-Les membres courts

Si l’atteinte est bilatérale et symétrique, portant sur plusieurs segments de membres, à la fois au niveau des membres supérieurs et des membres inférieurs : les ostéochondrodysplasies ou dysplasies du squelette forment l’essentiel de ce chapitre. L’atteinte est bilatérale et porte sur un seul segment de membre, fémur le plus souvent (et/ou humérus) : les anomalies chromosomiques sont évoquées en priorité. L’atteinte touche l’un ou l’autre segment de membre de façon anarchique, réalisant des asymétries de croissance : il s’agit essentiellement du syndrome de Klippel-Trenaunay.

A-Les chondrodysplasies léthales

1-Nanisme tanatophore

Sa survenue fait suite à une mutation de type dominante et le risque de récurrence serait de 2 %. Il se caractérise par une atteinte rhizomélique sévère avec un tronc de longueur normale, un thorax étroit et en comparaison un abdomen paraissant proéminent responsables de la comparaison classique à la forme d’un bouchon de champagne. L’hydramnios est présent dans 70 % des cas. La macrocéphalie est majeure, le front est proéminent, l’hydrocéphalie est fréquente. La déformation du crâne peut résulter d’une fermeture prématurée des sutures coronales et lambdoïdes ou d’une déformation primitive du cerveau se traduisant secondairement sur la boîte crânienne.

2-Achondrogénèse

La micromélie est extrême, le tronc est court et large, le thorax est petit, la macrocrânie est toujours présente, l’hydramnios et l’anasarque entrent dans le tableau une fois sur deux. La diminution constante de l’échogénicité du rachis et du bassin est pathognomonique de l’affection et la rend accessible au diagnostic prénatal dès le premier trimestre : la colonne est échographiquement « absente ». Outre la sévérité de la micromélie qui permet un diagnostic en fin de premier trimestre, la présence d’une clarté nucale ou d’un hygroma kystique est également très fréquente et représente un signe d’alerte à l’échographie de 12 SA.

3-Ostéogénèse imparfaite de type II et III

Il s’agit d’un désordre du collagène, responsable de la fragilité des os et des fractures répétées. Il produit des formes cliniques très variables, gravissimes et létales ou bien de bon pronostic avec handicap mineur. Les formes tardives, à révélation post-natale, constituent la maladie de Lobstein (ou maladie des « os de verre »), autosomique dominante. Les formes sévères, dépistables in utero, récessives ou sporadiques, sont souvent désignées sous le terme de maladie de Porak et Durante.

L’aspect échographique varie selon le type rencontré : les signes communs sont l’hydramnios, le retard de croissance et l’hypoéchogénicité osseuse surtout classique au niveau du crâne. L’élément majeur d’orientation diagnostique est l’existence d’une micromélie assortie de fractures, de cals et de déformations des os longs mais sans aucune symétrie. Selon la gravité de la forme, le tableau est complété par des anomalies du pôle céphalique : le crâne est transparent, mou, se laissant déformer par l’appui de la sonde, et il peut s’y associer une macrocéphalie ou une hydrocéphalie. Le thorax est petit et étroit, les côtes sont fracturées et présentent des cals.

4-Nanisme campomélique

Cette dysplasie exceptionnelle, est caractérisée principalement par une incurvation marquée (campomélie), concave et en dedans, des os longs. Elle prédomine au niveau des membres inférieurs. Contrairement à l’ostéogénèse imparfaite, la déformation des os longs se fait le plus souvent de façon symétrique. Des pieds bots varus équins sont volontiers associés en raison de la forte incurvation tibiale. Une macrocéphalie avec fente palatine est possible.

5-Hypophosphatasie

Cette rare anomalie du métabolisme (1/100 000 naissances), récessive autosomique, provoque un défaut de la minéralisation osseuse avec déficience des phosphatases alcalines. La très faible minéralisation du squelette est le premier signe d’appel échographique avec un pôle céphalique peu visible et déformable. Les fractures in utero sont possibles. L’hypophosphatasie diffère de l’ostéogénèse imparfaite par la finesse des extrémités osseuses, voire leur inexistence échographique. La micromélie est variable, le thorax est étroit.

B-Les chondrodysplasies non léthales

1-L’achondroplasie

C’est la chondrodysplasie non létale la plus fréquente, sa prévalence est estimée à 1 cas sur 66 000 naissances. La transmission est autosomique dominante, mais le plus souvent, l’affection fait suite à une néo-mutation qui est fortement liée à l’âge du père (dans 80 % des cas, supérieur à 50 ans). Le tableau associe : -un nanisme rhizomélique d’apparition tardive avec cassure de la courbe de croissance fémorale après 26 semaines ce qui contraste avec un pied de longueur normal. Les fémurs sont courbes, leur extrémité est effilée en biseau. Les mains peuvent présenter des anomalies avec brachydactylie ou écart anormal entre le troisième et le quatrième doigts donnant un aspect de « main en trident » ; -une macrocéphalie. Sur une coupe de profil, la face est dysmorphique, massive, avec un front bombant, une ensellure nasale marquée en « coup de hache », des lèvres charnues et une langue souvent en protrusion.

2-Dysplasie thoracique asphyxiante de Jeune

Plus rare, sa transmission est autosomique récessive. La micromélie est modérée, à prédominance proximale avec essentiellement un thorax très étroit. Il peut s’y associer une polydactylie post axiale, une polykystose rénale et un angle iliaque anormalement augmenté retrouvé sur le scanner 3D. Le pronostic dépend de l’hypoplasie pulmonaire qui est associée dans 70 %.

3-Chondrodysplasie ponctuée

Il s’agit d’un groupe hétérogène sur le plan clinique, échographique et radiologique, dont la transmission est complexe et pourrait se faire sur le mode dominant lié à l’X pour le type I non rhizomélique et sur le mode récessif autosomique pour le type II rhizomélique. Son incidence est de 0,9 pour 10 000. La micromélie est à prédominance proximale et souvent asymétrique. L’échographie et la radiographie objectivent la présence de calcifications au voisinage des cartilages de conjugaison. Dans le type I, la dysmorphie faciale (faciès plat et hypoplasie nasale) est fréquente, une cataracte et une pathologie cutanée sont présentes dans 30 % des cas, une cardiopathie et une uropathie sont possibles. Les calcifications touchent aussi le rachis. Dans le type II, plus grave, toutes les anomalies sont plus marquées, les calcifications épargnent le rachis, le retard psychomoteur est sévère. La biopsie de trophoblaste met en évidence un déficit en enzymes peroxysomiales.

C-Les asymétries de croissance

Lorsque la brièveté d’un membre ou d’un segment de membre touche l’un d’eux de façon asymétrique ou anarchique, l’étiologie la plus probable est d’origine vasculaire et entre essentiellement dans deux syndromes :

le syndrome de Klippel-Trenaunay, exceptionnel, caractérisé par la présence d’hémangiomes, unique ou multiples, de localisation extrêmement variable, en regard desquels le membre présente une croissance exagérée ;

-le syndrome de Poland (1/50 000 naissances), caractérisé par un déficit vasculaire sous-clavier avec un territoire anatomique mal irrigué et hypoplasique, réalisant un tableau d’atrophie scapulo-humérale unilatérale.

III-Les anomalies de segmentation

A-Polydactylies

Les polydactylies sont les malformations les plus fréquentes des extrémités. Les formes de loin les plus fréquentes sont les formes isolées, bénignes et minimes, sans autre malformation associée (du membre ou du reste du corps). Ces formes isolées touchent surtout la main. Elles sont aussi beaucoup plus fréquentes chez les enfants noirs et il existe souvent un caractère familial (transmission autosomique surtout). Beaucoup plus rarement, la polydactylie s’inscrit dans un tableau polymalformatif et elle est alors au second plan.

B-Syndactylies

Elles sont fréquentes (1/2 500 naissances) mais de diagnostic difficile. L’attention peut être attirée par le mouvement conjoint des doigts. Plusieurs syndromes polymalformatifs très rares intègrent ce symptôme.

Le syndrome d’Apert, secondaire à une néomutation, s’observerait plus souvent en cas d’âge paternel avancé. Il associe une turricéphalie due à une craniosténose antérieure avec front très haut, fréquemment une fente palatine, une cardiopathie, une hypoplasie pulmonaire, une polykystose rénale. La syndactylie des doigts est constante, sévère et souvent osseuse, réalisant une main en moufle. Le retard mental est constant.

Le syndrome de Fraser, avec un retard mental sévère, une cryptophtalmie, une malformation des organes génitaux externes. La syndactylie est peu importante. Certaines anomalies associées telles qu’une agénésie rénale bilatérale ou une atrésie laryngo-trachéale sont responsables des formes létales.

IV-Malpositions des membres

La malposition se définit par le caractère fixé et persistant de positions anormales, avec mobilisation en bloc de deux segments de membre contigus adoptant une angulation anormale l’un par rapport à l’autre.

A-Pied bot

Il constitue l’anomalie positionnelle la plus fréquente et se définit d’une manière générale par une attitude vicieuse du pied telle qu’il ne repose plus sur le sol par ses points d’appui normaux. Devant un pied-bot, le problème essentiel est de différencier une simple anomalie positionnelle d’une malformation vraie. Trois signes orientent vers un pied-bot malformatif : le talon est déshabité, l’aspect échogène du calcanéum est remplacé par une cupule graisseuse ; la position de la plante qui regarde en dedans et en arrière ; la malrotation du pied reste fixée lors de mouvements du membre inférieur, ce signe n’a de valeur que si la quantité de liquide amniotique est suffisante. Les pieds bots sont le plus souvent isolés mais doivent faire rechercher des problèmes neurologiques en particulier la non-fermeture du tube neural. Les pieds bots bilatéraux doivent aussi faire rechercher des anomalies positionnelles des mains, mains botes ou mains crispées, ou d’autres anomalies associés (cardiaques en particulier) qui peuvent orienter vers une dyschromosomie et notamment une trisomie 18.

B-Main bote

Elle se définit par une attitude vicieuse permanente de la main. Les anomalies positionnelles de la main, qui peuvent être uni ou bilatérales, sont associées à trois types d’hypoplasie ou d’aplasie au niveau de l’avant-bras : celles du rayon radial, les plus fréquentes et les plus souvent intégrées dans un syndrome ; celles du rayon médian ; et celles du rayon cubital, plus rares et habituellement isolées.

Les anomalies du rayon radial intègrent de nombreux syndromes parmi lesquels on peut retenir les suivants : Le syndrome oro-facio-mandibulaire de Franceschetti, des maladies hématologiques (anémie de Fanconi, le TAR syndrome (Thrombocytopénie, Aplasie Radiale), le syndrome d’Holt-Oram, et l’association VACTERL (Vertebral defects, Ano-rectal anomalies, Cardiac malformations, Tracheo-Esophageal fistula, Renal anomaly et Limb radial dysplasia), malformation sporadique entrant parfois dans le cadre d’un diabète gestationnel, peut comporter une atteinte des membres à type d’hypoplasie du pouce, de polydactylie préaxiale ou de syndactylie.

Les anomalies du rayon médian entrent dans le cadre du EEC syndrome (Ectodermal dysplasia, Ectrodactylie, Cleft), autosomique dominant, dont la gravité autorise un diagnostic précoce par embryoscopie.

Les anomalies du rayon cubital sont le plus souvent isolées.

C-Main crispée

La main crispée est une main constamment fermée, avec un pouce « rentré » et un chevauchement caractéristique des deuxième et cinquième doigts sur les troisième et quatrième doigts. Alors que main bote et pied bot, surtout les formes bilatérales, sont des signes d’appel des trisomies 13 et 18 et de triploïdie (voir plus loin au chapitre 16), la main crispée évoque surtout la trisomie 18. V-Syndrome d’immobilisme foetal L’immobilisme secondaire à un oligoamnios est facile à reconnaître, les malformations induites sont positionnelles. L’immobilisme primitif fait coexister un hydramnios et des raideurs articulaires : il s’agit d’une arthrogrypose, soit de caractère isolé, soit entrant dans le cadre d’une association polymalformative létale risquant de récidiver.

VI-Incurvations pathologiques des os longs

L’incurvation des os long entraîne dives courbures des membres ou campomélies. Lorsqu’il n’est pas isolé, ce signe appartient essentiellement aux nanismes.