Thrombopénies et grossesse

I-Définition

La thrombopénie se définit par une  numération plaquettaire inférieure à 150 x 109/L. Il faut savoir  qu’une décroissance modérée du nombre des plaquettes est habituelle au cours de la grossesse.  Une décroissance accentuée de la numération plaquettaire au cours de la grossesse doit donc être considérée comme anormale et conduire à une recherche étiologique au même titre qu’un nombre de plaquettes inférieur à 150 x 109/L. Le diagnostic de thrombopénie devra être confirmé par une numération en sang citraté, ou en sang capillaire recueilli en unopette, afin d’éliminer une fausse thrombopénie par agglutination des plaquettes à l’EDTA. L’examen attentif du frottis sanguin permettra d’éliminer la présence d’agrégats, de déterminer la morphologie des plaquettes et de s’assurer de l’absence d’anomalies morphologiques des cellules circulantes.

La thrombopénie ainsi définie s’observe dans  6 à 12% des grossesses et une thrombopénie < 100 G/l est mise en évidence chez moins de 1% des femmes enceintes.

II-Diagnostic étiologique

A-Thrombopénie gestationnelle 

C’est la plus fréquente représentant 75% des thrombopénies gravidiques. C’est aussi la moins grave. Cette thrombopénie isolée est découverte lors de la grossesse, sans antécédents notables si ce n’est, en cas de multiparité, la notion d’un épisode similaire lors des grossesses précédentes. La thrombopénie est modérée, le nombre de plaquettes étant égal ou supérieur à 70 x 109/L, détectée surtout en fin de grossesse : elle disparaît complètement après l’accouchement. Le retentissement fœtal serait nul. Dans ces conditions, la prise en charge de la grossesse est simple et ne requiert pas de geste particulier, le mode d’accouchement étant choisi en fonction des indications obstétricales. Le mécanisme en serait soit une consommation accrue des plaquettes au niveau du placenta, soit une dépression de la mégacaryocytopoïèse, par analogie au phénomène de rémission partielle observé pendant les grossesses de femmes atteintes de thrombocytémies essentielles. C’est probablement le diagnostic le plus fréquemment invoqué lors des thrombopénies de la grossesse. Mais il peut être difficile à établir avec certitude, en particulier chez les primipares. Chez les primipares, le diagnostic ne peut être établi avec certitude qu’en post-partum, après avoir vérifié le retour à la normale du nombre de plaquettes de la femme et l’absence de thrombopénie néonatale pendant la première semaine de vie, à l’aide d’au moins deux numérations à J0 et de J3 à J5. 

Chez une primipare sans cause connue de thrombopénie, il faudra toujours suspecter une thrombopénie auto-immune chronique modérée et se donner les moyens biologiques de ce diagnostic à distance de l’accouchement.

B-Thrombopénies secondaires à une pathologie de la grossesse 

1-La toxémie gravidique 

Elle complique 5 à 13 % des grossesses. Caractérisée par une hypertension artérielle, une protéinurie, qui sont associées dans les cas d’éclampsie à des convulsions. Le mécanisme invoqué est un défaut du trophoblaste, le rendant incapable d’induire la formation physiologique des artères spiralées, qui aboutit à une ischémie placentaire et à une activation et une lésion des cellules endothéliales. Celle-ci induit à son tour une activation plaquettaire, aboutissant à une destruction plaquettaire accrue par les macrophages et à une thrombopénie. Présente dans 10 à 15 % des cas, cette thrombopénie, en règle modérée, est détectée dès le premier trimestre et peut précéder l’installation des signes cliniques de toxémie et les autres manifestations biologiques d’activation de l’hémostase, telles que la diminution du taux de fibrinogène ou l’augmentation des PDF. Une numération plaquettaire inférieure à 100 x 109/L, des signes de coagulation intravasculaire disséminée sont observés uniquement dans les atteintes sévères]. 

2-Le HELLP syndrome 

Ill complique 9 % des cas de toxémie, sans qu’on en connaisse la pathogénie. Il survient généralement entre la 27e et la 36e semaine de grossesse et associe une anémie hémolytique mécanique], avec présence de schizocytes (Hemolysis), une augmentation du taux des enzymes hépatiques (Elevated Liver enzymes) et une thrombopénie (Low Platelet count) qui peut être sévère (< 50 x 109/L), au premier plan du tableau biologique.  La présence d’une coagulation intravasculaire disséminée est un signe de pronostic défavorable]. Si la plupart des femmes se présentent avec des douleurs épigastriques, des céphalées, l’hypertension artérielle et la protéinurie peuvent manquer. Le diagnostic doit donc être évoqué rapidement sur les données biologiques, car le risque de mortalité maternelle et fœtale est élevé en l’absence de traitement. 

3-Purpura thrombopénique thrombotique (PTT ou syndrome de Moschcowitz), syndrome hémolytique et urémique (SHU) 

Ces syndromes sont caractérisés par un tableau biologique commun de micro-angiopathie avec anémie hémolytique mécanique par fragmentation érythrocytaire associée à une thrombopénie]. Il n’y a jamais de coagulation intravasculaire disséminée associée, ce qui peut être un élément diagnostique précieux pour écarter un HELLP syndrome. En cas de purpura thrombopénique thrombotique, le tableau clinique associe des signes neurologiques, un état fébrile et une insuffisance rénale. Dans la plupart des cas, le purpura thrombopénique thrombotique survient avant la 24e semaine de grossesse . Le pronostic en a été considérablement amélioré par l’utilisation thérapeutique de transfusions de plasma frais congelé, ou les échanges plasmatiques avec substitution de plasma frais congelé. 

Dans les cas de syndrome hémolytique et urémique, exceptionnels au cours de la grossesse, la thrombopénie est en général moins sévère et l’insuffisance rénale est au premier plan du tableau clinique

C-Thrombopénies non liées à une pathologie de la grossesse 

1-Elles sont dominées par les thrombopénies auto-immunes, isolées (PTAI) ou associées à d’autres signes d’auto-immunité dans le cadre d’un lupus. Lorsque cette pathologie n’était pas connue avant la grossesse, le diagnostic repose essentiellement sur l’exclusion des autres causes de thrombopénie. 

2-Thrombopénies familiales 

Elles représentent un ensemble hétérogène et sont souvent modérées et/ou asymptomatiques : la numération de plaquettes systématique en cours de grossesse peut donc en être le mode de révélation. L’aspect des plaquettes sur lame et l’examen du frottis sanguin peuvent orienter le diagnostic, comme dans les cas de thrombopénie méditerranéenne ou de maladie de May-Hegglin où les plaquettes sont géantes]. Dans ce dernier cas, on observe également la présence de corps de Döhle dans les polynucléaires. Du fait de l’évolution physiologique de la numération plaquettaire au cours de la grossesse, la thrombopénie s’accentue jusqu’à l’accouchement, se corrige le plus souvent en post-partum immédiat, et la numération plaquettaire se stabilise de nouveau dans les semaines ou mois suivant l’accouchement. Le diagnostic, simple et peu invasif, repose le plus souvent sur la découverte d’une thrombopénie chez les membres de la famille]. Celle-ci doit être systématiquement recherchée en raison de la bénignité du pronostic 

3-Maladie de Willebrand de type 2B 

Cette anomalie biologique rare est caractérisée par la synthèse d’un facteur Willebrand anormal qui a une affinité accrue pour son récepteur plaquettaire situé sur le complexe glycoprotéique Ib-IX-V, ce qui induit une agglutination plaquettaire responsable de la thrombopénie. Du fait de l’augmentation du taux du facteur Willebrand en fin de grossesse, la thrombopénie peut être sévère et faire évoquer à tort le diagnostic de purpura thrombopénique auto-immun. Le diagnostic biologique repose sur la diminution ou l’absence de l’activité co-facteur de la ristocétine (vWF: RCO) contrastant avec une augmentation de l’agglutination des plaquettes à la ristocétine ex vivo et un taux d’antigène (vWF: Ag) normal ou modérément diminué. Il est conforté par la mise en évidence d’anomalies similaires chez les membres de la famille. Il existe un risque hémorragique maternel en per-partum, qui peut être contrôlé par la perfusion de concentrés en facteur Willebrand. Chez l’enfant le risque hémorragique, essentiellement pernatal, semble faible. 

4-Thrombopénies infectieuses 

L’existence d’une thrombopénie n’est pas rare en cas d’infections bactériennes ou virales survenant en cours de grossesse, notamment lors de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine. Il n’y a pas de corrélation entre les numérations plaquettaires de la mère et de l’enfant. En raison de la faible incidence des thrombopénies fœtales et de leur intensité modérée, ni la pratique systématique d’une césarienne, ni une exploration invasive du fœtus ne sont justifiées, ce d’autant que de telles explorations seraient assorties d’un risque accru de contamination virale. La prise en charge maternelle, outre le traitement antiviral, comporte, comme dans le cas du purpura thrombopénique auto-immun en cas de risque hémorragique (thrombopénie sévère, chirurgie), des cures d’immunoglobulines intraveineuses. 

5-Thrombopénie et lupus érythémateux disséminé 

Au cours de la maladie lupique, l’apparition d’une thrombopénie est observée chez 15 à 25 % des malades. Elle peut être associée à des anticorps antiphospholipides. Elle entre alors dans le cadre du syndrome des antiphospholipides qui peut s’accompagner de fausses couches spontanées à répétition et de thromboses. Un traitement préventif de ces complications doit alors être discuté. La destruction plaquettaire résulte de la fixation d’immuns complexes circulants sur le récepteur Fc des plaquettes ou bien de l’action d’auto-anticorps spécifiquement antiplaquettaires. 

Au cours de la grossesse, la maladie lupique peut s’aggraver et être associée à une atteinte rénale. Le retentissement fœtal est parfois très important, allant jusqu’au décès, notamment lorsque la maladie lupique se révèle lors de la grossesse. À la naissance, outre une thrombopénie, l’enfant peut avoir des lésions cardiaques à type de bloc auriculo-ventriculaire congénital, conséquences du passage transplacentaire des anticorps anti-Ro (SS-A) et des anticorps anti-La (SS-B) maternels et de leur fixation sur les tissus cardiaques. 

Ces grossesses nécessitent donc une prise en charge particulière, avec adaptation du traitement immunomodulateur. 

6-Thrombopénies auto-immunes chroniques 

Le purpura thrombopénique auto-immun est une affection hématologique fréquente chez l’adulte jeune, essentiellement de sexe féminin. L’association grossesse et purpura thrombopénique auto-immun n’est donc pas rare.  Le diagnostic de purpura thrombopénique auto-immun pendant la grossesse reste un diagnostic d’exclusion. Si les causes obstétricales, familiales, infectieuses, toxiques, sont aisément éliminées, il faut s’attacher à rechercher des signes en faveur d’une auto-immunité, afin de distinguer un purpura thrombopénique auto-immun modéré d’un épisode de thrombopénie gestationnelle, sans incidence chez la mère et l’enfant.

La grossesse n’influence guère l’évolution naturelle du purpura thrombopénique auto-immun bien qu’une aggravation de la thrombopénie soit le plus souvent constatée. En revanche, le purpura thrombopénique auto-immun complique la grossesse, de par le risque hémorragique associé, à la fois chez la mère et l’enfant. Les auto-anticorps maternels de type IgG peuvent traverser la barrière placentaire dès 14 semaines de gestation, se fixer sur les plaquettes fœtales et induire ainsi une thrombopénie fœtale. 

a-Diagnostic

Après un test global d’orientation tel que l’évaluation des IgG fixées à la surface des plaquettes, des techniques plus spécifiques sont mises en œuvre, faisant appel le plus souvent à l’immunocapture des antigènes cibles par des anticorps monoclonaux murins]. La recherche doit porter à la fois sur les auto-anticorps fixés (tests directs) et sériques (tests indirects) car il semble bien que la présence de ces anticorps et leur spécificité soient variables au cours de l’évolution de la maladie. Ces techniques sont cependant réservées à des laboratoires spécialisés en raison de leurs difficultés d’interprétation ou de réalisation . Les résultats obtenus avec les tests analytiques au cours des thrombopénies de la grossesse montrent qu’ils peuvent être un atout intéressant pour l’orientation du diagnostic étiologique : en effet, les auto-anticorps antiplaquettaires dirigés notamment contre le complexe glycoprotéique IIb-IIIa ne sont que très rarement détectés lors des thrombopénies gestationnelles [48]. Par ailleurs, des auto-anticorps anticomplexe GPIb-IX-V détectés chez la mère doivent alerter sur la survenue d’une possible thrombopénie néonatale sévère et prolongé

b-Les risques pour la mère – Orientations thérapeutiques

les risques pour la mère sont plutôt faibles. Si le nombre de plaquettes maternelles est supérieur à 50 x 109/L, une surveillance clinique et des numérations plaquettaires itératives seront les éléments essentiels de la prise en charge. 

Si le nombre de plaquettes est inférieur à 50 x 109/L, les risques hémorragiques potentiels du pré et per-partum justifient la mise en œuvre d’un traitement maternel visant à corriger la thrombopénie pour prévenir les complications hémorragiques. Les options thérapeutiques sont la corticothérapie et les perfusions de fortes doses d’immunoglobulines intraveineuses (Ig en IV), efficaces dans la plupart des cas. Les corticoïdes aux doses habituelles (1 mg/kg/j en se fondant sur le poids prégestationnel n’entraînent habituellement pas d’effets adverses sur le fœtus, mais peuvent induire chez la mère une hypertension, un diabète ou une mauvaise tolérance psychologique qu’il importe de dépister précocement. La réponse au traitement est en général obtenue en 3 jours à 2 semaines. Le traitement est ensuite adapté pour maintenir un nombre de plaquettes supérieur à 50 x 109/L. En cas de contre-indication, d’échec thérapeutique, ou lorsque la date prévue pour l’accouchement est très proche, on opte plutôt pour la perfusion de fortes doses Ig en IV (1 g/kg en se fondant sur le poids pré-gestationnel) qui permet généralement d’obtenir une réponse satisfaisante en 24 à 48 heures, avec une efficacité optimale à J4. Des bolus de corticoïdes intraveineux associés ou non aux immunoglobulines ont été proposés en cas d’inefficacité. 

Enfin, la splénectomie n’est plus proposée que très exceptionnellement en cours de grossesse en cas de thrombopénie sévère, expressive et rebelle aux traitements médicaux, ou en cas de mauvaise tolérance de ceux-ci. 

En pré-partum, un nombre de plaquettes inférieur à 80 x 109/L ou un temps de saignement allongé constitue en général une contre-indication à l’anesthésie péridurale en raison du risque hémorragique associé.

c-Le risque fœtal et néonatal 

C’est celui de la survenue d’une hémorragie intracrânienne en cas de thrombopénie, responsable de décès ou de séquelles neurologiques graves. Toutefois, il apparaît bien moindre que lors des thrombopénies par allo-immunisation materno-fœtale. 

La thrombopénie fœtale peut survenir très tôt pendant la grossesse, dès la 21e semaine de gestation, et ne se corrige jamais spontanément. Elle est très variable et non corrélée avec la thrombopénie maternelle sauf peut-être en cas de thrombopénie maternelle sévère pendant la grossesse. Il faut souligner que les auto-anticorps peuvent interférer avec les fonctions hémostatiques des plaquettes et induire une thrombopathie. Ceci explique que, dans certains cas, le syndrome hémorragique fœtal soit plus important que ne le voudrait l’intensité de la thrombopénie. 

 Le risque hémorragique est essentiellement pernatal, en cas de naissance difficile ou traumatique chez un nouveau-né thrombopénique. Environ 40 % des nouveau-nés dont la mère a un purpura thrombopénique auto-immun sont thrombopéniques, mais seuls 10 à 15 % d’entre eux ont une thrombopénie sévère avec un nombre de plaquettes inférieur à 50 x 109/L, à l’origine d’hémorragies intracrâniennes dans 1 à 3 % des cas. 

Jusqu’à présent aucun traitement maternel n’a fait la preuve de son efficacité pour corriger la thrombopénie fœtale. Il a même été suggéré que les corticoïdes administrés à la mère pouvaient aggraver le risque de thrombopénie fœtale en augmentant le taux des anticorps sériques capables de franchir la barrière placentaire. 

De ce fait, le problème principal est celui de la prévention du risque hémorragique pernatal et donc de l’évaluation du risque de thrombopénie fœtale. 

Aucun paramètre maternel, numération plaquettaire, taux des anticorps fixés ou anticorps libres, cible reconnue par les anticorps, ne semble être prédictif de l’atteinte fœtale et de son intensité. La ponction de sang fœtal sous contrôle échographique, réalisée en fin de grossesse, est actuellement la seule méthode permettant de déterminer précisément le nombre de plaquettes fœtales. C’est une procédure invasive, qui ne peut être effectuée que par des équipes entraînées. 

Quant au choix du mode d’accouchement, en cas de forte suspicion de thrombopénie fœtale, la césarienne doit être préférée à des manœuvres obstétricales délicates par voie basse.

En post natal, l’enfant doit avoir une numération plaquettaire à la naissance (sang du cordon), répétée à J3 et/ou J5, la thrombopénie néonatale pouvant s’aggraver ou n’apparaître que secondairement. En général, la thrombopénie persiste pendant plusieurs jours ou semaines et un nombre de plaquettes supérieur à 100 x 109/L n’est parfois obtenu que vers l’âge de 6 semaines à 2 mois. En l’absence de syndrome hémorragique authentifié, en particulier par l’échographie trans-fontanellaire, ou de facteurs de risque (manœuvre traumatique, prématurité, hypotrophie, cause locale de saignement), une simple surveillance clinique et biologique suffit.  Dans le cas contraire, une perfusion d’immunoglobulines intraveineuses (1 g/kg en une dose unique) peut être tentée, éventuellement répétée une fois en cas d’inefficacité. 

Les transfusions plaquettaires ne sont pas ou que peu efficaces car les plaquettes sont rapidement détruites par les auto-anticorps maternels présents dans la circulation sanguine du nouveau-né. Dans les cas de syndrome hémorragique grave, elles sont couplées à une exsanguino-transfusion qui permet en outre l’épuration partielle de l’anticorps. 

Si la thrombopénie est majeure d’emblée, il ne faut pas négliger l’association possible avec une allo-immunisation materno-fœtale et faire les explorations complémentaires nécessaires au diagnostic . 

Par ailleurs, la sévérité de l’atteinte clinique fœtale et/ou néonatale n’est pas toujours étroitement corrélée à la sévérité de la thrombopénie : elle dépend également des altérations éventuelles des fonctions plaquettaires provoquées par les auto-anticorps.

III-En pratique :

Des investigations poussées ne sont pas utiles dans la majorité des cas.

En cas de mise en évidence d’une thrombopénie < 70 G/l au cours du troisième trimestre (ou éventuellement de la fin du deuxième trimestre) chez une femme avec un compte plaquettaire normal aux premier et deuxième trimestres, une thrombopénie gestationnelle peut être évoquée mais le diagnostic ne pourra être confirmé qu’après l’accouchement (absence de thrombopénie néonatale et correction de la thrombopénie dans le post-partum, voir précédemment). Dans cette situation, après avoir exclu une prééclampsie, un syndrome de HELLP ou un AFLP, il faudra suivre le compte plaquettaire chez la mère et contrôler les plaquettes chez le nouveau-né.

Dans les autres situations (thrombopénie apparue plus tôt dans la grossesse, absence de compte plaquettaire antérieur, plaquettes < 70 G/l au troisième trimestre), le suivi des plaquettes durant la grossesse et le contrôle des plaquettes de l’enfant à la naissance sont aussi souvent les seuls éléments importants. Dans un premier temps il faut  un interrogatoire à la recherche d’antécédents de thrombopénie même anciens, ainsi qu’une enquête familiale comportant une numération de plaquettes systématique. Dans un deuxième temps, un bilan biologique comporte  une exploration de l’hémostase incluant le dosage du facteur von Willebrand (vWF), une enquête virologique (essentiellement la recherche d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine), une recherche de dysimmunité (auto-anticorps spécifiquement antiplaquettaires.

Il est indispensable de poursuivre la prise en charge après l’accouchement, surtout chez les primipares, par la surveillance de la numération plaquettaire chez le nouveau-né pendant la première semaine de vie, et chez la mère, non seulement en post-partum immédiat, mais aussi 3 et/ou 6 mois plus tard.

La figure suivante propose un algorithme de prise en charge d’une thrombopénie chez la femme enceinte. Il s’agit d’une attitude pragmatique basée notamment sur quelques éléments anamnestiques et biologiques simples mais essentiels.